Liana Raberanto : Une vie d’illustration et de causes
15 septembre 2024 // Arts Plastiques // 4918 vues // Nc : 176

Des couleurs et un combat à la couverture du no comment® magazine de ce mois de septembre. Liana Raberanto affronte le monde avec ses œuvres. Militant.e, l’illustrateurice et designer graphique malgache et français.e baigne dans cette passion pendant toute son enfance, à Madagascar, avant d’en faire sa filière, en France, où iel réside aujourd’hui. Depuis l’obtention de son diplôme en 2018, Liana Raberanto a commencé à partager son évolution sur les réseaux, et surtout, Instagram, qu’iel appelle sa « première vitrine ».

Photo : Olivier Castan

Illustrations et dessins, votre dada ?
J’ai commencé à dessiner au collège pour passer le temps, dans le coin de mes cahiers de cours, dans mon agenda. J’ai ensuite eu l’envie de vraiment pousser le dessin, ce que j’ai pu faire en prenant l’option arts plastiques au lycée. Ma passion s’est confirmée à ce moment-là. En arrivant en France, j’ai pu intégrer une Mise à Niveau en Arts Appliqués, puis j’ai découvert les différentes filières des arts appliqués (design de mode, design d’espace, design graphique, etc.). Malgré tout, c’était dessiner et illustrer qui me plaisaient réellement. J’ai alors intégré une formation à l’École d’illustration et d’arts appliqués IPESAA de Montpellier, en cycle d’illustration et design graphique. C’était passionnant de se tester à plusieurs techniques de dessin traditionnel et numérique, et aussi de découvrir le métier de designer graphique. Mon univers a commencé à se créer durant cette formation.

Une artiste engagé.e ?
À côté, il m’a toujours tenu à cœur d’allier mes passions et mes engagements, en investissant de mon temps dans des associations qui font sens pour moi. J’ai ainsi coprésidé un média artistique engagée qui s’appelait Cagibizine pendant deux ans. J’étais à la direction artistique de ce média qui mettait en avant des artistes francophones émergents peu visibles et/ou queer à travers un fanzine. J’ai été bénévole ponctuellement dans l’association la Bouscule à Montpellier qui crée des événements mettant à l’honneur les identités africaines, afrodescendantes queer. J’ai intégré un club de roller derby, un sport inclusif de contact sur roller quad et j’ai aussi intégré un collectif de musique en mixité choisi où je chante, fais de la guitare et où je suis chargée de communication. Mettre du sens dans ce que je fais, c’est essentiel et c’est ce qui me motive et me fait tenir au quotidien !

Miaraka. Don pour le Gala
Fierté Montpellier Prode
Illustration numérique.

Un sujet de prédilection ?
L’illustration est pour moi l’opportunité de parler de soi, de partager des messages forts, de transmettre son histoire/sa culture et de visibiliser des personnes et/ou des causes. Mettre en avant des femmes malgaches, des personnes noires et queer (malgaches), des personnes minorisées, c’est ma démarche militante et engagée. J’aspire à illustrer un imaginaire inclusif composé de la culture malgache, de la représentation de personnes peu visibles et/ou queer et de leur santé mentale, qui sont en symbiose et respectent leur environnement. La couleur m’a toujours passionné. Les possibilités sont infinies, les combinaisons et les associations aussi. La couleur illustre le vivant, l’empathie, la chaleur et la férocité. C’est ce qui me plaît principalement dans son utilisation. Elle est aussi le reflet de ce qu’on trouve dans la nature et de ce qu’on retrouve beaucoup dans la faune et la flore malgaches.

Et c’est aussi la découverte du travail de couleurs d’autres illustrateurices qui m’a convaincu de me lancer. Je pense notamment à Chi Nwosu et Samantha Mash qui sont des sources d’inspiration à la fois sur le travail de la couleur, mais aussi sur les sujets qu’iels abordent. Chi Nwosu, cet artiste non-binaire, aborde des sujets qui sont tellement ancrés dans l’actualité, et ses illustrations sont touchantes, emplies d’émotions.

Rage 8 mars.
Illustration numérique.

Parlez-nous de l’œuvre « Rano, » en couverture !
Rano, je l’ai créé à l’occasion d’une exposition lors d’un événement organisé par les Mixeuses Solidaires. C’est un collectif de DJ exclusivement composé de femmes et de minorité de genre. Le collectif a organisé une Boum solidaire, un événement festif musical qui sensibilise et permet de récolter des fonds pour aider des associations locales luttant contre les discriminations et contre les violences conjugales. Dans cette œuvre, j’ai souhaité sensibiliser sur les blessures masquées des violences physiques et mentales, ce qui relève de l'invisible aux yeux des autres, c'est ce que Rano rappelle. Nous ne voyons uniquement que ce qui est à la surface. Et pourtant, les personnes luttent pour ne pas couler/sombrer. Et malheureusement, la probabilité que vous ayez une personne de votre entourage subissant des violences conjugales est très élevée. Elle illustre la lutte perpétuelle de rester à flot malgré les blessures et la violence. Elle montre la résilience, et montre cet instant qui va déterminer si on va réussir à tenir le coup ou « lâcher » le combat.

Des projets ?
Je n’oublie pas les belles rencontres que j’ai faites grâce à mon parcours : l’association Malagasy Women Empowerment, qui lutte pour l’amélioration de la représentation des femmes malgaches, dont le travail de sensibilisation est notable, et avec qui j’ai eu l’opportunité de réaliser une interview « Meet my power », bien que maintenant, je ne m’identifie plus en tant que « femme » uniquement. Il y a eu aussi la diffusion en avant-première du documentaire « We are coming » de Nina Faure qui m’a marqué. Ce documentaire parle des enjeux autour du corps, de la sexualité et du rapport au genre dans une société patriarcale. La grande majorité des associations militantes féministes et queers étaient dans la salle. Il y avait un réel moment de cohésion et d’adelphité, c’était beau à voir. La diffusion s’est terminée par un échange avec la réalisatrice. Mon travail d’illustrateurice et de designer graphique est vraiment passionnant et je m’estime chanceuse d’avoir déjà trouvé du travail dans ces secteurs très bouchés. Mais trouver du travail est dur et jalonné de très belles opportunités sur plusieurs mois sans trouver du travail. J’ai alors pris la décision de me former de nouveau en direction artistique digitale en alternance, suite classique après un cycle professionnel en illustration et design graphique. Je vais donc me concentrer sur ça pour les deux prochaines années. J’espère trouver du temps pour créer des illustrations !

Propos recueillis par Rova Andriantsileferintsoa

Instagram : liana_raberanto
Site internet : lianaraberanto.com

Adelphes.
Illustration de contenu pour les playlists des
Mixeuses Solidaires Illustration numérique.

Résilience.
Exposition 10 ans de la Galerie Ephépère Studio 411
Montpellier. Illustration numérique 70 x 50 cm

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Il fut un temps — pas si lointain — où le cinéma malgache était timide, réduit à quelques projections confidentielles et à des moyens de fortune. Depuis un certain temps – ironie du sort ou simple justice poétique – ce sont nos films qui s’invitent sur les écrans du monde et des festivals sur les cinq continents. Felana Rajaonarivelo, Kuro Mi qui ont été récemment primés dans des festivals internationaux. Avec cette nouvelle génération de cinéaste, Madagascar rafle les prix et, surtout, les regards.
Il fut une époque où parler de « cinéma malgache » provoquait un sourire poli, celui qu’on réserve aux rêves un peu fous. D’autres se moquaient ouvertement de ces productions de niveau abécédaire. Désormais, ces points de vue moqueurs s’effacent pour laisser place à l’admiration. Les images sont plus nettes, les scénarios plus affûtés, les voix plus assurées. On sent cette montée en gamme, cette fierté tranquille d’un art qui prend enfin confiance en lui. Et c’est beau à voir — comme une pellicule qu’on aurait enfin sortie du grenier pour la projeter au grand jour.
Certes, des défis restent à relever, notamment en matière d’infrastructures, de financements, de formation… mais le vent tourne. Et ce vent-là sent la créativité, la sueur, et un peu de ce grain de folie propre à nos conteurs. La Grande-île ne veut plus être simple figurant dans l’histoire du septième art. Madagascar s’installe, doucement mais sûrement, dans le rôle principal. Au fond, ce renouveau n’est pas qu’un phénomène culturel. C’est une déclaration : ici aussi, on sait raconter. Et mieux encore, le faire rêver.

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