Mamody, le dernier creuseur de baobabs
22 septembre 2023 // Nature // 3223 vues // Nc : 164

Les baobabs, ces colosses du monde végétal sont une véritable passion chez Cyrille Cornu. A tel point que le chercheur leur a consacré treize années de sa vie pour les étudier en tant que scientifique, mais aussi pour les filmer. En mai 2023, il présente pour la première fois à Madagascar son film intitulé « Mamody, le dernier creuseur de baobabs ». Sorti en mars 2022, le documentaire retrace le quotidien des habitants d'Ampotaka, un petit village du plateau Mahafaly, et nous présente une pratique surprenante : le creusement des baobabs pour y stocker de l'eau. Cyrille Cornu répond à nos questions.

Cyrille Cornu

Mamody, le dernier creuseur de baobabs, en quelques mots ?
Il y a plus d'un siècle, les habitants d’Ampotaka ont eu l'idée ingénieuse de creuser des baobabs pour y aménager des citernes, leur permettant ainsi de stocker de grands volumes d'eau et de survivre dans un environnement particulièrement aride. Le film sur Mamody et son savoir-faire présente de façon ethnographique le lien exceptionnel qui unit les femmes et les hommes de cette partie de l’Île avec les baobabs. Je produis et réalise actuellement une série de films dont le sujet porte sur les géants de Madagascar tant dans leur diversité biologique, écologique que culturelle. Au départ, le thème des creuseurs ne devait occuper qu’une simple séquence insérée dans un épisode traitant des baobabs du sud. Pendant les tournages, les habitants d’Ampotaka m’ont tant fasciné que j’ai décidé de leur consacrer un épisode complet de la série.

Outre la présentation de la pratique, le film sensibilise sur l'importance d'une gestion responsable de l'eau, une ressource vitale dont la préservation sera cruciale pour nos sociétés dans le futur.

Le baobab, votre dada ?
Depuis ma plus tendre enfance, la nature me passionne. Elle me fascine. J'aime l’observer, la découvrir hors des sentiers battus, rencontrer ceux qui vivent à son contact. En 2009, lorsque j’ai vu pour la toute première fois des baobabs à Madagascar, cela a été un véritable coup de cœur. Quels prodiges de l'évolution ! De parfaits ambassadeurs du vivant à une époque où nos sociétés détruisent la diversité biologique à une vitesse alarmante. Dans ce contexte, comment ne pas s'engager pour leur préservation ? Je les étudie depuis plus de dix ans, mais cela ne me suffit plus. Les publications scientifiques ne touchent que peu de monde. Pour sensibiliser, j’ai compris qu’il me fallait un autre mode de communication, en l’occurrence les films, un support idéal pour s’adresser au grand public.

D’où le film documentaire ?
« Mamody, le dernier creuseur de baobabs » s’inscrit dans cette finalité tout en délivrant un message sur le changement climatique et l’importance de la ressource en eau. Mes films ont aussi pour finalité de faire connaître les baobabs, de les présenter sous un jour nouveau, car il s'agit d'un patrimoine largement méconnu. Rappelons que parmi les huit espèces de baobabs connues dans le monde, sept vivent à Madagascar. Six y sont endémiques, c'est-à-dire qu'elles n'existent nulle part ailleurs. Plusieurs de ces espèces endémiques sont fortement menacées d'extinction. Pourtant les baobabs, qui sont des plantes utiles, présentent un attrait touristique majeur pour l'île. La pulpe de leurs fruits est très appréciée pour sa teneur élevée en vitamine C. Quant à leurs graines, on en extrait de l'huile. Dans la région du Menabe, la fibre contenue dans l’écorce sert à tresser des cordes. Tous ces usages apportent de précieux services aux populations locales.

Le baobab, des géants fragiles…
Nos travaux de recherche actuels enrichissent les connaissances sur ce sujet et nous permettent de mieux comprendre les enjeux autour des baobabs à Madagascar. Le changement climatique, mais surtout la déforestation et la culture sur brûlis, font peser une menace extraordinaire sur les géants fragiles. Mes productions audiovisuelles s'attachent à tirer la sonnette d'alarme à travers des images surprenantes, images qui semblent interpeller le grand public.

Vos travaux touchent un large public ?
En 2015, j'ai produit et réalisé mon premier film documentaire intitulé « Baobab entre terre et mer » qui a été primé à de nombreuses reprises. Il a été programmé par plusieurs chaînes de télévision, dont France Ô, TV5 Monde ou la RAI 3 en Italie. Le parcours de mon nouveau film sur les creuseurs de baobabs suit une trajectoire similaire puisqu’il a été sélectionné dans trente-cinq pays par plus de soixante-dix festivals où il a remporté trente distinctions parmi lesquelles le prix du meilleur film long métrage sur l'Afrique à la 12ème édition du Wildlife Conservation Film Festival à New York, une mention spéciale du jury au 19ème Festival International du Film Panafricain de Cannes, ou encore, le prix du meilleur film documentaire à la 8ème édition de l’African Film Festival à Dallas. D'ici 2026, deux autres épisodes de la série verront le jour. Les photographies présentées dans cet article sont extraites des tournages. Avec les livres que j'écris, mes recherches, mais surtout les films que je réalise, j'essaie de sensibiliser le public sur l'exceptionnel mais fragile patrimoine que représentent les baobabs de Madagascar.

Propos recueillis par Rova Andriantsileferintsoa
Contact : lokobeproduction@gmail.com

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Il fut un temps — pas si lointain — où le cinéma malgache était timide, réduit à quelques projections confidentielles et à des moyens de fortune. Depuis un certain temps – ironie du sort ou simple justice poétique – ce sont nos films qui s’invitent sur les écrans du monde et des festivals sur les cinq continents. Felana Rajaonarivelo, Kuro Mi qui ont été récemment primés dans des festivals internationaux. Avec cette nouvelle génération de cinéaste, Madagascar rafle les prix et, surtout, les regards.
Il fut une époque où parler de « cinéma malgache » provoquait un sourire poli, celui qu’on réserve aux rêves un peu fous. D’autres se moquaient ouvertement de ces productions de niveau abécédaire. Désormais, ces points de vue moqueurs s’effacent pour laisser place à l’admiration. Les images sont plus nettes, les scénarios plus affûtés, les voix plus assurées. On sent cette montée en gamme, cette fierté tranquille d’un art qui prend enfin confiance en lui. Et c’est beau à voir — comme une pellicule qu’on aurait enfin sortie du grenier pour la projeter au grand jour.
Certes, des défis restent à relever, notamment en matière d’infrastructures, de financements, de formation… mais le vent tourne. Et ce vent-là sent la créativité, la sueur, et un peu de ce grain de folie propre à nos conteurs. La Grande-île ne veut plus être simple figurant dans l’histoire du septième art. Madagascar s’installe, doucement mais sûrement, dans le rôle principal. Au fond, ce renouveau n’est pas qu’un phénomène culturel. C’est une déclaration : ici aussi, on sait raconter. Et mieux encore, le faire rêver.

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