Nantenaina Fifaliana : Un monde d’ordures
10 juillet 2017 - CulturesNo Comment   //   1964 Views   //   N°: 90

Dans un pays qui nage en plein délire anti-environnemental avec ces monceaux de déchets qui envahissent les rues de la capitale, Nantenaina Fifaliana fait partie de ces jeunes cinéastes qui ne se croisent pas les bras. Avec les moyens du bord, il a filmé en gros plan les « ordures » qui minent peu à peu mais sûrement le pays…

Comme on dit, la simplicité est la marque des grands. En témoigne le film court documentaire (12’) Fako io (Nos déchets) de Nantenaina Fifialiana. Son reportage est loin d’être à l’eau de rose, puisqu’il plonge au coeur des eaux usées de la capitale où flottent les défécations urbaines, à l’origine toutefois du cresson que nous mangeons ! « Le succulent plat de cressons dont les Malgaches raffolent à Tana a en fait poussé grâce à la fiente du citadin », explique le réalisateur. Sélectionné dans la compétition Zébu d’or Documentaire National lors des Rencontres du film court (RFC) en avril dernier, son film essaie de comprendre comment les Malgaches survivent dans ce monde croulant sous les déchets.

Coup de gueule. « Durant le tournage, j’ai vu une femme (bien sapée) qui n’a pas hésité à jeter son pot de yaourt par terre, inconsciente que ce pot allait boucher les canalisations. C’est par des gestes inconscients de ce genre que la moitié de la ville se trouve sous l’eau lors des pluies abondantes, à cause des égouts bouchés par les déchets. »

Son film minimaliste – ni voix off ni témoignage – parle des faits et des solutions qu’on peut apporter. « Il est impératif de passer par le recyclage par exemple avec la jacinthe, cette plante qui permet de transformer les eaux usées. » Ce côté engagé l’habite depuis ses 17 ans lorsqu’il commence par être technicien à l’image aux côtés de son frère, le réalisateur Lova Nantenaina, connu pour son film Ady Gasy (Système D). Mais avant de passer au documentaire, Nantenaina Fifaliana s’est adonné à la photographie puis au film d’animation avec Le pain sélectionné lors des RFC en 2012. « Je m’intéresse surtout aux petits métiers et à l’aspect humain des choses, voilà pourquoi je me suis engagé dans le documentaire d’auteur . »

Sa carrière a été lancée grâce à son film documentaire de 11’23 Anay ny lalana (La rue est à moi), dont le « work in progress » a été sélectionné aux RFC et a remporté le premier prix aux Rencontres du film documentaire de l’océan Indien en 2015. La version finale a été sélectionnée en compétition officielle au Festival International du court-métrage de Clermont-Ferrand et a obtenu le Prix du public au festival Filmer le travail à Poitiers en 2016. « C’est l’histoire de Dadakoto, un homme âgé de 70 ans, qui travaille en cherchant de l’eau depuis ses 8 ans. Cela m’a ému et j’ai raconté son histoire. »

Si on dit que les réalisateurs malgaches sont des faiseurs de films, selon Nantenaina Fifaliana, ce n’est pourtant pas évident de faire ce métier à Madagascar. « Ni école, ni salle de cinéma et maintenant il y a ce projet de loi sur la structuration du cinéma malgache que je juge fait à la hâte et sans véritable réflexion. » En tout cas, toujours à foncer et à concocter un nouveau projet de film, Nantenaina Fifaliana ne compte pas en rester là.

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