Madame Dedamas : Reine non-conformiste
7 juin 2025 // Arts de la scène // 3719 vues // Nc : 185

Sous ses perruques flamboyantes et son eyeliner dramatique, Madame Dedamas ne se contente pas d’enfiler des habits de scène : elle incarne une figure totale, un personnage de théâtre queer aux mille reflets. À Antananarivo, cette dragqueen malgache façonne une œuvre à part entière, entre mode, chant, performance et résistance joyeuse.

Talons vertigineux, corset façon Botticelli remixé par Lady Gaga, avec un maquillage plus baroque que discret et perruque comme un clin d’œil lourd de sequins à Cher. A Tana, chaque apparition sur scène de ce personnage haut en couleur devient un événement. On le connaît sous le nom de Madame Dedamas. Elle performe mode, théâtre, chant, danse, subversion. Sur scène, rien n’est laissé au hasard : le flirt, le burlesque, les chansons torrides et les ballades pleines de spleen forment un mélange aussi électrique que raffiné.

« Avec de solides backgrounds en comédie musicale, j’interprète des standards de Broadway. Je fais également du lip-sync, du voguying en guise de clin d’œil aux icônes queer. Je prévoie aussi tenter un reveal, comme Sasha Velour qui avait planqué des pétales de rose partout sur elle. Ce genre de surprise, ça vous arrache une larme en plein strass », lance-t-elle, non sans fierté.

Il y a encore deux ans, personne ne connaissait Madame Dedamas. Quand on lui demande d’où vient ce personnage qui marque tant les esprits aujourd’hui, elle ressort instantanément ce propos de RuPaul Charles, qui dit « On naît nu.e.s, le reste, c’est du drag. » Cette phrase fut une épiphanie, un déclic, pour Madame Dedamas. « C’était il y a deux ans, devant un écran où s’affrontaient perruques et contourings survolés d’une ironie bien huilée », se rappelle-t-elle. Depuis, elle a troqué l’anonymat sage contre la flamboyance maîtrisée : s’habiller, oui, mais comme on prend un rôle à bras-le-corps.

Quant à son nom, ce n’est pas tombé du ciel. La rose de Damas, fleur capiteuse et ténébreuse, évoque ce goût affirmé pour le gothique grotesque, un théâtre des excès où le ridicule tutoie le sublime. Et cette particule aristocratique, c’est le clin d’œil assumé à une certaine idée du glamour français, celui qui flirte avec le kitsch sans pour autant tomber dedans. Le style de Madame Dedamas ? « Inclassable », répond-elle sobrement. Elle le réinvente à chaque show, pioche ici dans l’élégance lugubre de Morticia Addams, là dans le cabotinage des méchantes de télénovelas, un jour en diva de Broadway, un autre en créature cyber des années 90.

Madame Dedamas se montre anticonformiste et provocatrice. « C’est elle qui me possède quand elle apparaît. Moi, je reste dans l’ombre. Dans une société comme la nôtre, qui griffe tout ce qui dépasse, l’anonymat, c’est un peu mon armure », confie-t-elle. En scène, elle devient une autre version de soi, plus féroce, plus libre : « Le drag, c’est un exutoire qui transgresse le genre. C’est comme si je m’autorisais à être la mère que je n’ai jamais eue, ou que j’aurais rêvé d’avoir. Une guide, une diva. »

Avec véhémence, elle se positionne comme porte étendard d’un réel mouvement. Elle veut faire chacun de ses spectacles une vraie bouffée d’oxygène, un rappel. En effet, elle connaît son histoire, celle du drag, des soulèvements de Stonewall à New York aux défilés de Pride devenus des rituels de résistance. Elle n’oublie rien. « Je suis admirative des militant.e.s qui s’exposent et qui portent des causes à bout de bras. Moi, j’ai choisi l’euphorie comme arme. Créer un espace de fête, c’est déjà une réponse politique. Mon drag est une bulle de joie pour tous ceux que le monde blesse ». Et ce refuge, il est vital.

Mpihary Razafindrabezandrina

Instagram : madame_dedamas

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Mada fait son cinéma

Il fut un temps — pas si lointain — où le cinéma malgache était timide, réduit à quelques projections confidentielles et à des moyens de fortune. Depuis un certain temps – ironie du sort ou simple justice poétique – ce sont nos films qui s’invitent sur les écrans du monde et des festivals sur les cinq continents. Felana Rajaonarivelo, Kuro Mi qui ont été récemment primés dans des festivals internationaux. Avec cette nouvelle génération de cinéaste, Madagascar rafle les prix et, surtout, les regards.
Il fut une époque où parler de « cinéma malgache » provoquait un sourire poli, celui qu’on réserve aux rêves un peu fous. D’autres se moquaient ouvertement de ces productions de niveau abécédaire. Désormais, ces points de vue moqueurs s’effacent pour laisser place à l’admiration. Les images sont plus nettes, les scénarios plus affûtés, les voix plus assurées. On sent cette montée en gamme, cette fierté tranquille d’un art qui prend enfin confiance en lui. Et c’est beau à voir — comme une pellicule qu’on aurait enfin sortie du grenier pour la projeter au grand jour.
Certes, des défis restent à relever, notamment en matière d’infrastructures, de financements, de formation… mais le vent tourne. Et ce vent-là sent la créativité, la sueur, et un peu de ce grain de folie propre à nos conteurs. La Grande-île ne veut plus être simple figurant dans l’histoire du septième art. Madagascar s’installe, doucement mais sûrement, dans le rôle principal. Au fond, ce renouveau n’est pas qu’un phénomène culturel. C’est une déclaration : ici aussi, on sait raconter. Et mieux encore, le faire rêver.

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