On peut toujours rêver !
25 avril 2018 - Fanahy gasyNo Comment   //   1413 Views   //   N°: 99

« Fatra-pitady ny tsy hita, ka manary ny hita maso » peut se traduire par « Courir après le néant et perdre le réel ». Voici, comme toujours avec les Anciens, un dicton simple d’apparence mais d’une grande profondeur, à méditer sans modération…

Voilà un dicton qui, en gros, fait l’éloge du réalisme, de la mesure et du bon sens. Que nous dit-il ? Celui qui court après le vent risque fort de revenir avec des courants d’air plein les poches. S’il est, par exemple, gardien de zébus, il est clair que voyant son troupeau si mal gardé, des indélicats auront vite fait de mettre la main dessus. Adieu veaux, vaches, cochons, couvées ! Cela ne rappelle-t-il pas l’histoire de Perrette, la malheureuse héroïne de La laitière et le pot au lait de Jean La Fontaine ?

Perrette, rappelez-vous, porte sur sa tête une cruche de lait qu’elle compte vendre au marché. Chemin faisant, elle rêve à toutes les belles choses qu’elle pourra faire avec l’argent du lait. D’abord elle achètera des poulets qu’elle élèvera jusqu’à ce qu’elle puisse se payer un petit cochon qu’elle nourrira si bien qu’elle pourra le revendre pour s’acheter une vache, puis deux, puis trois, finalement tout un troupeau ! Mais la voici la tête tellement prise dans ses mirifiques projets,

qu’elle ne voit pas la pierre qui se dresse sur le chemin et contre laquelle elle bute, faisant tomber la cruche qui se casse et laisse le lait se répandre dans la poussière ! A courir le néant des rêves, elle a perdu son petit bien réel, ce que La Fontaine traduit en ces vers fameux : « Quel esprit ne bat la campagne ? Qui ne fait châteaux en Espagne ? »

Faire des châteaux en Espagne ! N’est-ce pas ce genre de projets insensés qu’a poursuivi le pauvre Don Quichotte, le héros de Cervantès, tout à ses rêves de gloire et de prouesses chevaleresques, au point de ne plus voir le monde tel qu’il est ! C’est ainsi qu’il croit voir dans une auberge un château enchanté, prend des paysannes pour de belles princesses et les moulins à vent pour des géants envoyés par de méchants magiciens. Sans parler de sa belle Dulcinée, la dame de ses pensées, qu’il ne rencontrera jamais ! Ainsi en va-t-il de tous les songe-creux qui espèrent se nourrir des fruits de leur imagination et perdent vite pied avec le réel. Ce que l’Ecclésiaste nous rappelle également en cette sentence fameuse dont notre dicton malgache semble être le copié-collé : « Ce que les yeux voient est préférable à l’agitation des désirs : c’est encore là une vanité et la poursuite du vent. »

Il existe en malgache un joli mot nofin-gadra, littéralement « rêve du prisonnier » pour exprimer un rêve irréalisable. Car de quoi peut bien rêver un pauvre prisonnier du fond de sa cellule, sinon de liberté ? Mais le rêve est permis et même souhaitable quand il apporte du baume au cœur et de l’espoir. « On peut tout m’enlever sauf mes rêves », disait notre regretté poète Dox. Rêvons, rêvons, mes amis, il en restera toujours quelque chose…

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