Caca pigeon
6 janvier 2016 - GaysyNo Comment   //   2153 Views   //   N°: 72

J’entends le grincement de notre vieux portail, et au même moment j’ai le pressentiment que c’est peut-être lui qui revient. Ce nouveau type avec qui j’ai passé la nuit la dernière fois. Pourtant ce soir, je me trouve déjà en compagnie de Rija qui vient de temps en temps quand ça lui chante, avec qui je fais l’amour, à sa façon, mais dont le sentiment pour moi est totalement flou. En général, quand il s’agit d’exprimer leurs sentiments, les mecs ne sont pas doués ; s’engager dans une relation sérieuse leur fait peur. Mes indices de leur attachement à moi se définissent aux rythmes de leurs visites et aux intensités de nos ébats amoureux.
- Si c’est quelqu’un pour moi, dis-lui que je suis sorti , murmuré-je à Rija.
Et voila qu’on frappe à ma porte. Je me cache dans la pièce du fond et il part ouvrir. Je le reconnais à sa voix, c’est bien lui ! Celui avec qui j’ai passé une nuit torride le week-end dernier. 

Surpris de ne pas me voir chez moi, il demande si je vais bientôt revenir, vu qu’il est déjà vingt heures.
- Aucune idée, mais laisse un message et je lui transmettrai, lui répond Rija.
- Dis lui que Cyriaque est passé. S’il te plaît, tu peux lui donner ça de ma part, je ne sais pas si je vais pouvoir revenir, le prie-t-il timidement.
Et il s’en va.
- Tiens, voilà ton cadeau de la part de Cyriaque, ironise Rij en me tendant un petit paquet.

Un soupçon d’inquiétude se lit dans ses yeux bridés. Ils ont tous les deux à peu près le même âge, la même taille et presque le même teint. Cette visite impromptue déclenche une série de questions plutôt tendues : sur la nature et l’intensité de notre relation, entre Rija et moi, puis entre Cyriaque et moi… Et ce petit cadeau soigneusement emballé, contenant un sachet de caca pigeon qui doit valoir 100 ariary, pas plus ! Un geste que Rija n’a pas l’habitude de faire.
Et soudain, le portail grince de nouveau, et voilà qu’on tape à ma porte. Sur la pointe des pieds, je reprends ma cachette.
- Désolé, c’est encore moi…
- Il n’est pas encore de retour, lui rétorque Rija l’air un peu gêné, les yeux rivés sur l’horloge murale dont la petite aiguille indique le neuf et la grande le six.
- Ben, bon, n’oublie pas mon petit message, c’est important, lui lance-t-il avant de repartir.
Rija est agacé. Il s’emporte en me disant qu’il n’est pas celui à qui on laisse un message et un cadeau pendant que Monsieur joue à cache-cache avec sa nouvelle conquête. Il mange vite fait, se met en caleçon et se glisse dans le lit pendant que je fixe l’écran de télévision, la tête ailleurs, pensant à l’insistance de mon visiteur nocturne…
Je suis presque assoupi lorsqu’on cogne à ma porte. Cette fois, je n’ai pas entendu le portail.
Son soulagement est visible en me voyant lui ouvrir la porte.
- T’étais où ? C’est la troisième fois que je passe. Est ce que tout va bien ?
Je lui dis de s’asseoir, le rassure que tout va bien et que j’ai bien reçu son cadeau… Il m’empêche de finir ma phrase, sort un petit chocolat de sa poche, l’ouvre et me le met dans ma bouche. Ensuite, il prend mes deux mains entre les siennes et me demande : « Je peux rester avec toi ce soir ? »
C’est là qu’il pose son regard sur le lit et remarque la présence de quelqu’un.
- C’est qui ?
- Un ami.
Je vois des larmes jaillir doucement de ses yeux. C’est à ce moment précis que je sens qu’il veut autre chose que du sexe. Je lui saute au cou et l’embrasse fougueusement. Pendant ce temps, le reste du petit bout de chocolat passe de ma bouche à la sienne. Il le croque en deux, garde une partie et me laisse l’autre avant de quitter mes lèvres. Pendant toute la nuit, je suis pris entre la chaleur de l’un et le malaise de l’autre, ce témoin des larmes que le premier a versées pour moi.
Le lendemain, à mon réveil, Rija n’est plus là. Il m’a juste laissé un mot : « C’est à ton tour de lui offrir un mouchoir, pourvu que ça ne soit pas des larmes de croco ! Adieu. »

par #Don 

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