Maëva Ranaivojaona « Faire du cinéma d’auteur est difficile »
14 juillet 2023 // Cinéma // 4345 vues // Nc : 162

Elle était de passage à Madagascar pour faire un casting sur son prochain long-métrage. Depuis quelques années, Maëva  Ranaivojaona place la Grande Ile comme décor ou sujet principal de ses films comme dans Zaho Zay (2020) et dans le prochain qui se prépare.

Zaho Zay, votre premier long-métrage ?
Avec mon mari et moi, nous l’avons réalisé en deux fois. Une première fois, pour trouver des lieux à tourner avec mon oncle qui était notre chauffeur et qui se retrouve être le personnage principal. Comme nous visitions beaucoup de déserts, nous l’avons filmé en train d’errer comme un gangster. Il était impressionnant. Au fur et à mesure, nous avons fait une moitié de film, mais il manquait quelque chose. A la fin du séjour, j’ai rencontré le mari de ma cousine. Il a créé l’ONG Manarina qui œuvre pour le Droit de l’Homme. Comme il travaillait avec les prisonniers à Fianarantsoa, il m’a demandé si je pouvais les filmer, car il mettait en place des actions  pour qu’ils puissent trouver de l’argent pour se nourrir en créant des bijoux… Nous avons donc accepté.

Des prisonniers devenus acteurs ?
D’un côté, nous avons le tueur qui erre dans la nature et de l’autre, la prison surpeuplée. Nous avons donc inventé la narratrice, une fille qui cherchait son père parmi les prisonniers.

Pour être sûr de ne pas perdre le jeu d’acteur, la caméra a servi de point de vue de la narratrice qu’on ne voit pas. Les prisonniers nous ont bien accueillis, ils sont devenus des acteurs. Nous ne leur avons pas donné la parole parce qu’nous ne maîtrisions pas les faits politiques. Par contre, nous leur avons donné une visibilité, rendre leur dignité, montrer qu’ils savent jouer de la guitare, dessiner... Quand nous a sorti le film en France durant le Festival de film de Marseille, nous avons eu deux prix. L’un d’entre eux est un prix octroyé par les prisonniers de Marseille qui choisissent quel film mérite d’être projeté dans toutes les prisons de France. Sur le podium, ses prisonniers nous ont dits qu’ils voulaient transmettre un message aux prisonniers malgaches et comprennent leurs difficultés.

Madagascar sera encore le sujet de votre prochain film…
Un producteur autrichien a vu le film Zaho Zay et a voulu produire le suivant, non pas une suite, mais un nouveau film. Ce sera mon premier long-métrage de fiction pure, que je réalise toujours avec mon mari, puisque nous sommes très complémentaires. Nous pensons faire le tournage en 2024 et ma présence à Madagascar, c’est pour le casting d’une quinzaine d’acteurs. Le film parle de la question du post-colonialisme, de l’empilement de situations absurdes créées par les différentes situations coloniales de la France. A Tana, nous avons travaillé avec Jean-Luc Raharimanana, directeur de casting et Alef. Beaucoup de gens intéressés, professionnels et non professionnels. A Antsirabe, c’était plus compliqué, peu de candidats.

Vous réalisez des films loin de la tendance ?
Dans notre boîte de production Subobscura Films, nous faisons des documentaires et de la fiction. Mais nous sommes spécialisés dans les films qui parlent de colonisation, de post-colonisation et de migration. En général, nous essayons de sélectionner des films qui questionnent le cinéma lui-même, une nouvelle manière d’utiliser les choses, ou qui va questionner un message historique, qui va donner la voix à des groupes des personnes qu’on n’entend pas… Des films qui ont une portée politique et une volonté de donner une nouvelle visibilité sur le monde de façon différente. Il faut dire que faire du cinéma d’auteur est difficile. Choisir un sujet qui suit la tendance comme l’écologie ou le féminisme trouvera plus facilement du financement. Le cinéma est encore une industrie compliquée.

Propos recueillis par Aina Zo Raberanto

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Décembre arrive et, comme chaque année, Madagascar se réveille culturellement.
Soudainement, les salles de spectacle se remplissent, les artistes sortent du bois, les concerts s’enchaînent. C’est la saison des festivités de Noël mêlant sacré et profane, et des expositions de dernière minute. Bref, tout le monde s’active comme si l’année culturelle se jouait en un seul mois. Et franchement, il y a de quoi se poser des questions. On ne va pas se mentir : les artistes malgaches ne sont pas là uniquement pour nous divertir entre deux repas de fête. Ils bossent, ils créent, et à leur niveau, ils font tourner l’économie. Le secteur culturel et créatif représentait environ dix pour cent du PIB national et ferait vivre plus de deux millions de personnes. Pas mal pour un domaine qu’on considère encore trop souvent comme un simple passe-temps sympathique, non ?
Alors oui, ce bouillonnement de décembre fait plaisir. On apprécie ces moments où la création explose, où les talents se révèlent, où la culture devient enfin visible. Mais justement, pourquoi faut-il attendre décembre pour que cela se produise ? Pourquoi cette concentration frénétique sur quelques semaines, alors que les artistes travaillent toute l’année ? Des mouvements sont actuellement en gestation pour revendiquer leur statut d’acteurs économiques essentiels et pour que l’on accorde à nos créateurs une place réelle dans la machine économique du pays. La culture malgache vaut bien mieux qu’un feu d’artifice annuel. Elle mérite qu’on lui accorde l’attention qu’elle réclame douze mois sur douze.

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Modèles : Lana, Judicaël, Catuchia, Faravavy, Tojo, Mitia, Santien, Mampionona 
Photos : Andriamparany Ranaivozanany

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