Un cimetière oublié, une nuit sous tension, un quotidien qu’on préfère ne pas voir ? Doc Choc, l’émission coup de poing, menée par deux raconteurs d’histoires réveille les consciences en explorant ce que la société tait. Et si l’émotion était un outil journalistique ?
Doc Choc, ça vient d’où ?
HR : L’étincelle, c’est Misy Raha La Terre, cette émission coup de poing qui poussait à réfléchir. J’en étais mordu. J’aurais aimé la reprendre, mais les choses ne se sont pas faites. Alors j’ai proposé qu’on en crée une autre. L’équipe a dit oui, et le nom Doc Choc est né. Depuis notre premier tournage en 2022, je bosse étroitement avec Sitraka – réalisateur et monteur. Il est de ceux qui sentent la direction à prendre. Il propose, on affine, on construit.
SL : Notre tout premier sujet portait sur le mausolée d’Anjanahary. On en préparait d’autres en parallèle, mais celui-là s’est imposé. Le but, dès le départ, c’était de braquer la lumière sur des métiers, des situations, des réalités que tout le monde voit… mais que trop souvent, on préfère ignorer. Ou ne pas comprendre.
Comment choisissez-vous vos sujets ?
HR : On part toujours d’une interrogation. Ce qui titille le public, ce qui provoque la curiosité. Et on cherche le point de bascule : le détail qui choque, mais qui éclaire. Pour Anjanahary, par exemple, ce sont les responsables sur place qui nous ont orientés vers les images de la fosse commune. Le sujet nous a sauté à la gorge. Parfois, l’idée germe en regardant d’autres émissions. C’est le cas avec Eo Ara Hoe : c’est en la regardant qu’on a décidé d’aller au centre AKA.MA, à 67ha. Doc Choc a trouvé son public, même si ce n’est jamais facile de provoquer juste ce qu’il faut. On ne se fixe aucune limite thématique. Paradoxalement, c’est dans les recoins inattendus que l’émission gagne sa force. Dans un geste, une phrase, une scène que rien n’avait annoncée.
Quid des âmes sensibles ?
HR : C’est un vrai défi. Quand on a traité le sujet de la drogue, on a montré des images frontales : des jeunes qui fument, qui s’injectent. Certains ont cru qu’on banalisait. D’autres ont compris qu’on exposait une chute, une vie qui se délite. On pèse chaque image, chaque angle, pour provoquer une prise de conscience, pas un malaise gratuit.
Quelle était le numéro le « choc » ?
HR : Le choc ne rime pas toujours avec tragédie. J’ai eu l’immense chance de discuter avec une femme de 105 ans, sur sa vision du temps, de la vie. Ça marque. Mais l’épisode Voninakazon’ny alina, sur les travailleuses de nuit, m’a retourné. Une scène en particulier : une prostituée, à l’aube, fatiguée, errant sans client. Derrière la provocation, il y avait une solitude brute, presque palpable.
SL : Ce même épisode, je m’en souviens comme d’hier. On veut capter du vrai, sans mise en scène. Cette nuit-là, j’ai été pris à partie par certaines prostituées. Elles ne voulaient pas qu’on filme. J’ai dû cacher ma caméra, jouer la transparence. Un tournage, c’est souvent l’imprévu. On passe des jours, des nuits, à chercher ce qui fera vibrer. Et parfois, le choc arrive quand on ne l’attend plus.
Propos recueillis par Rova Andriantsileferintsoa
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