Christian Olivier Mahefa « Tout à gagner avec la noix de cajou »
6 décembre 2022 // Entreprendre // 4738 vues // Nc : 155

(Re)devenir d’ici 2025 l’un des dix premiers exportateurs mondiaux de noix de cajou (anacarde). C’est l’ambitieux projet que se donne Madagascar, aidé par l’ONG internationale Nitidae. Une idée à la noix ? Pas du tout, explique et prouve Christian Olivier Mahefa, coordonnateur de projet.

La filière de l’anacarde (noix de cajou) semble reprendre des couleurs ?
Avec le concours de l’État malgache et de l’Union européenne, un projet de développement de la chaîne de valeur anacarde été mis sur pied en 2020. Ce projet baptisé Madanaca est actuellement dans sa deuxième phase, avec une dotation de 500 000 euros sur deux ans. Il s’insère dans un programme plus vaste de développement de chaînes de valeurs agricoles et forestières pour l’amélioration du niveau de vie des ménages dans les régions Diana, Boeny et Atsimo Andrefana. Il faut savoir que plus de la moitié de la production nationale de noix de cajou vient de Diana, notamment du district d’Ambilobe. Le ministère allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ) à travers le Programme de protection et d’exploitation durable des ressources naturelles (Pages) est très impliqué dans ce projet visant à développer la noix de cajou à Madagascar.

Cette amande qui est contenue dans la pomme de cajou, le fruit de l’anacardier, est très appréciée en Europe, en Asie et en Amérique du Sud, notamment comme apéritif ou pour son huile, c’est un marché considérable.

Vous prétendez que Madagascar peut (re)devenir un leader mondial ?
Le pays a toutes les cartes en main pour jouer à la table des grands exportateurs mondiaux. En 2021, nous avons exporté 10 000 de tonnes d’amandes brutes. C’est encore loin derrière le leader africain, la Côte d'Ivoire, et ses 30 000 tonnes d'amandes exportées, encore plus loin du Vietnam, le numéro un mondial avec sa production de 580 000 tonnes, suivi de l'Inde (66 000 tonnes), mais nous progressons à grands pas. Ce chiffre de 10 000 tonnes est déjà considérable quand on sait que ces noix de cajou proviennent d’anciennes plantations datant des années 1970-1980 et sont cultivées avec des méthodes traditionnelles, sans beaucoup de technique. Le projet Madanaca, qui a permis à Madagascar d’avoir 500 hectares de concession de plus en seulement deux ans (dans le district d’Ambilobe), recourt lui à des techniques de production, de transformation et de commercialisation beaucoup plus pointues, qui devraient nous permettre d’atteindre les 12 000 tonnes d’amandes exportées et donc de figurer dans la liste des dix premiers exportateurs mondiaux d’ici 2025. À l’heure actuelle, nous avons 11 000 hectares sous culture, mais la moitié ne produit pas encore.

On peut dire qu’avant « Madanaca », l’activité vivotait à Madagascar…
Madagascar a toujours été un pays à vocation « anacarde », mais les circonvolutions politiques l’ont toujours empêché de décoller. L’État malgache a tenté de relancer la filière anacarde dès 1968. À l’époque, la stratégie était encore de planter l’anacardier sur de vastes étendues de terrain dans le nord et l’ouest du pays. Mais à part une tentative d’industrialisation vers 1977, la filière est restée livrée à elle-même pratiquement jusqu’en 2020, c’est-à-dire sans progrès notables. Alors que la Côte d’Ivoire a commencé à relancer l’activité dès 2005 avec le succès que l’on sait. Aujourd’hui, nous avons conscience du trésor que représente l’anacarde, mais surtout nous avons la technique.

« L’Inde attend avec impatience que Madagascar revienne dans la course »

Quels atouts avons-nous sur ce marché très concurrentiel ?
Les grands pays importateurs attendent avec impatience que Madagascar revienne dans la course. L’Inde, qui est la première productrice mondiale, n’exporte pas sa noix de cajou, elle la consomme et en importe à peu près autant, ce qui en fait un excellent client. Le pays a déjà manifesté son intérêt particulier pour la noix de cajou « made in Madagascar ». Elle encourage sa relance et s’engage à nous l’acheter. Il est à noter que les 4 800 tonnes d’amandes brutes récoltées en 2021 dans la région Diana ont été exportées principalement vers l’Inde, mais aussi l’Europe, la Thaïlande et la Chine. De toutes parts, la demande est grandissante.

La qualité malgache va devoir suivre…
Beaucoup de choses restent à faire en matière de respect des normes. Par exemple, le marché international exige un calibrage entre 44 et 48 KOR (kernel output ration), et nos produits sont généralement plus petits. Ce n’est d’ailleurs pas une surprise puisque ce sont les produits des anciennes plantations, cultivés selon les anciennes méthodes. Aujourd’hui, avec les formations et les accompagnements que nous donnons aux paysans, tout va dans le sens du respect des normes qu’il s’agisse de l’écart entre deux pieds d’anacardier ou le nombre de plantes par hectare… Ces producteurs reçoivent aussi des accompagnements pour la transformation et la commercialisation des noix de cajou.

Est-il possible de chiffrer ce marché ?
Selon les prévisions, le marché mondial de la noix de cajou brute devrait atteindre 7 milliards de dollars d’ici 2025, pour une production annuelle d’environ 4 milliards de tonnes. L’Afrique pèse pour plus de la moitié sur cette production. Ce marché a connu un léger recul à cause de la fermeture des usines de transformation, mais tous les spécialistes sont unanimes que le redécollage est imminent. Il faut savoir que la règlementation des prix n’est pas comme dans les autres filières, le prix du kilo change d’un pays à un autre. Les paysans malgaches vendent l’anacarde brute entre 3 000 et 5 000 ariary le kilo. Dans d’autres pays, comme la Tanzanie, les récoltes sont vendues aux enchères, ce qui n’est pas un mauvais système. Sur ce point comme sur d’autres, Madagascar est en situation d’observation, le pays est en train d’élaborer sa stratégie commerciale pour charmer le marché mondial.

Quel rôle joue Nitidae dans cette stratégie ?
Nitidae est une ONG internationale fondée en France en 1983 qui travaille dans plusieurs pays à travers l’Afrique et opère dans plusieurs filières, pas seulement la noix de cajou. Son objectif est à la fois la préservation de l’environnement et le renforcement des économies locales. Elle fournit également une expertise technique aux entreprises agroalimentaires Si l’ONG s’est vu confier le projet Madanaca, c’est qu’elle a une longue expérience de la culture de la noix de cajou en Côte d’Ivoire, ayant assisté et contribué à son développement fulgurant au cours des vingt dernières années.


Propos recueillis par Solofo Ranaivo

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Il fut une époque où parler de « cinéma malgache » provoquait un sourire poli, celui qu’on réserve aux rêves un peu fous. D’autres se moquaient ouvertement de ces productions de niveau abécédaire. Désormais, ces points de vue moqueurs s’effacent pour laisser place à l’admiration. Les images sont plus nettes, les scénarios plus affûtés, les voix plus assurées. On sent cette montée en gamme, cette fierté tranquille d’un art qui prend enfin confiance en lui. Et c’est beau à voir — comme une pellicule qu’on aurait enfin sortie du grenier pour la projeter au grand jour.
Certes, des défis restent à relever, notamment en matière d’infrastructures, de financements, de formation… mais le vent tourne. Et ce vent-là sent la créativité, la sueur, et un peu de ce grain de folie propre à nos conteurs. La Grande-île ne veut plus être simple figurant dans l’histoire du septième art. Madagascar s’installe, doucement mais sûrement, dans le rôle principal. Au fond, ce renouveau n’est pas qu’un phénomène culturel. C’est une déclaration : ici aussi, on sait raconter. Et mieux encore, le faire rêver.

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