Hella feki, une reine sans royaume, ou comment peupler par l’imaginaire les vides de l’histoire
18 août 2025 // Littérature // 3947 vues // Nc : 187

À paraître chez JC Lattès, le 25 août prochain, Une reine sans royaume de Hella Feki est un roman qui brosse par la magie des ombres les grands traits d’une histoire, celle d’une vie oubliée, le séjour de Ranavalona III à Tunis, ses amours, ses réflexions, ses amitiés entre salon littéraire et cour royale. Tout cela d’une plume fleurant bon l’expérience, dosant sans fioriture poésie et récit.

Hella Feki, ou comment marcher sur un pont d’oubli?

Hella Feki nous comte dans les pages de son livre, le séjour de la reine Ranavalona III à Tunis. Se mélangent ainsi souvenirs et impressions. La terre abandonnée de Magadascar, sa couleur, ses parfums, ce royaume perdu arraché à la chair de sa reine, embrasse dans sa langueur et sa mélancolie, les salons littéraires tunisiens.

Construit comme un journal intime, l’ouvrage est en fait un manuel de magie. Hella Feki y fait la démonstration des puissances occultes de la fiction. Elle invoque la gravité de l’exil, convoque la profondeur de l’amour, et dresse des hommes à la place des spectres de l’oubli, en inventant dans un abracadabra raffiné un séjour dont nous ignorons tout.

L’autrice fait preuve d’une imagination inouïe, nourrie d’empathie, d’admiration et de recherches dont en sent à travers les pages l’étendue mais aussi la difficulté.

Imaginez seulement cette écrivaine les fantômes comme indices, les palais vides et les ruines comme fil rouge d’un labyrinthe de l’impossible, mais qui au bout de son périple en ressort un livre à la main. Ce livre c’est roman qui touche. Car, oui, toucher est la plus grande réussite de cette œuvre qui par la sueur et les larmes, la mémoire et l’oubli, insuffle au vide la vie. Par là entendez le sang, les désirs, les peurs. En effet, ce roman rend sensible, dans une langue délicieuse et maîtrisée, l’expérience d’exil d’une Ranavalona III dont nous ne connaissons au final rien du tout. Hella Feki, tisse sur le néant et le silence, des rencontres, des amours, des révoltes. Elle invente les coulisses, l’arrière monde des battements de cœur, et tout prend forme. Elle nous prend, nous emmène. Et nous côtoyons sous sa plume Ranavalona III. Nous entrons dans sa chambre. Nous sommes témoins, complices, de celle qui aura été la dernière souveraine d’une île désormais abandonnée à tous les vents.

Nous lui découvrons une passion pour la poésie, la peinture. Nous sentons sa sensibilité aux questions sociales. En nous les affres de l’éloignement de la terre des ancêtres brûlent. Ses blessures ouvrent notre esprit sur l’humiliation que lui a fait subir l’occupation Française.

Un livre qui ouvre au monde

Le point culminant de ce roman est sans doute le procès de la révolte des paysans tunisiens. La barbarie éclate d’un côté comme de l’autre. La violence appelle la violence. Et même si Ranavalona est à l’autre bout du continent, elle s’indigne. En elle, les échos de cris et de sang se lèvent en un seul mot «Menalamba». Un pont est tissé. L’homme demeure le même. L’oppression est partout. Elle n’est plus la reine insulaire, elle est la caisse de résonance du monde. Une voix qui murmure que les souffrances de l’autre ne sont que le reflet de nos propres misères.

«Les hommes parlent tous le même langage, s’oubliant , s’opprimant. Puis revient l’apaisement, et comme un grand cyclone, l’impression de vide que cause un grand malheur. Les horreurs se répéteront toujours, et entre chaque cycle, l’écoulement d’une rivière sereine, en trompe-l’œil, se dessinera dans la mémoire des hommes.» Un passage qui montre combien, Une reine sans royaume, ne circonscrit pas, mais étend jusqu’à la déchirure tout en recousant les plaies de l’homme par la main des hommes eux-même.

Les critiques d'Elie Ramanankavana

Poète / Curateur d'Art / Critique d'art et de littérature / Journaliste.

Laisser un commentaire
no comment
no comment - Exposition : L’économie a bonne mémoire

Lire

10 octobre 2025

Exposition : L’économie a bonne mémoire

De l’époque des royaumes à l’ère républicaine, Madagascar raconte son parcours économique à travers une exposition inédite. Organisée par FTHM Consult...

Edito
no comment - La fierté en prolongations

Lire le magazine

La fierté en prolongations

Il y a des moments où Madagascar oublie ses 23 régions et vibre à l'unisson. C’était le cas lors de la dernière édition du Championnat d'Afrique des Nations l'a bien montré. Les Barea, match après match et en devenant vice-champions d'Afrique, ont fait que bien des Malgaches se sont découverts fans du ballon-rond. Chaque coin de rue, chaque taxi-be, chaque salon étaient transformé en fans-zone. Chaque passe et chaque drible était commenté comme si l'avenir du pays en dépendait. Et peut-être que c'était le cas. C’est fou le foot ! Rendez-vous à la Coupe du monde ?Mais ces moments de joie et de fierté collectives ne sont pas qu’au stade. Ca serait réducteur de penser ainsi. Le rapatriement du crâne du roi Toera a réveillé un sentiment patriotique forts dans le cœur de millions de Malgaches. L’événement national a fait ressurgir un passé qu'on pensait enfoui dans les livres. Des Sakalava aux habitants des Hauts Plateaux, tous ont exprimé leur fierté. Nous avons des aïeux braves !Et puis, il y a ces jeunes qu'on oublie souvent, mais que No Comment essaie de mettre en avant. Ils brillent même souvent loin des projecteurs. Grâce à leurs exploits – en raflant médailles et coupes dans des tournois continentaux et mondiaux de robotique et intelligences artificielles – Madagascar est davantage connu du monde. On en parle moins, alors que leur succès est aussi intense qu'un but à la dernière minute.Force est de dire que ce qui nous rassemble, ce sont ces vibrations partagées. Ces événements mettent entre parenthèses notre quotidien et font vibrer notre cœur de Malgache. Un but, un crâne de roi, une invention IT... Peu importe, tant que ça prouve qu'ensemble, Madagascar peut faire bouger les choses.

No comment Tv

Interview - Ep.Sandy.N - Septembre 2025 - NC 188

Découvrez 𝐄𝐩.𝐒𝐚𝐧𝐝𝐲.𝐍 dans la rubrique CULTURE du 𝗻𝗼 𝗰𝗼𝗺𝗺𝗲𝗻𝘁® magazine, NC 188 - septembre 2025. Ayant commencé en 2008, 𝑬𝒑.𝑺𝒂𝒏𝒅𝒚.𝑵 s’est peu à peu fait un nom dans le domaine de la peinture à Tana. Peintre-portraitiste, il se démarque de ses pairs en réalisant des portraits de célébrités allant d’Albert Einstein à Marylin Monroe, en passant par Jimi Hendrix ou encore Jaojoby. Mais il est surtout connu pour avoir interprété – à sa manière – la très célèbre Joconde de Léonard de Vinci. Ici, il s’agit de La Joconde à Tana.

Focus

MOOR1NG

MOOR1NG au Palais des Sports Mahamasina

no comment - MOOR1NG

Voir