Zaho Zay : Docufiction atypique
4 juin 2021 // Cinéma // 4088 vues // Nc : 137

Primé aux Festivals de Marseille (FID) et Vienne (Viennale) 2020 et coréalisé par Maéva Ranaïvojaona et Georg Tiller, « Zaho Zay » (1 h 18, 2020) est un docufiction atypique tirant sa force de son habileté à flouter la frontière entre réel et imaginaire.

Le film s’ouvre sur un plan large de la devanture d’une maison. Une femme coiffée d’un chapeau de raphia, les yeux rivés vers l’horizon, semble attendre quelqu’un.
On reconnait la mélodie de Iny hono izy ravorombazaha, une célèbre berceuse malgache. On écoute la voix off censée exprimer la pensée de la jeune femme.
La qualité du texte écrit par l’écrivain malgache Jean Luc Raharimanana est surprenante.
Sa plume est reconnaissable tant le ton de la voix off est poétique et violent.  Raharimanana a fait un clin d’œil littéraire à « Za » (2008), une de ses œuvres antérieures.
Tandis que dans ce roman, il a écrit : « Rien ne pousse ici, homme nu. Ni les espérances ni même le cynisme ou la dérision des pauvres. », pour « Zaho Zay », le texte devient : « Rien ne pousse ici, ni la dérision des pauvres, ni le rire gras du pouvoir. »
Le montage est en parfaite adéquation avec cette voix off omniprésente. Des plans longs, le sens de l’errance et de la contemplation caractérise « Zaho Zay ».

Au fur et à mesure que le film avance, on apprend que la narratrice travaille comme gardienne dans une prison de Fianarantsoa.  Elle convoque le souvenir de son père. « Zaho Zay » se rapproche du court métrage documentaire « L’absence » (8 mn, 2016) de la cinéaste malienne Hawa Aliou N’Diaye  dont le thème tourne également autour de la quête du père. Dans « L’absence », la figure paternelle s’est écartée de la narratrice en passant toute sa retraite dans une mosquée. Une absence qui a perturbé l’enfance de cette dernière et qui la hante à tel point qu’elle voit son père en chaque homme âgé qu’elle croise. La narratrice de « Zaho Zay », elle, a été abandonnée par son père durant son enfance juste après que ce dernier eut commis un fratricide. Elle rêve qu’un jour, son père arriverait dans la prison de Fianarantsoa, et que son nom fasse partie de la liste des détenus qui doivent répondre à la présence de l’agent pénitentiaire. Le titre du film vient d’ailleurs de leur réponse à cet appel : « Zaho Zay » ou « C’est moi ».

Dans son imagination, la narratrice attribue un profil original à son père, celui d’un étrange meurtrier, coiffé d’un chapeau de paille, errant dans les campagnes et décidant du sort de ses victimes en lançant des dés.  Le fait qu’il confie sa décision de tuer sur le compte du hasard le rapproche du personnage d’Anton Chigurh, un tueur à gages psychopathe jouant la vie des gens à pile ou face dans le film « No Country for Old Men » (2007) de Joel et Ethan Coen. Les fantasmes de la narratrice virent au cauchemar à la suite de l’arrivée d’un nouveau détenu qui prétend connaître son père.


Propos recueillis par Aina Randrianatoandro
Association des critiques cinématographiques de Madagascar

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Il fut une époque où parler de « cinéma malgache » provoquait un sourire poli, celui qu’on réserve aux rêves un peu fous. D’autres se moquaient ouvertement de ces productions de niveau abécédaire. Désormais, ces points de vue moqueurs s’effacent pour laisser place à l’admiration. Les images sont plus nettes, les scénarios plus affûtés, les voix plus assurées. On sent cette montée en gamme, cette fierté tranquille d’un art qui prend enfin confiance en lui. Et c’est beau à voir — comme une pellicule qu’on aurait enfin sortie du grenier pour la projeter au grand jour.
Certes, des défis restent à relever, notamment en matière d’infrastructures, de financements, de formation… mais le vent tourne. Et ce vent-là sent la créativité, la sueur, et un peu de ce grain de folie propre à nos conteurs. La Grande-île ne veut plus être simple figurant dans l’histoire du septième art. Madagascar s’installe, doucement mais sûrement, dans le rôle principal. Au fond, ce renouveau n’est pas qu’un phénomène culturel. C’est une déclaration : ici aussi, on sait raconter. Et mieux encore, le faire rêver.

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