J’ai bien mangé, j’ai bien bu !
5 mars 2018 - Fanahy gasyNo Comment   //   1341 Views   //   N°: 98

« Ny hendry mody voky, ny adala manesika ihany », dit le proverbe. Autrement dit, « le sage fait semblant d’être rassasié, l’idiot se goinfre toujours ». Faut-il y voir de la part des « Ntaolo » (Anciens malgaches) une charge à retardement sur le matérialisme et la cupidité ambiante ? Il faut croire que oui !

Imaginons un banquet de mariage où un convive va pour ainsi vider la marmite de riz devant tout le monde. A pleines louchées il se sert, le malotru, ne laissant autres autres que le résidu de sa goinfrerie, quelques grains, quelques brèdes et encore ! Pourtant on avait préparé le repas pour que chaque invité ait sa part au festin. On avait fait des « parts » justement, en tablant sur le fait qu’à chaque invité correspond un appétit normal ou moyen, ce qui est le principe même de l’égalité.

D’où la question : pourquoi le maître de maison laisse-t-il faire le vorace sans éducation, pourquoi ne le renvoie-t-il pas chez lui ? Le cuistre aurait-il un pouvoir spécial que le maître de maison redoute ? « Aza miady amin’ny mpandoam-bary » (ne te querelle pas avec le distributeur de riz), dit cet autre dicton. Pour la bonne et simple raison que c’est lui qui a le pouvoir de définir la part de riz réservé à chacun, et gare à celui qui a des différends avec lui…

Est-ce à dire que les plus voraces seraient aussi, en général, les mieux nourris ? Remarquons juste que loin d’avoir la décence du Sage qui sait freiner ses appétits, quitte même à faire « semblant d’être rassasié » pour en laisser davantage aux autres, le cuistre vorace, lui, n’en a jamais assez ; il bouffe, il bouffe, dût-il s’en faire éclater la panse comme dans la scène célèbre des Monty Python !

Le fameux fihavanana, le principe d’égalité, certains préfèrent dire d’équité, bref de justice, qui animait nos Anciens se retrouve dans la façon dont on organisait les repas. Contrairement à la pratique actuelle héritée des Européens, qui consiste à se servir soi-même dans la marmite, on chargeait une personne, généralement la maîtresse de maison, de verser le riz dans les assiettes, et elle seule avait accès à la marmite. Cette pratique, juste mais austère, est toujours en vigueur dans nos campagnes et voyez comme on se porte bien finalement dans les villages : pas d’obèses, très peu de maladies cardio-vasculaires, de cœur pris dans la graisse… Finalement, il n’y a qu’en incitant à se servir soi-même dans la gamelle qu’on suscite le désir d’en avoir toujours plus, avec pour conséquence de finir gros lard toujours en appétit ! Comme l’a écrit Rousseau : « La tempérance et le travail sont les meilleurs médecins de l’homme ».

Si la tempérance est la vertu du sage, la boulimie – le toujours plus pour ma pomme – est décidément la marque de l’Idiot nuisible (et non utile). Toujours plus de riz, toujours plus d’argent, toujours plus de gros lards arrogants… quelle triste société de Rapetous que celle où un seul peut se croire autorisé à vider la gamelle des autres. Comme le dit le Sage : « La tempérance est un arbre qui a pour racine le contentement de peu, et pour fruits le calme et la paix. » Bon appétit à tous !

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