Hainteny. IL Y A 100 ANS JEAN PAULHAN
1 mars 2013 - CulturesNo Comment   //   2248 Views   //   N°: 39

Dans le cadre du centenaire de la parution des Hain-teny Merinas de Jean Paulhan, l’Académie malgache organise le 24 mai une journée dédiée à cette forme de poésie traditionnelle. Méconnue des jeunes générations, elle n’en montre pas moins une belle vitalité à travers slam, rap, hira gasy et kabary…

Il y a tout juste un siècle, Jean Paulhan (1884-1968), jeune chercheur en psychologie, publiait à Paris, chez Paul Geuthner, ses fameux Hain-teny Merinas. Abstraction faite des transcriptions ordonnées vers 1830 par la reine Ranavalona I, c’est la première anthologie de ces « poésies populaires malgaches » que Paulhan a patiemment recueillies et traduites en français de 1908 à 1910, alors qu’il enseignait au collège de Tananarive. L’influence du livre sera considérable sur les artistes de l’époque, à commencer par Apollinaire, lançant dans la lignée des Lévy-Bruhl, tout ce mouvement de revalorisation des arts « premiers ». 

C’est cet événement capital pour Madagascar et plus généralement pour la littérature francophone du sud, que l’Académie malgache entend commémorer en organisant le 24 mai une « journée hainteny ». « Les jeunes générations ne savent plus vraiment ce que c’est. Elles ne connaissent pas Paulhan, ni même souvent Rabearivelo qui a largement puisé dans cette tradition. Pourtant elles font du hainteny sans le savoir quand elles pratiquent le kabary (art du discours), la chanson, le rap ou le slam », estime Juliette Ratsimandrava, membre du comité du centenaire et présidente de la section lettres et arts de l’Académie Malgache (elle est également responsable du centre des langues au Tahala Rarihasina).

 C’est précisément cette actualité du hainteny que la commémoration du centenaire veut mettre en avant. Pour la journée du 24 mai, le public pourra ainsi assister, après l’adresse solennelle du pasteur Richard Andriamanjato, membre de l’Académie malgache et président du comité, à une leçon inaugurale, suivie d’illustrations artistiques émanant d’écrivains, de chanteurs et de comédiens. Un spectacle écrit par Daniel Bedos et le comédien Odéamson est également prévu.

Mais qu’est-ce qu’un hainteny ? Au sens premier, c’est un proverbe un peu plus long que les ohabolana (dictons traditionnels), mais plus court que les kabary, dont il se distingue également par son contenu érotique. « On aurait tort de réduire les hainteny à leur composante érotique. Ils touchaient aussi à des points d’actualité, mettant en avant des problématiques sociales, comme la solidarité, le partage, la paix. Un peu comme les messages qu’on retrouve dans le hira gasy actuel », explique Juliette Ratsimandrava.

Pour Suzy Ramamonjisoa, membre du comité du centenaire et responsable du Centre de recherche et d’intervention culturelle (Fombandrazana sy Fivoarana), commémorer cette première édition des des Hain-tenys Merina, c’est aussi mettre en avant la figure de Paulhan dont la démarche « compréhensive », d’ouverture au dialogue interculturel, ne peut qu’étonner dans le contexte colonial lourdement normalisateur de l’époque.

« Il est le premier intellectuel étranger à avoir manifesté de l’intérêt pour cet aspect de la culture populaire. Au point d’avoir appris très rapidement le malgache qu’il enseignera ensuite à Paris. Il étonne encore quand il exhorte le gouverneur général Augagneur à exclure l’enseignement de la langue française aux Malgaches dans les classes primaires. Le risque, estimait-il, était qu’ils allaient y perdre leur déjà faible connaissance du malgache… au final, il aura eu raison. »

Dans cette oeuvre abondante, ponctuée par son élection à l’Académie française en 1963, Les Hain-tenys Merina occuperont toujours une place spéciale dans la vie de Paulhan. Il ne cessera de retravailler son texte, qu’il juge trop savant, pour en arriver à une seconde version plus en raccord avec son sujet qu’il donne à Gallimard en 1939. « De sa familiarité avec les hainteny, il va tirer cette écriture très épurée qui fait aussi l’élégance et la modernité de son style », relève Suzy Ramamonjisoa.

C’est dire que côté français, notamment de la Société des lecteurs de Jean Paulhan (SLJP) à Paris, le centenaire de la première édition donnera également lieu à des commémorations conjointes à celles de l’Académie malgache. Une communication de la petite-fille de Jean Paulhan devrait ainsi nous permettre d’en savoir plus son séjour à Madagascar. Sans parler d’une réédition des Hain-tenys Merina qui serait d’ores et déjà envisagée. « Pour 2013, on l’espère », précise Suzy Ramamonjisoa.

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