Antsanirina Rakotoarimino : Le chœur a ses raisons
1 octobre 2022 // Musique // 8284 vues // Nc : 153

Cofondateur et directeur du Chœur Miangaly et de Madagascar Orchestra, Antsanirina Rakotoarimino, dit Rahf, ne cesse de promouvoir la musique classique depuis une dizaine d’années. Un genre qu’il n’estime pas réservé à une élite guindée, qu’il porte au contraire dans les quartiers populaires. Tous en chœur !

En août dernier, alors qu’il se trouvait en France pour une formation en direction de chœur et d’orchestre, Antsanirina Rakotoarimino dit Rahf a dirigé en concert l’œuvre phare de Heinrich Biber, le Requiem en Fa mineur (1692). Le décor en était l’église de Ménerbes, dans le sud de la France, avec un chœur de 50 personnes et un orchestre de chambre baroque au grand complet. « C’est le summum de ma carrière », confie-t-il. C’est le chef d’orchestre hollandais Johan Riphagen, qui animait sa formation, qui lui a proposé ce défi. « C’est une œuvre difficile autant dans la composition que dans l’exécution. Ce stage était composé essentiellement de musiciens, de chanteurs et de chefs européens, j’étais le seul Malgache et cela a été un challenge supplémentaire. »

Comme la plupart des Malgaches qui pratiquent la musique classique, Rahf a grandi dans les chorales d’église, ses parents eux-mêmes choristes.

Il commence comme enfant de chœur, se retrouve deuxième voix dans la chorale Rantsana Fanantenana et poursuit dans la chorale Seta Tafaray où il découvre le répertoire baroque du XVIIᵉ siècle et du XVIIIᵉ siècle. Dans la foulée, il crée avec des amis, une chorale privée, non rattachée à une église, le Chœur liturgique chrétien de Tananarive, composé d’une vingtaine de personnes. « Je me suis passionné pour la musique classique et les grands compositeurs. J’attendais avec impatience le moment des répétitions. Plusieurs chefs de chœur se sont succédés et un jour je me suis retrouvé à diriger moi-même la chorale, sans vraiment connaître les bases du métier, j’apprenais surtout par recherches personnelles. »

En 2013, il participe à une masterclasse organisée par l’Institut français de Madagascar (IFM), animée par la cheffe de chœur française Sophie Boucheron. Ce qui décuple sa volonté d’apprendre et de progresser. La même année, il crée le Chœur Miangaly, une chorale privée qui se démarque en proposant des œuvres autres que celle du répertoire baroque. L’envie de promouvoir un événement dédié au classique germe peu à peu. « Il y avait un festival de jazz et même de reggae, la musique classique devait donc avoir le sien. Nous avons fait une première tentative en 2014, à travers un concours de chants chorals, malheureusement on m’a piqué l’idée ! Avec le baryton Mickael Rakotoarivony, nous avons alors lancé, non sans difficultés le premier festival Classik’art. »

Le festival est un succès et trouve écho auprès de José Bronfman, le président de Madagascar Mozarteum, qui invite le Chœur Miangaly a participé à son Concert de midi. Rhaf se voit confier, quant à lui, la coordination artistique de Madagascar Mozarteum. « Mon plus grand rêve était de participer au Concert de midi, et maintenant, je suis celui qui organise ces cet événement depuis cinq ans ! » Musique guindée pour le happy few tananarivien ? Il considère au contraire que le classique attire beaucoup les jeunes, au moins 80 % du public. « Je pense que c’est dû, du moins en partie, à l’influence d’artistes comme Quatuor Squad ou Fitah Rasendrahasina qui ont su s’ouvrir à d’autres répertoires que le classique pur et dur. »

Loin des salons de la « Haute », c’est plutôt le public des quartiers populaires qui l’attire, comme le prouve la création du Chœur et orchestre d’Andohatapenaka (COA), toujours avec José Bronfman, inspiré d’El Sistema, un programme d’éducation musicale développé au Venezuela par José Antonio Abreu en 1975. « Nous choisissons des enfants scolarisés issus de ce quartier populaire pour leur dispenser des ateliers de musique, de chœur, de théories musicales… Cette année, nous allons recruter une trentaine d’enfants.  Après les masterclasses qui m’ont permis de progresser, il est normal que je partage à mon tour. »

Ce projet COA lui a permis d’obtenir une bourse de l’Ambassade de France pour suivre un stage en direction de chœur dans différents lieux en France comme le Conservatoire national supérieur de Lyon ou la Philharmonie de Paris. Convaincu de la nécessité de professionnaliser le milieu du chant choral, il lance à son retour la plateforme Mille Feo afin de créer un réseau de chefs de chœur et de choristes. Et pour la pratique des instruments, ce sera la création de Madagascar Orchestra, avec Rado Rabonarison et Hervé Rabarison, orchestre qu’il dirige aujourd’hui après avoir été formé par François Maugrenier, chef d’orchestre de formation et directeur de l’IFM. En préparation, pour l’année prochaine, La Belle Hélène d’Offenbach et d’autres pièces du répertoire moderne. Pour ses dix ans, l’année prochaine, le Chœur Miangaly prévoit une orientation plus moderne, avec des créations fusionnant plusieurs disciplines afin d’attirer un autre public. On a juste envie de dire, bravo maestro !


Aina Zo Raberanto

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Certes, des défis restent à relever, notamment en matière d’infrastructures, de financements, de formation… mais le vent tourne. Et ce vent-là sent la créativité, la sueur, et un peu de ce grain de folie propre à nos conteurs. La Grande-île ne veut plus être simple figurant dans l’histoire du septième art. Madagascar s’installe, doucement mais sûrement, dans le rôle principal. Au fond, ce renouveau n’est pas qu’un phénomène culturel. C’est une déclaration : ici aussi, on sait raconter. Et mieux encore, le faire rêver.

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