Gaby Saranouffi : « Les mots du corps sont toujours très forts »
11 avril 2018 - CulturesNo Comment   //   1397 Views   //   N°: 99

« La danse est pour moi une source d’énergie infinie et mon corps est le canal. » C’est l’ultime conviction de Gaby Saranouffi, pionnière de la danse contemporaine malgache et directrice du festival international de danse contemporaine I’Trôtra.

Gaby Saranouffi est une boule d’énergie émotionnelle sur scène. Une force qu’elle puise dans cette écriture chorégraphique traditionnelle qu’est le « Diam-panorina ». C’est un mouvement de danse très précis autour du jeu du fanorina. « Cette ancienne technique d’écriture chorégraphique date de la royauté malgache dans les années 1500. Elle a été initiée par le roi Andriatompokoindrindra. Je l’ai adaptée à ma sauce plus contemporaine. »

Avant d’arriver à son statut de danseuse-chorégraphe internationale réputée, Gaby Saranouffi a dû se battre. « Mon père était instituteur et directeur d’une école. Il me voyait faire un métier plutôt conventionnel et ne voulait aucune activité qui pourrait perturber mes études. » Après un an de longues discussions, elle a fini par le convaincre et intègre l’école de danse Palais des enfants pionniers à Toamasina en 1987 puis le Centre national de danse et le Studio Harmonic à Paris en 1999, sans oublier son passage à l’Ecole de sable de Germaine Acogny au Sénégal en 2000.

Elle commence alors à écrire ses propres pièces chorégraphiques et lance sa compagnie Vahinala. « On connaît la danseuse en moi par ses deux côtés : le Ying comme une vraie guerrière et le Yang avec sa douceur féminine. » Gaby Saranouffi sait harmoniser ses deux rapports de force sur scène. Elle peut passer d’un mouvement brutal près du sol à une subtile geste de douceur avec ses mains en lançant un regard émotionné vers son public.

Ses productions sont empreintes d’histoires comme un puissant vécu personnel. « Mes pièces sont engagées. Je ne fais pas de représentation esthétique pour divertir mon public. Je crie à travers les langages de mon corps sur ce qui ne va pas dans ce pays. » Son solo « Moi » parle des violences subies par les femmes et les enfants. Durant 25 minutes, elle raconte l’histoire d’un corps abusé, violé, dévasté, ravagé et ce qu’il en reste. Dans cet esprit de dénonciation, son duo « Je suis chien » avec son frère Haja Saranouffi évoque le tourisme sexuel qui se pratique en silence à Madagascar. « La réaction des gens face à ces pièces me touchent toujours autant. Il y en a même qui pleurent et cela prouve que les mots du corps sont très forts. »

Son engouement pour la danse contemporaine l’a conduit à être couronnée Chevalier de l’ordre de arts et des lettres en 2012. Ses nombreux passages à l’étranger comme Afrique du Sud, le Mali, la France, l’Allemagne ont nourri ses expériences. Sa destinée l’a amenée à vivre en Afrique du Sud depuis maintenant quatre ans mais elle n’en oublie pas pour autant ses racines. Son plus grand projet est le festival international I’Trôtra. Créé en 2004, il est devenu au fil du temps une référence en matière de danse contemporaine. Cette année, il sera organisé en Afrique du Sud, en septembre, et l’année prochaine au Botswana. « L’objectif est d’en faire une plate-forme d’art mobile organisé en Afrique et dans le monde. » L’ambition, la guerrière en Gaby Saranouffi l’a dans les veines. 

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