Hella feki, une reine sans royaume, ou comment peupler par l’imaginaire les vides de l’histoire
18 août 2025 // Littérature // 4979 vues // Nc : 187

À paraître chez JC Lattès, le 25 août prochain, Une reine sans royaume de Hella Feki est un roman qui brosse par la magie des ombres les grands traits d’une histoire, celle d’une vie oubliée, le séjour de Ranavalona III à Tunis, ses amours, ses réflexions, ses amitiés entre salon littéraire et cour royale. Tout cela d’une plume fleurant bon l’expérience, dosant sans fioriture poésie et récit.

Hella Feki, ou comment marcher sur un pont d’oubli?

Hella Feki nous comte dans les pages de son livre, le séjour de la reine Ranavalona III à Tunis. Se mélangent ainsi souvenirs et impressions. La terre abandonnée de Magadascar, sa couleur, ses parfums, ce royaume perdu arraché à la chair de sa reine, embrasse dans sa langueur et sa mélancolie, les salons littéraires tunisiens.

Construit comme un journal intime, l’ouvrage est en fait un manuel de magie. Hella Feki y fait la démonstration des puissances occultes de la fiction. Elle invoque la gravité de l’exil, convoque la profondeur de l’amour, et dresse des hommes à la place des spectres de l’oubli, en inventant dans un abracadabra raffiné un séjour dont nous ignorons tout.

L’autrice fait preuve d’une imagination inouïe, nourrie d’empathie, d’admiration et de recherches dont en sent à travers les pages l’étendue mais aussi la difficulté.

Imaginez seulement cette écrivaine les fantômes comme indices, les palais vides et les ruines comme fil rouge d’un labyrinthe de l’impossible, mais qui au bout de son périple en ressort un livre à la main. Ce livre c’est roman qui touche. Car, oui, toucher est la plus grande réussite de cette œuvre qui par la sueur et les larmes, la mémoire et l’oubli, insuffle au vide la vie. Par là entendez le sang, les désirs, les peurs. En effet, ce roman rend sensible, dans une langue délicieuse et maîtrisée, l’expérience d’exil d’une Ranavalona III dont nous ne connaissons au final rien du tout. Hella Feki, tisse sur le néant et le silence, des rencontres, des amours, des révoltes. Elle invente les coulisses, l’arrière monde des battements de cœur, et tout prend forme. Elle nous prend, nous emmène. Et nous côtoyons sous sa plume Ranavalona III. Nous entrons dans sa chambre. Nous sommes témoins, complices, de celle qui aura été la dernière souveraine d’une île désormais abandonnée à tous les vents.

Nous lui découvrons une passion pour la poésie, la peinture. Nous sentons sa sensibilité aux questions sociales. En nous les affres de l’éloignement de la terre des ancêtres brûlent. Ses blessures ouvrent notre esprit sur l’humiliation que lui a fait subir l’occupation Française.

Un livre qui ouvre au monde

Le point culminant de ce roman est sans doute le procès de la révolte des paysans tunisiens. La barbarie éclate d’un côté comme de l’autre. La violence appelle la violence. Et même si Ranavalona est à l’autre bout du continent, elle s’indigne. En elle, les échos de cris et de sang se lèvent en un seul mot «Menalamba». Un pont est tissé. L’homme demeure le même. L’oppression est partout. Elle n’est plus la reine insulaire, elle est la caisse de résonance du monde. Une voix qui murmure que les souffrances de l’autre ne sont que le reflet de nos propres misères.

«Les hommes parlent tous le même langage, s’oubliant , s’opprimant. Puis revient l’apaisement, et comme un grand cyclone, l’impression de vide que cause un grand malheur. Les horreurs se répéteront toujours, et entre chaque cycle, l’écoulement d’une rivière sereine, en trompe-l’œil, se dessinera dans la mémoire des hommes.» Un passage qui montre combien, Une reine sans royaume, ne circonscrit pas, mais étend jusqu’à la déchirure tout en recousant les plaies de l’homme par la main des hommes eux-même.

Les critiques d'Elie Ramanankavana

Poète / Curateur d'Art / Critique d'art et de littérature / Journaliste.

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Il fut un temps — pas si lointain — où le cinéma malgache était timide, réduit à quelques projections confidentielles et à des moyens de fortune. Depuis un certain temps – ironie du sort ou simple justice poétique – ce sont nos films qui s’invitent sur les écrans du monde et des festivals sur les cinq continents. Felana Rajaonarivelo, Kuro Mi qui ont été récemment primés dans des festivals internationaux. Avec cette nouvelle génération de cinéaste, Madagascar rafle les prix et, surtout, les regards.
Il fut une époque où parler de « cinéma malgache » provoquait un sourire poli, celui qu’on réserve aux rêves un peu fous. D’autres se moquaient ouvertement de ces productions de niveau abécédaire. Désormais, ces points de vue moqueurs s’effacent pour laisser place à l’admiration. Les images sont plus nettes, les scénarios plus affûtés, les voix plus assurées. On sent cette montée en gamme, cette fierté tranquille d’un art qui prend enfin confiance en lui. Et c’est beau à voir — comme une pellicule qu’on aurait enfin sortie du grenier pour la projeter au grand jour.
Certes, des défis restent à relever, notamment en matière d’infrastructures, de financements, de formation… mais le vent tourne. Et ce vent-là sent la créativité, la sueur, et un peu de ce grain de folie propre à nos conteurs. La Grande-île ne veut plus être simple figurant dans l’histoire du septième art. Madagascar s’installe, doucement mais sûrement, dans le rôle principal. Au fond, ce renouveau n’est pas qu’un phénomène culturel. C’est une déclaration : ici aussi, on sait raconter. Et mieux encore, le faire rêver.

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