Littérature et révolution
16 novembre 2025 // Littérature // 60 vues // Nc : 190

Alors que le pays se prépare à s’embraser, je n’ai trouvé rien de mieux à faire que de lire. Mais lire quoi? Qu’est ce qui nous concerne encore dans cette littérature africaine alors que notre pays est en feu? La réponse est que la littérature africaine parle et peut-être même qu’elle n’a jamais parler que de ça de loin ou de près. De Sony Labou Tansi à Henri Lopes, c’est un florilège d’écrivain qui parle de cette révolution, de la dictature et de l’Afrique malmenée par les manières politiques.

SONY LABOU TANSI , MACHIN LA HERNIE

Pour ouvrir le grand bal des œuvres politiques: Machin la hernie. Tout est là et au vu du contexte malgache, le roman sonne comme une prophétie. Culte de la personnalité, dirigeants ridicules, folie des grandeur et bassesse d’esprit enrobés d’une monarchie camouflée sous la grandiloquence des noms pétaradants comme DEMOCRATIE ou REPUBLIQUE. C’est Machin la hernie.

Le roman raconte l’histoire de Martillimi Lopez, ancien révolutionnaire, qui s’est emparé du pouvoir à la suite d’un coup d’État. Au départ, il prétend vouloir libérer son peuple, mais très vite, il devient paranoïaque, mégalomane et cruel. Il élimine ses opposants, contrôle les corps, manipule la langue et transforme le pays en théâtre de la terreur. Sous son règne, le pouvoir devient maladie. Un pouvoir symbolisé en excroissance à la fois physique et politique. À la fin de roman, Lopez se fait renverser par… un Colonel .

«- Qui est au fil?
- Le colonel national Carvanso.
- Quelles nouvelles Carvanso?
- Un grand malheur: Vauban a pris le pouvoir.
- Mais quel Vauban?
- Votre colonel de sécurité.
- Vauban a pris le pouvoir…Mais quel pouvoir?
- Votre pouvoir mon colonel.»

Des éléments suffisent pour dire que la littérature nous parle d’aujourd’hui et de demain. Elle nous prépare, nous éclaire, parfois même elle nous avertit. Lire, est dès lors un acte de survie. Un geste de lucidité au cœur du tumulte.

ZA DE RAHARIMANANA

Et puis il y a le Za de Raharimanana. un livre qui dès ses premières pages fait acte de prémonition.

La révolution menée par la Gen Z repose sur la problématique de la hiérarchie de parole dans la société malgache. Qui peut parler ? Qui en a le droit ? Le zandry peut-il parler au nom du peuple ? Raharimanana ouvre son roman justement par ce demande solennelle de parole, le «fialantsiny».

«Eskuza-moi. Za m’eskuze. À vous déranzément n’est pas mon vouloir, défouloir de zens malaizés, mélanzés dans la tête, mélanzés dans la mélasse démoniacale et folique. Eskuza-moi.

Za m’eskuze. Si ma parole à vous de travers danse vertize nauzéabond, tango maloya, zouk collé serré, zetez-la s’al vous plaît, zatez-la ma pérole, évidez-la de ses tripes, cœur, bile et rancœur, zetez-la ma parole mais ne zetez pas ma personne, triste parsonne des tristes trop piqués, triste parsonne des à fric à bingo, bongo, grotesque elfade qui s’égaie dans les congolaises, longue langue foursue sur les mangues mûres de la vie. Eskuza-moi. Za m’eskuze. Za plus bas que terre. Za lèce la terre sous vos pieds plantée. Za moins que rien. Za vous prend la parole ô pécé ô pécé, huitième pécé : orgueil de la gorze qui s’ignore vain tambour, mère des échos qui se fracassent sur la souperbe indifférence de nos maîtres qui savent, savent la suave poussance de la force, poussance contre nous pressés, broyés, savent la vassale lâceté à nous rivée à zamais, savent ils savent. Za m’askuze. Za vous prend la parole : pécé ô pécé, huitième pécé, parole prise et raclée dans vos gorzes, parole prise et ciée sur votre langue, Za vous prend les mots et Za ne sait qu’en faire»

Cette langue brisée, née du kabary, dit toute la douleur et la dignité de cette parole arrachée, tordue, mais vivante. C’est la parole d’un peuple qui revient dans sa bouche.Aujourd’hui, cette parole est celle des jeunes. Demain, peut-être, elle sera celle d’autres.

Mais qu’importe, c’est la parole reprise, la parole rendue. Elle porte déjà, dans sa blessure, la promesse d’un monde plus vrai. La fin de ce passage, ce flottement où la parole est prise mais que la langue hésite, c’est le Madagascar à l’instant où je vous écris. Ce flottement est le lieu de tous les possibles. Ce n’est pas un silence. C’est une promesse.

Les critiques d'Elie Ramanankavana

Poète / Curateur d'Art / Critique d'art et de littérature / Journaliste.

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Il fut un temps — pas si lointain — où le cinéma malgache était timide, réduit à quelques projections confidentielles et à des moyens de fortune. Depuis un certain temps – ironie du sort ou simple justice poétique – ce sont nos films qui s’invitent sur les écrans du monde et des festivals sur les cinq continents. Felana Rajaonarivelo, Kuro Mi qui ont été récemment primés dans des festivals internationaux. Avec cette nouvelle génération de cinéaste, Madagascar rafle les prix et, surtout, les regards.
Il fut une époque où parler de « cinéma malgache » provoquait un sourire poli, celui qu’on réserve aux rêves un peu fous. D’autres se moquaient ouvertement de ces productions de niveau abécédaire. Désormais, ces points de vue moqueurs s’effacent pour laisser place à l’admiration. Les images sont plus nettes, les scénarios plus affûtés, les voix plus assurées. On sent cette montée en gamme, cette fierté tranquille d’un art qui prend enfin confiance en lui. Et c’est beau à voir — comme une pellicule qu’on aurait enfin sortie du grenier pour la projeter au grand jour.
Certes, des défis restent à relever, notamment en matière d’infrastructures, de financements, de formation… mais le vent tourne. Et ce vent-là sent la créativité, la sueur, et un peu de ce grain de folie propre à nos conteurs. La Grande-île ne veut plus être simple figurant dans l’histoire du septième art. Madagascar s’installe, doucement mais sûrement, dans le rôle principal. Au fond, ce renouveau n’est pas qu’un phénomène culturel. C’est une déclaration : ici aussi, on sait raconter. Et mieux encore, le faire rêver.

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