Egorgeur : A tout saigneur tout honneur
17 août 2023 // Métiers & Petits Métiers // 3361 vues // Nc : 163

Égorgeur, saigneur, ça pose son homme ! Ou plutôt ici, sa femme. A condition d’avoir le physique de l’emploi. Elle l’a. Et un coup de lame bien rodé, ses milliers de victimes en savent quelque chose. Une profession qui s’exerce au cœur des marchés ; quand elle s’y fraye un chemin, de sa démarche chaloupée, roulant les mécaniques, un silence s’installe, et les enfants, de dessous les jupes de leurs mères, observent avec fascination et effroi passer cette masse virevoltante : le sicaire, la tueuse à gages.

La volaille saisie par la main gauche, notre dame porte le couteau dans le bec, comme subrepticement, traverse la gorge et provoque une grosse saignée. Une fois vidée de son sang, la volaille est plongée dans l’eau bouillante par un comparse ; vite débarrassée de ses plumes, elle peut partir vers les cuisines et les boucheries de détail alentour. Pour les saigneurs qui n’ont pas la poigne de la forte dame, un modeste dispositif simplifie l’égorgement : un bidon jaune accroché à un mur, avec une partie évidée en bas, bloque la poule la tête en bas. La victime ne peut plus alors qu’offrir sa gorge au couteau, et son corps, sous camisole, se vider rapidement de son sang.

Alignés comme des trophées au pied du vainqueur, quatre canards ne portent plus la tête haute. La bande des quatre est vaincue. Fin de parcours. Le contrat est rempli: canard a vécu pour que seigneur vive. Les grands paniers ronds, faits de solides lattes de bambou (Bara[1]rata), peuvent s’empiler jusqu’au ciel, rien n’arrêtera la marche des hommes (et le débarquement par centaines, dans la capitale, de ces nasses à gallinacés arrimées sur le toit des Taxi Be). Ainsi soit-il.

Émaciés, débarrassés des contingences charnelles, les canards ne sont plus que des épures passées au fil du couteau. Inversement, la dame semble avoir aspiré le sang et les viscères de ses victimes en quantité inépuisable, en attestent sa corpulence et les bassines qu’elle remplit tout au long de son office. Bibendum de caricature, elle enfle au fur et à mesure que sa fine lame s’acharne. Elle est ronde comme les nasses à gallinacés qui s’empilent, ronde comme le bidon bleu qui exhibe les quatre victimes, ronde comme les bassines qu’elle bourre. La rondeur est signe de sa bonhomie, de sa candeur, de sa simplicité quasi biblique. Bonhomme et ronde. Quelle destinée ! Jusqu’où va-t-elle grossir ? Jusque quand va-t-elle tuer ? Comment ne pas être écœuré par tant de sang, de viscères, de miasmes suffocants. Indigné par tant d’opulence gagnée aux dépens du plus faible. Pour autant, c’est une scène de la vie ordinaire. C’est ainsi dans toutes les cuisines du monde. C’est ainsi que les hommes vivent. Depuis toujours. Cachez ce sein que je ne saurai voir.

Texte et photo : YvA

Laisser un commentaire
no comment
no comment - Exposition : L’économie a bonne mémoire

Lire

10 octobre 2025

Exposition : L’économie a bonne mémoire

De l’époque des royaumes à l’ère républicaine, Madagascar raconte son parcours économique à travers une exposition inédite. Organisée par FTHM Consult...

Edito
no comment - Mada fait son cinéma

Lire le magazine

Mada fait son cinéma

Il fut un temps — pas si lointain — où le cinéma malgache était timide, réduit à quelques projections confidentielles et à des moyens de fortune. Depuis un certain temps – ironie du sort ou simple justice poétique – ce sont nos films qui s’invitent sur les écrans du monde et des festivals sur les cinq continents. Felana Rajaonarivelo, Kuro Mi qui ont été récemment primés dans des festivals internationaux. Avec cette nouvelle génération de cinéaste, Madagascar rafle les prix et, surtout, les regards.
Il fut une époque où parler de « cinéma malgache » provoquait un sourire poli, celui qu’on réserve aux rêves un peu fous. D’autres se moquaient ouvertement de ces productions de niveau abécédaire. Désormais, ces points de vue moqueurs s’effacent pour laisser place à l’admiration. Les images sont plus nettes, les scénarios plus affûtés, les voix plus assurées. On sent cette montée en gamme, cette fierté tranquille d’un art qui prend enfin confiance en lui. Et c’est beau à voir — comme une pellicule qu’on aurait enfin sortie du grenier pour la projeter au grand jour.
Certes, des défis restent à relever, notamment en matière d’infrastructures, de financements, de formation… mais le vent tourne. Et ce vent-là sent la créativité, la sueur, et un peu de ce grain de folie propre à nos conteurs. La Grande-île ne veut plus être simple figurant dans l’histoire du septième art. Madagascar s’installe, doucement mais sûrement, dans le rôle principal. Au fond, ce renouveau n’est pas qu’un phénomène culturel. C’est une déclaration : ici aussi, on sait raconter. Et mieux encore, le faire rêver.

No comment Tv

Interview - Mascha et Vincent Paquot Rasquinet - Octobre 2025 - NC 189

Découvrez 𝐌𝐚𝐬𝐜𝐡𝐚 et 𝐕𝐢𝐧𝐜𝐞𝐧𝐭 𝐏𝐚𝐪𝐮𝐨𝐭 𝐑𝐚𝐬𝐪𝐮𝐢𝐧𝐞𝐭, comédiens, dans le 𝐧𝐨 𝐜𝐨𝐦𝐦𝐞𝐧𝐭® NC 189 - octobre 2025. 
Au mois de septembre, les compagnies belges 𝐓𝐢𝐠𝐮𝐢𝐝𝐚𝐩 et 𝐅𝐓𝐋 𝐉𝐮𝐠𝐠𝐥𝐢𝐧𝐠 étaient de passage à Madagascar. Initialement venus dans la Grande île pour assister au mariage de leurs amis, les deux comédiens ont eu un agenda très chargé. Ils ont présenté – presque chaque jour – la pièce muette « 𝑰𝒅𝒚𝒍𝒍𝒆𝒔 𝒂𝒃𝒓𝒂𝒄𝒂𝒅𝒂𝒃𝒓𝒂𝒏𝒕𝒆𝒔 ».

Focus

Randonnée du CASM

Randonnée du Club des Amateurs de Scooters de Madagascar - CASM - à Behenjy, le 17 octobre.

no comment - Randonnée du CASM

Voir