Les critiques d'Elie Ramanankavana : Lisy Mianjoria
14 février 2024 // Littérature // 4816 vues // Nc : 169

Il y a 7 ans est paru Lisy Mianjoria. Depuis, ce roman de science-fiction écrit par Mose Njo s'est taillé une place de choix dans la littérature populaire en langue malgache. Avec une nouvelle édition parue en décembre aux éditions Karné, l'ouvrage est en passe de devenir un incontournable. Mais jusque-là, il reste du chemin à parcourir.

FAIRE LIRE LE MALGACHE, UNE RÉUSSITE
Si les romans tiennent de plus en plus de place dans le quotidien des Malgaches des grandes villes, rares sont ceux qui lisent encore des livres en Malgache aujourd'hui. Pour cela diverses raisons, mais en particulier les thèmes et les genres du roman en Malgache qui n'ont pas été longtemps rafraîchis. Ainsi, ces fictions peuvent paraître au plus grand nombre un peu déphasés. Un phénomène plus poignant chez les plus jeunes.
C'est dans ce contexte que paraît Lisy Mianjoria, une véritable science-fiction malgache. L'ouvrage exploite le filon très en vogue du multivers, que l'on retrouve volontiers dans les films DC ou Marvel. Il se positionne de cette manière dans l'ère du temps et parle sans la moindre difficulté aux Malgaches d’aujourd’hui. En soi, il s'agit là d'un véritable exploit qu'il faut poursuivre et même pousser encore plus loin. Car si les thèmes et les genres sont à explorer, la langue malgache elle-même est aussi à pousser dans ses retranchements. Comment faire une langue malgache à la sonorité nouvelle, aux phrases improbables et pourtant belles et uniques ?

Comment réinventer la littérature malgache à la mesure des grands auteurs du parler contemporain comme Sony Labou Tansi par exemple ? Il s'agit d'un véritable défi à lancer aux auteurs en langue malgache.

UNE HISTOIRE PLAISANTE MAIS USÉE PAR LES DÉTOURS
L'histoire de Rabe et de Lisy est passionnante car c'est l'histoire d'un pays, le nôtre, qui part en fumée pour les mêmes raisons derrières les conjonctures actuelles. Ordures jonchant les rues, corruption à qui mieux mieux, mentalité de chien affamé. Le désespoir total.
Mais c'est aussi une histoire qui dessine la possibilité d'un autre Madagascar. Le Madagascar de Lisy. Ce même pays, mais radicalement différent, bien gouverné, bien conçu, où l'ordre et la propreté sont les maîtres mots. Pourtant, cetautre Madagascar va tomber en ruine à cause des « Ohabolandoza » personnification de la dégradation des valeurs. Comme si Mose Njo voulait nous dire que la solution est ailleurs. En effet, malgré la réussite matérielle de ce Madagascar autre, l'amour de Lisy et Rabe seul, a permis de vaincre les « Ohabolandoza » et de sauver les deux Madagascar de l'apocalypse. L'auteur souligne de cette manière l'amour du prochain comme étant le point de bascule pour un Madagascar en harmonie, capable de progrès.
Cette histoire a le potentiel de conserver l'attention du lecteur jusqu'au bout. Il n'y a aucun besoin des nombreux détours que prend l'auteur pour introduire des théories, des faits historiques, des anecdotes, des explications qui alourdissent le tout sans pour autant l'enrichir. En faisant ces bifurcations, il ne réussit qu'à troubler l'attention de son lecteur. Le moment le plus dur vient, par exemple, après la victoire sur les « Ohabolandoza », vers la fin du livre, quand l'auteur veut éclaircir lesens de cette victoire. Cette précision, à l'instar de beaucoup d'autres dans le livre, est de trop. Le lecteura compris mais on ne lui fait pas assez confiance. Un roman déroule une histoire mais n'a pas à l'expliquer, l'écrivain est un artiste avant tout, il n'a pas à contrôler le sens de son œuvre car ce sens appartient au lecteur. Vouloir préciser le sens c'est l'enfermer, c'est voler la liberté de celui qui lit. Pour éviter ces écueils que rencontrent souvent l'écrivain, il faut penser à écrire en parallèle du roman un essai, où toutes ces informations peuvent être structurées sans alourdir le récit. Albert Camus est sans aucun doute celui qui a poussé le plus en avant cette technique qui permet d'avoir un roman pur qui ne laisse une place à la théorie.

UN TRAVAIL ÉDITORIAL QUI PEUT ÊTRE AMÉLIORÉ
Les éditions Karné doivent être félicitées d'avoir osé publier un écrivain vivant, cela ne se fait plus de nos jours au pays, si ce n'est peut-être pour la littérature jeunesse. De telles initiatives constituent le seul chemin pour que demain la litté- rature contemporaine malgache, populaire ou autre, puisse être publiée à Madagascar.Malgré tout, cette nouvelle édition peut être améliorée. Pour ce qui est de la reliure, il faudrait trouver une technique pour la faire plus souple mais durable. Par ailleurs, il faut traquer le plus possible les fautes que ce soit pour la mise en page ou d'autres fautes. Et enfin, l'auteur doit être cadré par l'éditeur de manière plus stricte. Il faut qu'il raconte son histoire sans trop se dissiper. Tout cela relève du travail de l'éditeur. Cela fait, Lisy Mianjoria aura toutes les chances de devenir une référence.

Lisy Mianjoria DE MOSE NJO
Un classique populaire en devenir

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Il fut une époque où parler de « cinéma malgache » provoquait un sourire poli, celui qu’on réserve aux rêves un peu fous. D’autres se moquaient ouvertement de ces productions de niveau abécédaire. Désormais, ces points de vue moqueurs s’effacent pour laisser place à l’admiration. Les images sont plus nettes, les scénarios plus affûtés, les voix plus assurées. On sent cette montée en gamme, cette fierté tranquille d’un art qui prend enfin confiance en lui. Et c’est beau à voir — comme une pellicule qu’on aurait enfin sortie du grenier pour la projeter au grand jour.
Certes, des défis restent à relever, notamment en matière d’infrastructures, de financements, de formation… mais le vent tourne. Et ce vent-là sent la créativité, la sueur, et un peu de ce grain de folie propre à nos conteurs. La Grande-île ne veut plus être simple figurant dans l’histoire du septième art. Madagascar s’installe, doucement mais sûrement, dans le rôle principal. Au fond, ce renouveau n’est pas qu’un phénomène culturel. C’est une déclaration : ici aussi, on sait raconter. Et mieux encore, le faire rêver.

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