REVENIR, Jean Luc Raharimanana
21 décembre 2024 // Littérature // 5034 vues // Nc : 179

Si l'on vous demande, un jour, quel écrivain malgache écrit le mieux, ne dites jamais Jean Luc Raharimanana. Car, lui, n'écrit pas, mais respire seulement. Et ses textes ne sont pas des mots, mais des souffles, tissés les uns aux autres, pour devenir une voix précieuse, car elle veille sur les forfaits du temps, charriant sa charge d'amnésie. C’est sur ces quelques mots, ces quelques impressions, que je vous emmène sur les traces d’un roman publié en 2018, aux éditions Rivage, et qui s’intitule Revenir.

photo : Jocelyn Maille

Le calme retrouvé
Revenir c’est d’abord l’histoire de Hira, une projection romanesque de Jean Luc Raharimanana lui-même, personnage principal, enfant et pourtant spectateur déjà d’une société malgache et de ses problématiques profondes. Revenir c’est aussi l’histoire d’un père, d’une mère, d’une famille et d’un pays. Autant, on y parle de la formation d’une destinée à écrire, autant on y parle du sort d’une nation.
Dans Revenir, on sent un calme retrouvé couronnant le cheminement d'une vie entière. Le Jean Luc Raharimana d'hier est encore, mais sa rage semble s'être calmée. L'enfance retrouvée, peut-être ? Car ce livre est sur l'enfance. L'amour et sa contradiction ? Car ce livre porte tout l'amour du monde. Mais surtout, ce livre est le sillon laissé par un voyage intérieur. Un voyage où est excavée une vérité brutale ou du moins dérangeante : le flou sur l'identité malgache. Une estampe savamment travaillée portée par un récit où le métissage est central. Un métissage qui n'est pas le seul fait du métis, mais de tout Malgache. Car tous sommes-nous, de loin ou de près, le fruit d'origines multiples, plongeant leurs racines ailleurs que sur cette île. Alors, pour Hira, le personnage principal de Revenir, cette absurdité est encore plus poignante. L'homme désigné comme l'origine de sa lignée est en effet Karana. Dès lors, une douloureuse interrogation s'impose à lui : cette île est-elle bien son Tanindrazana, si au final ses ancêtres viennent d'ailleurs ? Une interrogation généralisable à tous les Malgaches, nos ancêtres à tous venant, même pour ceux se réclamant d'une origine vazimbas « pure et sans tache », d'outre-mer…

Un roman qui revitalise l’histoire
Au-delà de ce noyau dur, il faut dire que l'histoire d'un pays se meurt toujours, quand elle n'est pas portée par des vies ; c'est de là seule qu'elle peut tirer une vitalité suffisante pour se soustraire aux lames de l'oubli. Et c'est ce que réussit formidablement l'auteur en mettant en scène le passé, en synthétisant des images promises à l'éternité, dans le baiser que se donnent les enfances du père et du fils.
Revenir, donc, est non seulement un livre, mais un chant, doux-violent, qui séduit l'âme et le cœur, pour les entraîner sur des sentiers peu fréquentés. Au bout, une histoire, pour dire et se dire, sans gâcher la pudeur du silence, qui abolit l'étouffement des lèvres closes. À lire et à relire !

Les critiques d'Elie Ramanankavana
Poète / Curateur d'Art / Critique d'art et de littérature/Journaliste.

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Décembre arrive et, comme chaque année, Madagascar se réveille culturellement.
Soudainement, les salles de spectacle se remplissent, les artistes sortent du bois, les concerts s’enchaînent. C’est la saison des festivités de Noël mêlant sacré et profane, et des expositions de dernière minute. Bref, tout le monde s’active comme si l’année culturelle se jouait en un seul mois. Et franchement, il y a de quoi se poser des questions. On ne va pas se mentir : les artistes malgaches ne sont pas là uniquement pour nous divertir entre deux repas de fête. Ils bossent, ils créent, et à leur niveau, ils font tourner l’économie. Le secteur culturel et créatif représentait environ dix pour cent du PIB national et ferait vivre plus de deux millions de personnes. Pas mal pour un domaine qu’on considère encore trop souvent comme un simple passe-temps sympathique, non ?
Alors oui, ce bouillonnement de décembre fait plaisir. On apprécie ces moments où la création explose, où les talents se révèlent, où la culture devient enfin visible. Mais justement, pourquoi faut-il attendre décembre pour que cela se produise ? Pourquoi cette concentration frénétique sur quelques semaines, alors que les artistes travaillent toute l’année ? Des mouvements sont actuellement en gestation pour revendiquer leur statut d’acteurs économiques essentiels et pour que l’on accorde à nos créateurs une place réelle dans la machine économique du pays. La culture malgache vaut bien mieux qu’un feu d’artifice annuel. Elle mérite qu’on lui accorde l’attention qu’elle réclame douze mois sur douze.

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Prise de vue : no comment® studio 
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Make up : Réalisé par Samchia 
Modèles : Lana, Judicaël, Catuchia, Faravavy, Tojo, Mitia, Santien, Mampionona 
Photos : Andriamparany Ranaivozanany

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