D-Project OPÉRATION MANGA
1 juillet 2013 - CulturesNo Comment   //   2779 Views   //   N°: 42

Une véritable école malgache de mangas est en train d’éclore. Son point de ralliement le D-Project de l’association Roses & Baobab. De jeunes talents (on dit « mangakas ») qui ne désespèrent pas de mettre un jour des « lambahoany » à leurs personnages…

Si le manga malgache peine encore à trouver son identité, au sens où il est encore très calqué sur la façon de faire des Japonais, on sent parmi la génération montante un vif désir d’émancipation. Cela est particulièrement vrai au sein du collectif D-Project (pour Drawing Project), la branche « dessin » de l’association Roses & Baobab. En activité depuis janvier 2013, ce véritable laboratoire du manga (mais pas seulement) abrite de jeunes mangakas (dessinateurs) pleins de promesses, tels Tahina, Gael, Suki, Sawyer, Hachimitsu ou Spiel. « Tahina et moi savions que Roses & Baobab s’occupait d’art malagasy. On leur a montré nos dessins et le président Gérard Albin Fiorina a été intéressé à nous intégrer à l’association »explique Gael.

Le public a eu l’occasion de les découvrir à la galerie Art’ko de Roses & Baobab du 11 mai au 1er juin. Juste un aperçu de ce qu’ils savent faire, en attendant la parution de leur premier album de bédé qu’ils sont en train de réaliser chacun de leur côté. Chacun dans son style à lui. Tahina aime dessiner des femmes sexy ; Suki préfère les images sombres, fantomatiques, voire sanglantes ; Gael est davantage tourné vers les univers médiévaux fantastiques, mélangés à des éléments futuristes. Tahina est celui dont le travail est le plus avancé. Il s’attelle à un shonen, une histoire ciblant les adolescents de sexe masculin : « Les aventures d’un lycéen un brin pervers, mais plutôt humoristique »explique-t-il. Cela pour donner une idée de l’extrême variété des genres qui peuvent cohabiter au sein de la nébuleuse manga. 

Ce mot japonais signifiant « image dérisoire » ou « caricature grotesque » n’a pris le sens de bande dessinée qu’à partir de 1945. Les mangas, ce sont des millions d’albums qui paraissent au Japon et inondent le monde, souvent associés à des jouets ou à des jeux vidéo. Dragon Ball s’est vendu à plus de 250 millions d’exemplaires, surpassant même Tintin…

Dû à sa composante asiatique, le public malgache semble avoir une sensibilité naturelle vis-à-vis de la culture japonaise, et notamment du manga. Suki l’explique par la facilité avec laquelle ce média parvient à véhiculer les émotions, sans trop passer par les mots. « Le rythme est plus rapide que dans les bédés occidentales. Au niveau du découpage et des cadrages, cela ressemble au cinéma. Et il y a plus d’onomatopées que de vrais textes » L’hyper-expressivité des visages, touchant effectivement à la caricature et au grotesque (par exemple, l’évanouissement signifié par une croix remplaçant les yeux) est l’un des autres grands traits de l’esthétique manga. « On ne va pas jusqu’à reprendre, comme les Américains ou les Français, le sens de la lecture japonaise (de droite à gauche), une certaine confusion dans l’esprit du lecteur. Il faut l’initier petit à petit », considère Gael.

Parfaitement autodidactes, tous ont commencé en observant les dessins animés adaptés de mangas diffusés à la télévision malgache. Séduits, ils commencent par les imiter avant de véritablement chercher leur style. Encore aujourd’hui, ils se réfèrent aux grands noms du genre, tels Osamu Tezuka (Le Roi Léo, Astroboy), Takeshi Otaba (Death Note) ou à des créateurs de jeux vidéo comme Tetsuya Nomura (Final Fantasy). Avec cette différence qu’ils veulent parvenir le plus possible à du manga malgache. « On insère des éléments de mythologies malgaches dans nos histoires. On ne prévoit pas encore de dessiner des femmes en lambahoany, mais ça viendra. Raconter l’histoire de Madagascar en manga ce serait déjà une belle réussite », estime Suki.

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