Amir J : L'art du quotidien
9 novembre 2024 // Arts Plastiques // 5360 vues // Nc : 178

Ce mois-ci, no comment® magazine arbore une couverture saisissante signée par Amir J. Cet artiste malgache, avec son approche minimaliste, révèle la beauté des moments ordinaires, comme ce bidonville d'Antananarivo qu'il réinvente en une explosion de couleurs.

Que représente l'œuvre sur la couverture du magazine ?
Je crée tout ce que je vois à travers mes peintures, même les choses qui ne semblent pas forcément impressionnantes ou grandioses. Ce qui m'intéresse, c'est de raconter, à travers mes œuvres, ces aspects de la vie que l'on ne juge pas dignes d'être exposés ou qui ne retiennent pas beaucoup d'attention. C'est précisément ce que j'ai voulu exprimer avec cette œuvre en couverture. Elle représente une partie d’un bidonville d’Antananarivo, où l’on aperçoit le chemin de fer entouré de petites maisons. J'ai choisi de peindre cette scène tout en y ajoutant des touches de couleur pour insuffler un peu de joie. Mon objectif était de montrer que même cette partie de la ville, souvent ignorée, peut être belle lorsqu'elle est interprétée en peinture. Il n'est pas toujours nécessaire de représenter Madagascar en peignant des lieux emblématiques comme le Rova ou le baobab. J'aime relever le défi de représenter les quartiers populaires, car toute chose mérite d'être immortalisée en art ! À travers cette œuvre, je cherche aussi à capturer l’ambiance et la vie des gens, en transmettant un maximum d’informations avec un minimum d’éléments.

Qu'en est-il des couleurs dans tes œuvres ?
J'ai décidé d'ajouter une touche de peps avec les couleurs pour insuffler plus de vie aux scènes que je peins. Cependant, je n'invente pas vraiment les couleurs, je me contente de les renforcer légèrement, sans altérer la réalité. Les teintes que j'utilise sont celles que j'ai vues dans les bidonvilles. Quand je crée, c'est avant tout pour moi, sans trop me soucier des réactions des autres. Cela dit, j'ai reçu des retours inattendus. Certaines personnes m'ont dit qu'elles ne s'attendaient pas à ce genre d'œuvre et qu'elles ont trouvé de la beauté dans des scènes ordinaires. Une fois, on m'a même dit que je dessinais la misère. J'apprécie toujours écouter les retours, mais ce qui compte pour moi, c'est que les gens puissent ressentir l'ambiance de mes tableaux lorsqu'ils les regardent.

Tes débuts ?
J'ai recommencé à dessiner en 2017 comme un simple hobby. Durant mon enfance, je dessinais déjà, mais je ne suis pas de ceux qui ont grandi avec un crayon à la main. C'est en 2019 que j'ai réalisé ma première exposition, sans vraiment penser à me professionnaliser à ce moment-là. Ce n'est qu'à la fin de 2020 que j'ai décidé de me lancer sérieusement dans l'art. L'une des principales raisons qui m'ont poussé à cela est le besoin d'évasion dans ma vie quotidienne. Je travaille souvent à l'aquarelle sur papier, mais je ne suis pas du genre à raconter ma propre histoire à travers mes œuvres. Ce qui m'inspire, c'est plutôt l'environnement qui m'entoure, ce que je vois au quotidien. Cela peut être un peu de tout et de rien, mais j'aime interpréter ces éléments dans mes peintures. Ce qui revient souvent dans mes œuvres, c'est l'architecture. Je ne dessine pas l'architecture de manière précise comme le ferait un architecte, mais je suis fasciné par les « kitranotrano » (petites maisons), et j'aime transmettre l'atmosphère qui règne dans une région à travers mes dessins.

Un style minimaliste ?
Je dirais que mon style est figuratif avec une tendance vers le minimalisme. Quand je réalise un tableau, mon objectif est de raconter le maximum avec le minimum d'éléments. Mes œuvres sont souvent des scènes de vie. Techniquement, je commence toujours par un dessin à main levée au crayon, que je poursuis ensuite avec de l'encre et de l'aquarelle. Je travaille souvent de mémoire ou j'invente mes sujets, mais je m'inspire aussi de photos. Si je tombe sur un sujet intéressant en chemin, je sors mon appareil photo pour capturer le moment. Toutefois, je ne me contente pas de reproduire mes clichés tels quels. J'aime modifier les scènes : enlever des éléments, en ajouter d'autres, ou encore changer les couleurs, par exemple, transformer le bleu en jaune ou le jaune en violet, et tout cela à main levée. J'ai une affection particulière pour les fonds blancs, qui sont devenus au fil des années une marque de mon style. Même si je produis beaucoup, je m'efforce d'être minutieux dans chaque création. Pour moi, l'excellence artisanale d'une œuvre est primordiale.

D’autres moyens d'expression artistique ?
En tant qu'artiste, je suis toujours en quête de nouvelles choses à explorer. Lors de l'exposition « LA NOUVELLE TERRE » à Hakanto Contemporary, j'ai présenté ma toute première installation, et cette expérience m'a permis de m'exprimer d'une manière différente. Pour la première fois, il y avait une part de moi dans l'œuvre, ce qui m'a profondément touché. Cela a marqué un tournant dans ma démarche artistique, presque comme une thérapie, et m'a rendu fier de ce que je faisais, car je me dévoilais d'une manière plus personnelle. Cependant, cela m'a aussi créé un moment de doute, un « blanc » dans ma vie artistique. Depuis, ma recherche artistique s'est intensifiée, et de nouveaux projets d'expositions sont en préparation. Vous pouvez suivre mes actualités via ma page !

Propos recueillis par Cédric Ramandiamanana

Facebook : Amir J
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Décembre arrive et, comme chaque année, Madagascar se réveille culturellement.
Soudainement, les salles de spectacle se remplissent, les artistes sortent du bois, les concerts s’enchaînent. C’est la saison des festivités de Noël mêlant sacré et profane, et des expositions de dernière minute. Bref, tout le monde s’active comme si l’année culturelle se jouait en un seul mois. Et franchement, il y a de quoi se poser des questions. On ne va pas se mentir : les artistes malgaches ne sont pas là uniquement pour nous divertir entre deux repas de fête. Ils bossent, ils créent, et à leur niveau, ils font tourner l’économie. Le secteur culturel et créatif représentait environ dix pour cent du PIB national et ferait vivre plus de deux millions de personnes. Pas mal pour un domaine qu’on considère encore trop souvent comme un simple passe-temps sympathique, non ?
Alors oui, ce bouillonnement de décembre fait plaisir. On apprécie ces moments où la création explose, où les talents se révèlent, où la culture devient enfin visible. Mais justement, pourquoi faut-il attendre décembre pour que cela se produise ? Pourquoi cette concentration frénétique sur quelques semaines, alors que les artistes travaillent toute l’année ? Des mouvements sont actuellement en gestation pour revendiquer leur statut d’acteurs économiques essentiels et pour que l’on accorde à nos créateurs une place réelle dans la machine économique du pays. La culture malgache vaut bien mieux qu’un feu d’artifice annuel. Elle mérite qu’on lui accorde l’attention qu’elle réclame douze mois sur douze.

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Prise de vue : no comment® studio 
Collaborations : Tanossi – Via Milano mg – HAYA Madagascar - Akomba Garment MG 
Make up : Réalisé par Samchia 
Modèles : Lana, Judicaël, Catuchia, Faravavy, Tojo, Mitia, Santien, Mampionona 
Photos : Andriamparany Ranaivozanany

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