Thierry Portafaix : Un laboratoire dans les zones enclavées
9 mars 2025 // Nature // 4244 vues // Nc : 182

Après une première mission en décembre 2024, le laboratoire mobile sera bientôt accessible aux chercheurs à Madagascar. Équipé, le véhicule va jusqu’aux endroits les plus enclavés pour permettre à ceux qui en ont besoin de mener des recherches dans les meilleures conditions. Thierry Portafaix, représentant de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et du Muséum National de l’Histoire Naturelle (MNHN), répond à nos questions.

photo : Laboratoire mobile de l'IRD et du MNHN

Créé pour le microcèbe ?
Le laboratoire mobile est un projet qui a été imaginé par un chercheur du Muséum National d'Histoire Naturelle, Jeremy Terrien. Il travaille en France, dans le seul élevage de microcèbes. Ceux-ci vivent bien en captivité et se reproduisent très bien ; les chercheurs mesurent depuis des dizaines d’années toutes sortes de paramètres physiologiques sur ces petits lémuriens, ils les connaissent très bien. Ils voulaient aller vérifier sur le terrain quelle était la physiologie des microcèbes en liberté. Ils se sont aperçus qu’il était très compliqué d'aller là où ils vivent - dans les réserves -, de rester assez longtemps, de les capturer, de faire des prélèvements et de conserver ces prélèvements pour faire des études génétiques ou physiologiques. Donc, ils se sont dit qu’il faudrait un instrument pour aller sur le terrain, faire toutes ces analyses et bien comprendre comment la physiologie et leur façon de régler leurs paramètres physiologiques s’adaptent à l'environnement qui change. Et c'est cela qu'ils veulent étudier : comment ces animaux s'adaptent-ils aux modifications de l'environnement, en faisant la comparaison entre ceux qui sont en captivité et ceux qui sont ici, dans leur milieu naturel. C'est la raison pour laquelle le laboratoire a été créé. Jeremy Terrien va utiliser le laboratoire mobile en premier, puisque c’est son idée, et il ira à Ankarafantsika - son terrain d’étude - pour étudier ces fameux petits lémuriens.

Un laboratoire mobile équipé ?
Comme c'est un laboratoire qui permet d'aller sur le terrain, il peut servir à ceux qui travaillent sur la faune malgache, mais aussi sur la flore. Si par exemple, les chercheurs vont chercher des espèces de plantes, ils ont besoin de faire des analyses génétiques. Et pour cela, il faut qu'il y ait une bonne chaîne de froid et qu’elle soit constante, sinon ils risquent de perdre les informations génétiques les plus fragiles. Dans le laboratoire mobile, il y a toute une chaîne du froid de haut niveau : moins 18 degrés Celcius, moins 12 degrés Celcius, dans des frigos dont lesquels on peut conserver l'ensemble des prélèvements, le tout maintenu par des batteries alimentées par des panneaux solaires. On peut donc les conserver jusqu'au retour en ville, où on fera des analyses beaucoup plus poussées. On a fait le laboratoire mobile à la demande du chercheur Jeremy Terrien, selon ses plans, pour qu’il réponde à ses besoins, il s’agit d’un modèle unique. Il est complet et permet d'aller dans des endroits très reculés, très difficiles d'accès. Nous avons des collègues de l'Institut Pasteur et de l'Institut de Recherche pour le Développement, qui travaillent sur les moustiques - le paludisme, la dengue, etc-. Ils feront partis des premiers à l'utiliser pour aller sur le terrain et faire des prélèvements qu'ils vont pouvoir garder grâce à l'ensemble des dispositifs qui sont inclus dans ce laboratoire mobile.

Quelle est la suite ?
Le laboratoire mobile sera mis à la disposition de la communauté des chercheurs, autant malgaches qu’étrangers. Il est ouvert à tous ceux qui ont en besoin. On va mettre en place un petit comité scientifique dans lequel seront présents l'IRD, le Muséum National d'Histoire Naturelle et des chercheurs malgaches. Ce comité étudiera les propositions pour louer le véhicule et faire des actions de terrain et l'allocation se fera toujours avec le chauffeur, qui sera le garant de la bonne utilisation de l'ensemble des éléments techniques et des dispositifs scientifiques. Il y a des microscopes électroniques, des centrifugeuses de très haut niveau, et d’autres éléments qui seront possiblement inclus si besoin, cela dépendra des besoins. On pense qu'il y aura beaucoup d'études en santé, sur la biodiversité, peut-être même des études en paléontologie, étant donné qu’il y a beaucoup d'instruments à l'intérieur qui permettront de faire des analyses de terrain directement sur des fossiles. Après, les chercheurs font des publications, et ces résultats et données seront accessibles à l'ensemble de la communauté de chercheurs et même au grand public, pourquoi pas. Sur le long terme, c'est un objectif assez global : acquérir des données et de la connaissance sur la biodiversité à Madagascar avec des moyens qui sont nouveaux et différents. Plus on apprend sur les milieux, plus on est capable de les protéger, et c’est l'objectif ! Ce qu’on veut, c'est protéger ces milieux, pour qu'ils soient moins vulnérables au changement climatique et à la pression anthropique. C'est vraiment l'objet de la science : mieux comprendre pour mieux agir.

Propos recueillis par Rova Andriantsileferintsoa

Contact : thierry.portafaix@ird.fr
Jeremy.terrien@mnhn.fr

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Décembre arrive et, comme chaque année, Madagascar se réveille culturellement.
Soudainement, les salles de spectacle se remplissent, les artistes sortent du bois, les concerts s’enchaînent. C’est la saison des festivités de Noël mêlant sacré et profane, et des expositions de dernière minute. Bref, tout le monde s’active comme si l’année culturelle se jouait en un seul mois. Et franchement, il y a de quoi se poser des questions. On ne va pas se mentir : les artistes malgaches ne sont pas là uniquement pour nous divertir entre deux repas de fête. Ils bossent, ils créent, et à leur niveau, ils font tourner l’économie. Le secteur culturel et créatif représentait environ dix pour cent du PIB national et ferait vivre plus de deux millions de personnes. Pas mal pour un domaine qu’on considère encore trop souvent comme un simple passe-temps sympathique, non ?
Alors oui, ce bouillonnement de décembre fait plaisir. On apprécie ces moments où la création explose, où les talents se révèlent, où la culture devient enfin visible. Mais justement, pourquoi faut-il attendre décembre pour que cela se produise ? Pourquoi cette concentration frénétique sur quelques semaines, alors que les artistes travaillent toute l’année ? Des mouvements sont actuellement en gestation pour revendiquer leur statut d’acteurs économiques essentiels et pour que l’on accorde à nos créateurs une place réelle dans la machine économique du pays. La culture malgache vaut bien mieux qu’un feu d’artifice annuel. Elle mérite qu’on lui accorde l’attention qu’elle réclame douze mois sur douze.

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