Tsara Joro : « La mémoire mise en scène »
18 septembre 2025 // Cinéma // 57 vues // Nc : 188

Avec Tsara Joro, Daniel Martin Losa signe un premier long-métrage à la fois âpre et bouleversant. Entre rigueur historique et souffle romanesque, cet Espagnol passionné de cinéma et de mémoire raconte, à travers une fresque de 1h45, les drames et les luttes qui ont marqué l’histoire coloniale de Madagascar. Rencontre avec un réalisateur autodidacte qui, armé de peu de moyens mais d’une conviction brûlante, veut transmettre aux jeunes générations le poids d’un passé encore trop peu raconté.

« Tsara Joro », c’est un film documentaire ?
Non, je le qualifierais plutôt de fiction historique. J’ai énormément lu sur l’histoire de Madagascar pour écrire le scénario et mené de longues enquêtes. Tout ce qui concerne la dimension historique est authentique. Malgré un budget très serré, je n’ai pas ménagé mes efforts pour m’immerger dans cette période sombre, depuis le Protectorat français jusqu’à l’Indépendance. Aucun des écrivains que j’avais approchés n’a accepté de m’accompagner pour le scénario ; j’ai donc dû m’y consacrer seul. Même les uniformes des militaires et les costumes des personnages emblématiques ont été confectionnés à partir de documents d’époque. Cela dit, j’ai intégré une histoire d’amour fictive, un triangle amoureux, pour adoucir la dureté des scènes qui s’enchaînent tout au long du film.

Pourquoi un film sur l’histoire coloniale de Madagascar ?
Je suis journaliste et cinéphile, Espagnol d’origine, et j’ai voulu que mon premier film soit tourné ici, à Madagascar. Ce projet est une manière d’honorer la mémoire des victimes de l’insurrection de 1947 et de transmettre cette histoire aux jeunes générations. Je suis Vazaha, oui, mais pas Français : Espagnol. Mon objectif était d’apporter un regard aussi neutre que possible. Les faits que nous relatons sont impardonnables, inoubliables. Nous avons interrogé des historiens malgaches, français, sénégalais… Ce film conjugue réalisme, engagement et devoir de mémoire. Tsara Joro se veut à la fois un outil de transmission et un support de réflexion, en transformant la fiction en un levier de sensibilisation.

Que raconte « Tsara Joro », en bref ?
Sorti officiellement à la veille de la fête nationale, Tsara Joro a été projeté lors de deux séances exceptionnelles au Canal Olympia Andohatapenaka. Ce long-métrage de 1h45, inspiré de faits réels, retrace avec intensité la lutte pour l’Indépendance de Madagascar, depuis le règne de Ranavalona III jusqu’au 26 juin 1960. Le film s’articule en deux temps : il plonge d’abord dans l’époque du Protectorat avant de basculer vers l’insurrection de 1947, avec, en point d’orgue, la tragédie du train de Moramanga le 29 mars 1947. Cette scène glaçante a d’ailleurs été tournée sur les lieux mêmes des événements.

Concrètement, quelle est votre relation avec Madagascar ?
Je suis Espagnol mais j’ai vécu 26 ans en Belgique. Journaliste de formation, spécialisé en critique cinéma, j’ai aussi étudié le théâtre français. Après un passage dans un quotidien belge, je suis rentré en Espagne puis installé à Madagascar il y a quatre ans. Ce qui me lie à ce pays ? Avant tout une profonde humanité. Les deux cent mille morts de cette lutte m’ont interpellé. Enfants, femmes, vieillards… leur massacre est un drame qui ne peut être oublié. Ce film est un hommage, une tentative de donner une voix à ces victimes invisibles.

Comment s’est déroulée la réalisation de votre film ?
C’est mon premier film, et il faut le dire : ce fut un véritable défi. Dix jours de tournage seulement, un casting où beaucoup d’acteurs étaient des débutants… mais tous ont donné le meilleur d’eux-mêmes. J’ai écrit le scénario en français. Dans le film, les Français parlent leur langue, les Malgaches s’expriment en malgache, grâce à une traduction cinématographique adaptée au rythme et à la musicalité des dialogues. L’authenticité était mon obsession. Certains comédiens ont même improvisé pour mieux habiter leur rôle. Bien sûr, il y a des imperfections – quelques faux raccords, des détails sur les costumes de figurants – mais je crois que l’essentiel est ailleurs. J’espère surtout que ce film pourra être montré largement, notamment dans des écoles ou des églises, pour continuer à éveiller les consciences.

Propos recueillis par Solofo Ranaivo

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