Nicolas Dupuis : « Madagascar a de véritables talents »
26 août 2019 - LoisirsNo Comment   //   1991 Views   //   N°: 115

Eliminé en quart de finale contre la Tunisie durant la CAN 2019, l’équipe nationale malagasy Barea a pourtant rendu fier tout un pays. L’entraîneur, Nicolas Dupuis revient sur les moments forts de la compétition et sur le travail qu’il reste à faire pour que cette performance ne soit pas éphémère.

Est-ce que vous vous attendiez à un tel engouement à votre retour au pays ?
Je n’aurai jamais pu imaginer une telle foule. Ce n’était pas des milliers mais des centaines de milliers de personnes qui étaient là. C’était un truc de fou. Si on m’avait dit que l’équipe et moi allons traverser Ivato jusqu’à Mahamasina en 8 heures, moi personnellement, je ne l’aurais pas fait. Mais on l’a fait avec un plaisir fou. Les gens étaient en liesse autour de nous avec la bonne humeur, un bon esprit, c’était génial. Je n’oublierais jamais ! Les joueurs ont été aussi surpris que moi alors qu’ils ont l’habitude du peuple malgache. A côté de moi, Faneva m’a dit que même dans ses rêves les plus fous, il n’aurait jamais pensé à ça !

Une longue préparation pour arriver à ce résultat ?
Six semaines de vie en commun, trois semaines et demi de préparation où nous avons travaillé tactiquement et physiquement.

Mais surtout mentalement puisqu’il fallait accepter pour certains d’être des remplaçants et pour d’autres d’être des titulaires. Mais à chacun des matchs, je termine toujours en disant que le mot d’ordre, c’est de prendre du plaisir. Et aussi, le plaisir à apprendre à donner du plaisir.

Une CAN historique…
On rentre dans la compétition avec une crispation durant le premier match contre la Guinée. Pendant les premiers quarts d’heure, on a senti qu’on n’était pas bien. Et puis à la mi-temps, on perdait à 1-0, je leur ai dit que ça ne leur ressemblait pas. Il faut faire autrement, il fallait marquer. Nous sommes arrivés à 2-2. Le deuxième match contre le Burundi était difficile puisqu’on a joué à 16h sous 40°C. On a souffert en deuxième mi-temps mais Marco marque un but salvateur. Le troisième match contre le Nigéria, favori de la poule était fantastique tactiquement. On avait une discipline exceptionnelle et on gagne 2-0 contre la troisième équipe africaine du moment. On passe les phases de poule et on termine dans le premier groupe, ce qui est exceptionnel. On passe en huitième de finale contre la RDC qui est une grosse équipe aussi. Pour la petite histoire, deux ans et demi avant mon arrivée, elle nous a mis 6-1 à Majunga. Une RDC qui ne nous avait pas trop pris au sérieux mais qu’on arrive à battre avec un pénalty. A ce moment-là, on avait déjà gagné notre CAN.

Mais en quart de finale, l’équipe s’essouffle ?
Pour le match contre la Tunisie, on n’a pas pu correctement préparer le match parce qu’on avait trois jours de pause seulement. On avait perdu une journée de transit entre Alexandrie et le Caire. Mais au-delà de ça, nous étions fatigués. Je ne cherche pas d’excuses mais c’est le match qu’on a moins bien préparé. Et ce qui devait arriver, arriva. On tient 55 minutes et ensuite, on perd. On n’a pas été bon ! Ce n’est pas du tout un regret, puisqu’on perd en quart de finale. Qui aurait cru qu’un jour, Madagascar irait aussi loin et faire partie des huit meilleures équipes africaines ! Je suis content pour Madagascar. Il faudrait qu’un jour, les gens comprennent et prennent confiance en eux puisqu’il y a du talent à Madagascar et pas seulement en milieu sportif.

Beaucoup de travail reste à faire…
Notre faiblesse, c’est notre manque d’expériences par rapport à la compétition. On a foncé comme des fous à essayer de tout croquer mais à un moment, ça a craqué parce qu’on était fatigué. On aurait pu gérer autrement. On ressort avec beaucoup de fierté mais il reste encore beaucoup de travail à faire. Nous sommes l’équipe la plus âgée de la compétition. J’ai tiré la sonnette d’alarme qu’il faut vite se remettre au travail parce que dans deux ans, il y a une CAN qui arrive et si on a cinq ou six joueurs en moins, ça risque d’être difficile. Il faut une relève car l’équipe va sûrement changer. Il faut un travail de base et de fond qui manque car depuis près de quinze ans, rien ne se fait. Je parle des jeunes, des équipes masculines et féminines. On est nulle part mais il faut qu’on soit partout. Je pense surtout à l’avenir.

Et ce n’est pas le talent qui manque ?
A Madagascar, il y a un vivier exceptionnel de talents. Il faut les détecter, ce qui n’est pas le cas. Il faut faire des sélections d’élites, des académies mais tout cela n’existe pas. On ne fait rien. Depuis deux ans, j’ai remarqué que les gens qui gèrent pour l’instant la fédération ne s’en rendent pas compte. Mais maintenant, je pense qu’il faut des changements le plus rapidement possible. Bientôt, il y aura des centres qui vont être créés, il faut du temps pour mettre tout ça en place. Sinon, en septembre, je vais retrouver mes joueurs pour des éliminatoires soit de CAN soit de la Coupe du Monde. Je suis confiant, c’est pour cela que je reste quatre ans de plus.

Propos recueillis par #AinaZoRaberanto

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