Joël Andrianomearisoa, ou la dimension matérielle de la poésie
25 mai 2025 // Littérature // 4956 vues // Nc : 184

Il se présente en tant que plasticien, mais c’est avant tout un poète. Son nom est Joël Andrianomearisoa et son travail constitue la preuve même que la poésie n’est pas un genre littéraire, mais une dimension à part entière du monde. De Cotonou à Ouidah, de décembre 2024 à fin août 2025, dans son exposition intitulée Promesse, il s’agit justement de poésie, dans un véritable manifeste où l’émotion est le maître mot, à contresens de toutes les horloges, au cœur d’un univers façonné par les veines des feuilles mortes, dans un automne éternel.

Des promesses infinies pour écrire des pages blanches

Il faudrait peut-être prendre le train à la gare pour tenter la saveur entière de tout le voyage. Pourtant, c’est à Ouidah que les portes de Promesse s’ouvrent à moi. Dans un parcours à l’envers, en pays étranger. Une main tendue. Et soudain, le Bénin qui présente une face connue, un univers familier. Celui d’un certain Joël Andrianomearisoa. Une promesse déjà.

Promesse du vent d’abord. Des éventails en fibre végétale. Comme pour dire, dès l’entrée de l’acte final d’une pièce de théâtre qui en compte trois, que ces pactes scellés, ces rêves que l’on donne à espérer, ces illusions à réaliser, ne sont que souffle, qui bercent ou qui affolent, un pont de temps et de parole, où tout est possible. Une page blanche qui attend la première majuscule. Ouverte à tous les horizons, car non scellée encore par le dernier point.

Là, la valse des émotions nous entraîne. Elle rebondit sur une ivresse baptisée Promesse de l’alcool, va-et-vient, en nous arrachant des souvenirs couturés de mélancolie et des sourires légers à l’abri de l’hier. Sourires fragiles réservés pour les meilleurs lendemains. Jusqu’à ce que viennent les feuilles mortes. Cette voix, cette porte. Une chanson. Dedans, comme une dissonance. Un gouffre de poésie.

Joël Andrianomearisoa, ou la poésie qui mange la matière
À la fin de ce parcours, deux choses seulement. La première est une certitude : ce livre, ces lettres d’Albert Camus à sa bien-aimée, son amante. Ces pages blanches et toute la charge de battements de cœur qu’elles entraînent sont la démonstration par l’absurde, le théorème qui démontre que la poésie déborde les mots, qu’elle les précède et les surpasse, qu’elle est au final une dimension véritable à laquelle on peut accéder, soit par le verbe d’un Éluard ou d’un autre, soit par la matière. La seconde est que Joël Andrianomearisoa, quand bien même il use des mots, insuffle cet envers du monde qu’est la poésie par l’entremise de notre regard et de notre épiderme, par le truchement de ce que l’on saisit, de ce que l’on entend, de ce que l’on palpe, de ce que l’on peut manger. De sorte à tenir le poétique par la queue, ce poète, ce géographe, cet historien, ce plasticien — peu importe — mais surtout cet esthète, est allé jusqu’à bousculer les fibres de notre perception pour y imprimer, au fer rouge de nos émotions, de nos envies et de nos désirs, un poème indélébile que l’on peut lire ou réécrire à loisir.

Les critiques d'Elie Ramanankavana

Poète / Curateur d'Art / Critique d'art et de littérature / Journaliste

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Il fut un temps — pas si lointain — où le cinéma malgache était timide, réduit à quelques projections confidentielles et à des moyens de fortune. Depuis un certain temps – ironie du sort ou simple justice poétique – ce sont nos films qui s’invitent sur les écrans du monde et des festivals sur les cinq continents. Felana Rajaonarivelo, Kuro Mi qui ont été récemment primés dans des festivals internationaux. Avec cette nouvelle génération de cinéaste, Madagascar rafle les prix et, surtout, les regards.
Il fut une époque où parler de « cinéma malgache » provoquait un sourire poli, celui qu’on réserve aux rêves un peu fous. D’autres se moquaient ouvertement de ces productions de niveau abécédaire. Désormais, ces points de vue moqueurs s’effacent pour laisser place à l’admiration. Les images sont plus nettes, les scénarios plus affûtés, les voix plus assurées. On sent cette montée en gamme, cette fierté tranquille d’un art qui prend enfin confiance en lui. Et c’est beau à voir — comme une pellicule qu’on aurait enfin sortie du grenier pour la projeter au grand jour.
Certes, des défis restent à relever, notamment en matière d’infrastructures, de financements, de formation… mais le vent tourne. Et ce vent-là sent la créativité, la sueur, et un peu de ce grain de folie propre à nos conteurs. La Grande-île ne veut plus être simple figurant dans l’histoire du septième art. Madagascar s’installe, doucement mais sûrement, dans le rôle principal. Au fond, ce renouveau n’est pas qu’un phénomène culturel. C’est une déclaration : ici aussi, on sait raconter. Et mieux encore, le faire rêver.

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