Emmanuel Cotsoyannis « Les entrepreneurs ont besoin de financement et d’accompagnement »
15 février 2024 // Entreprendre // 3971 vues // Nc : 169

Et si le secteur privé était la clé du développement ? Cela ne fait aucun doute pour Emmanuel Cotsoyannis, fondateur et directeur général de Miarakap. De 2018 à aujourd’hui, cette structure a financé et accompagné 45 entreprises dans toute l’Ile. De l’agrobusiness au digital, en passant par la microfinance et l’éducation, Miarakap soutient les entrepreneurs d’impact dans un environnement difficile.

Pourquoi avoir créé Miarakap ?
J’ai fait mes études en France après avoir grandi à Madagascar avec des parents entrepreneurs.
J’ai créé et développé des entreprises que j’ai eu la chance de vendre en 2015. Quand je suis rentré à Madagascar, j’ai été frappé par le nombre d’entrepreneurs, pas très élevé : j’en ai rencontré 200 ou 300, soit un tiers des entrepreneurs dynamiques du pays.
Au niveau national, il n’y avait que quelques centaines qui travaillaient à une échelle importante, qui étaient formels et avec des ambitions de développement.
Ce ne sont pas quelques centaines ni même quelques milliers d’entrepreneurs qui suffiront à créer des jobs pour 27 millions d’habitants, il en faut des dizaines de milliers.
Donc, plutôt que d’être entrepreneur, j’ai décidé de monter une entreprise qui aide les entrepreneurs.

Vous ciblez plutôt les Petites et Moyennes Entreprises (PME) ?
J’ai étudié les propositions des autres acteurs du financement à Madagascar : les banques, les institutions de microfinance. Je me suis rendu compte que non seulement ils ne proposaient pas d’accompagnement, mais qu’en plus, ils concentraient leur financement. Tout le secteur de la microfinance était pour l’économie informelle, c’est bien, mais c’est insuffisant pour contribuer réellement au développement économique du pays. De leur côté, les banques se concentraient principalement sur les grandes entreprises. Et au milieu, il y a les PME, elles n’ont rien, ni financement ni accompagnement. Ce sont des entreprises formelles ou qui peuvent le devenir. Elles ont un chiffre d’affaires annuel de 500 millions à 5 milliards d’ariary, avec des besoins d’investissement entre 500 millions à 2 milliards d’ariary, et emploient 20 à 100 personnes. On cherche des entrepreneurs qui changent positivement et durablement les trajectoires de vie de leurs salariés, clients et fournisseurs.

Des exemples de réussite ?
Dans la microfinance, APEM PAIQfinançait 700 petits entrepreneurs par an quand on a commencé notre collaboration ; aujourd’hui, ils en financent 5000. 70% de leurs bénéficiaires étaient des femmes, et c’est toujours le cas aujourd’hui, ils ont pu garder cette dimension d’impact. D’ailleurs, nous commençons à mesurer l’amélioration des conditions de vie des populations. Côté agribusiness, Malakass a créé une coopérative pour les agriculteurs de l’Atsimo Andrefana. On identifie les producteurspour racheter leur manioc frais à un prix plus élevé, et produire de la farine de manioc. Ainsi, les agriculteurs peuvent augmenter leur rendement et bénéficient de revenus réguliers. Dans le secteur de l’énergie, Jiro-Ve distribue 20 000 lampes solaires par jour un peu partout à Madagascar. Ces lampes coûtent 350 ariary par jour à la location, ça veut dire que pour 10 000 ariary vous pouvez avoir de la lumière chez vous pendant un mois.

Il fautdes dizaines de milliers d’entrepreneurs pour créer des jobs pour 27 millions d’habitants

Quelle est la place de ce genre d’initiative pour l’entrepreneuriat ?
Je pense qu’il en faut vingt fois plus. On est dans un écosystème où chaque région de Madagascar a besoin d’une dizaine de structures d’accompagnement de l’entrepreneuriat. Pour faire émerger plusieurs centaines d’entrepreneurs dans chaque région,il faudrait en accompagner 50 000 en dix ans. Nous ambitionnons d’en accompagner 500 en dix ans, il faudrait donc une centaine de structures comme la nôtre. Surtout, il en faudrait plus dans les régions, il y a un manque de structures d’accompagnement. Tout le monde se concentre à Tana, mais en fait il y a une richesse extraordinaire dans toutes les régions. Ces structures sont parfois un peu naïves, tout le monde veut faire du digital, des start-ups, mais la richesse de Madagascar c’est l’agriculture, le tourisme, la transformation de produits, l’eau, l’énergie, l’éducation, la santé. C’est dans ces secteurs là qu’il faut entreprendre, il faut aller là où il y a des besoins.

Pour développer des entreprises, il faut des cadresjuridiques sécurisants

Quels défis pour entreprendre à Madagascar aujourd’hui ?
C’est dur à entendre pour les entrepreneurs, mais c’est la vérité : aujourd’hui, il y a plus de financements que de capacité d’absorption de ces financements. Le premier défi c’est l’humain : quand on met un milliard d’ariary dans une entreprise pour qu’elle double ou triple de taille, le premier problème est de savoir qui on va recruter pour être DAF, responsable commercial, responsable marketing. C’est très dur d’attirer, de motiver, de garder les bons collaborateurs. Ensuite, il y a trois choses qui manquent aux entreprises pour se développer : l’énergie d’abord, il y a des usines à Fort-Dauphin qui doivent produire elles-mêmes leur énergie, ensuite c’est le transport, il faut aussi laisser le secteur privé travailler, ne pas les harceler fiscalement. Le troisième défi, c’est la sécurité juridique. Pour développer des entreprises, il faut des cadres juridiques sécurisants, il faut que les contrats entre les entreprises soient respectés, ça veut dire qu’il faut des tribunaux qui fonctionnent, des règles qui soient connues, sinon les entreprises ne feront pas debusiness ensemble.

Propos recueillis par Mpihary Razafindrabezandrina

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Il fut une époque où parler de « cinéma malgache » provoquait un sourire poli, celui qu’on réserve aux rêves un peu fous. D’autres se moquaient ouvertement de ces productions de niveau abécédaire. Désormais, ces points de vue moqueurs s’effacent pour laisser place à l’admiration. Les images sont plus nettes, les scénarios plus affûtés, les voix plus assurées. On sent cette montée en gamme, cette fierté tranquille d’un art qui prend enfin confiance en lui. Et c’est beau à voir — comme une pellicule qu’on aurait enfin sortie du grenier pour la projeter au grand jour.
Certes, des défis restent à relever, notamment en matière d’infrastructures, de financements, de formation… mais le vent tourne. Et ce vent-là sent la créativité, la sueur, et un peu de ce grain de folie propre à nos conteurs. La Grande-île ne veut plus être simple figurant dans l’histoire du septième art. Madagascar s’installe, doucement mais sûrement, dans le rôle principal. Au fond, ce renouveau n’est pas qu’un phénomène culturel. C’est une déclaration : ici aussi, on sait raconter. Et mieux encore, le faire rêver.

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