Au bord d’un étang, entre le quack des canards et le vrombissement des voitures de la RN7, Sylvianne Rasolonirina et sa famille/équipe semblent construire plusieurs pots en terre. Ce sont les futurs réchauds en argile, des créations héritées de ses parents et de son propre travail depuis plus d’une douzaine d’années.


Ici, un jeune homme malaxe un amas de boue avec ses pieds, le rythme presque musical, comme une chorégraphie improvisée entre la glaise et la gravité. Là, trois jeunes femmes façonnent des cylindres avec une précision qui force le respect. Plus loin, deux hommes soulèvent ces formes encore fragiles, mi-vases mi-promesses, et les déposent près du four où elles durciront. La scène ressemble à un vieux film artisanal, brut, sans artifices. Et tous, une vingtaine au total, appartiennent à l’équipe de Sylvianne Rasolonirina, gardienne d’un savoir-faire qui chauffe encore des milliers de foyers malgaches. « Il y en a au moins une centaine », dit-elle en désignant les rangées de pots en argile, les cylindres, comme elle les appelle avec affection.
Ces cylindres seront la base des fatana mitsitsy, les réchauds économes en charbon, devenus indispensables dans un pays où cuisiner coûte parfois plus cher que manger. « Une personne peut faire jusqu’à quarante réchauds par jour », précise-t-elle. Une cadence qui force l’admiration, surtout quand on observe l’effort derrière chaque geste. Chaque poste a son maître. « Certaines tâches nécessitent une certaine poigne, donc c’est réservé aux hommes », explique un jeune dans la vingtaine, un des ouvriers. Tailler, garnir la carapace en fer, remplir de terre – « c’est cette terre qui assure sa dureté » – revient au reste de l’équipe. Une véritable ruche. Et Sylvianne, qui fabrique des réchauds depuis ses 13 ans, en connaît chaque secret.


Mais le métier n’est pas toujours tendre. « Il nous faut du soleil pour sécher les cylindres. Quand il pleut, on recouvre d’un grand sachet et on attend… », soupire-t-elle. Parfois, ce sont les matériaux qui manquent. L’argile se fait rare. « On achète chaque fois qu’on trouve un vendeur, mais c’est devenu très difficile. » D’autres fois, c’est la tôle pour la carapace qui se fait désirer. Pourtant, le fatana reste indétrônable. « Nous en envoyons en province : Mahanoro, Vatomandry, Antsirabe, Toamasina… » confie Sylvianne. « La plus grosse commande jamais réalisée était destinée à l’étranger. Enfin, d’après celui qui est venu la chercher », raconte-t-elle. Mais vendre au bord de la route, avec sa famille, relève souvent du parcours d’obstacles. « On trouve toujours une excuse pour nous chasser », dit-elle, résignée.
Les prix oscillent entre 3 000 et 5 000 ariary. Il y a des modèles inspirés du rice-cooker – le best-seller, paraît-il. Sylvianne rêve maintenant d’un cadre officiel. « Je voudrais que notre activité soit formalisée, que nous soyons considérés comme une vraie société. Parce que c’est ce que nous sommes », lance-t-elle. Et à la voir, debout dans cette terre battue où chaque morceau d’argile devient foyer, on se dit que oui, leur feu mérite enfin d’être reconnu.
Rova Andriantsileferintsoa
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