Zo Tahiana Hariminoson « Un film est un investissement à risque »
10 mars 2023 // Cinéma // 3928 vues // Nc : 158

Projeté plusieurs fois dans les salles de cinéma malgache depuis sa sortie en 2022, JOE a connu un réel succès auprès du public. Ce film entre le thriller et le fantastique est le premier long métrage de Zo Tahiana Harimonoson. Il nous dévoile les coulisses du tournage et ses projets.

JOE, l’histoire du film ?
JOE, c’est l’histoire d’un veuf, d’un  père de famille désespéré qui cherche à tout prix à guérir sa fille d’une maladie incurable. Après avoir tout essayé, il est allé voir une guérisseuse traditionnelle. Mais le problème, c’est que celle-ci demande des choses qu’il lui est impossible de réaliser. A travers ce film, je voulais également redonner une seconde vie à la culture occulte malgache qui n’est pas assez représentée dans le cinéma aujourd’hui. Je voulais une histoire qui remet au goût du jour cette facette de notre culture. Mais elle constitue également un décor dans le film. J’aborde également la relation entre les parents et les enfants ainsi que le côté rivalité moderne puisqu’une grande partie du film se passe dans une entreprise.

Comment est venue l’idée d’écrire ce film ?
Au départ, Joe devait être un court métrage mais à cause de mon impatience, je voulais écrire plus long, prendre du temps sur l’histoire et les personnages. Le projet a débuté depuis 2015 au moment où j’ai commencé à repérer mes artistes techniciens.

J’ai travaillé avec eux sur leurs projets et l’affinité s’est installée. Je savais que c’était des personnes talentueuses et que j’allais forcément travailler avec elles. Par exemple, sur la musique originale, il y a Tessa Ratovonar, à la lumière, Andry Rakotoarivony, le cadrage, c’est Kopetha Razafimandimby… L’objectif du film, c’est aussi de mettre en valeur les métiers du cinéma que le grand public, surtout malgache, ne connait pas encore. Le tournage a duré 45 jours étalé sur 3 mois. Le développement du film a pris deux ans si on ne compte pas la première version de 2015 puisqu’à cause d’un cambriolage, on a tout perdu alors que le film était fini à 60 %. Mais je dirais que c’est un mal pour un bien car on a pu réécrire et l’améliorer.

Justement, comment cela se passe-t-il au niveau du matériel et du financement ?
Le matériel est encore un blocage à Madagascar puisque contrairement aux autres pays, ce n’est pas possible de louer du matériel de cinéma. Et en importer coûte trop cher. Donc, nous avons fait avec les moyens du bord, du système D ! Quand on n’a pas les moyens, on trouve des astuces et je trouve qu’on est beaucoup plus inspiré. Par contre, on est resté bien sûr limité. Pour JOE, cela se sent dans la mise en scène, on voit que ça ne bouge pas trop, c’est une réalisation classique avec beaucoup de plans fixes. Quant au financement, à Madagascar, c’est encore très compliqué. Travailler dans le cinéma n’est pas encore considéré comme un métier, on ne peut pas négocier avec les banques puisqu’un film, c’est un investissement à risques. Pour ce film, c’est différent. Le financement vient de quelques entreprises qui ont bien voulu nous aider ainsi que du producteur Rija Harijaona qui a eu confiance au projet.

Le retour du public ?
Nous étions agréablement surpris puisque c’était un pari très risqué, c’est un genre qu’on ne voit pas beaucoup à Madagascar. On avait peur que le public malgache soit habitué à la comédie. Beaucoup de retour positif, les gens ont aimé l’histoire, c’est le plus important. Sinon,  je veux bien qu’il y ait un avenir pour le cinéma malgache. Il y a énormément de talents ici. J’aime penser que le fait d’avoir fait ce film a peut-être réveillé quelque chose chez les gens. Qu’il est possible de raconter des histoires. Les salles de cinéma commencent à s’intéresser aux productions locales, c’est un bon début.  

D’où est venue cette passion pour le cinéma ?
J’ai toujours aimé raconter des histoires. Ce qui a réveillé cette passion, c’était une émission sur le cinéma des effets spéciaux, cela m’a fasciné. Je n’ai pas été dans une école de cinéma mais j’ai appris à travers les livres, les formations, les masters classes, les rencontres, en assistant aux tournages des autres et les expérimentations. J’ai un penchant particulier pour le thriller fantastique et policier.

Les projets ?
Beaucoup de gens demandent une suite à JOE mais l’histoire est bouclée. S’il y aura une suite, ce sera exactement la même histoire, donc cela ne sert pas à grand-chose. Par contre, je prépare mon prochain film qui n’a rien à voir avec JOE ni dans le genre ni dans l’histoire.

Propos recueillis par Aina Zo Raberanto

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Il fut un temps — pas si lointain — où le cinéma malgache était timide, réduit à quelques projections confidentielles et à des moyens de fortune. Depuis un certain temps – ironie du sort ou simple justice poétique – ce sont nos films qui s’invitent sur les écrans du monde et des festivals sur les cinq continents. Felana Rajaonarivelo, Kuro Mi qui ont été récemment primés dans des festivals internationaux. Avec cette nouvelle génération de cinéaste, Madagascar rafle les prix et, surtout, les regards.
Il fut une époque où parler de « cinéma malgache » provoquait un sourire poli, celui qu’on réserve aux rêves un peu fous. D’autres se moquaient ouvertement de ces productions de niveau abécédaire. Désormais, ces points de vue moqueurs s’effacent pour laisser place à l’admiration. Les images sont plus nettes, les scénarios plus affûtés, les voix plus assurées. On sent cette montée en gamme, cette fierté tranquille d’un art qui prend enfin confiance en lui. Et c’est beau à voir — comme une pellicule qu’on aurait enfin sortie du grenier pour la projeter au grand jour.
Certes, des défis restent à relever, notamment en matière d’infrastructures, de financements, de formation… mais le vent tourne. Et ce vent-là sent la créativité, la sueur, et un peu de ce grain de folie propre à nos conteurs. La Grande-île ne veut plus être simple figurant dans l’histoire du septième art. Madagascar s’installe, doucement mais sûrement, dans le rôle principal. Au fond, ce renouveau n’est pas qu’un phénomène culturel. C’est une déclaration : ici aussi, on sait raconter. Et mieux encore, le faire rêver.

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