Créée il y a plus de trente ans par une femme qui avait vu sa propre mère sombrer dans l’oubli, l’association Madagascar Alzheimer Masoandro Mody lutte chaque jour pour redonner dignité et chaleur humaine aux personnes atteintes. À l’occasion de la Journée mondiale de l’Alzheimer, le 21 septembre, retour sur une structure discrète mais essentielle, qui milite aussi pour la mise en place d’un plan national.
En 1993, alors que la maladie d’Alzheimer reste un sujet tabou à Madagascar, une femme décide de créer l’association Madagascar Alzheimer Masoandro Mody. Sa mère est atteinte de ce mal mystérieux, qui dérobe les souvenirs et finit par défaire les gestes les plus simples. Son combat intime se transforme alors en cause collective : soutenir les familles, sensibiliser la société et offrir un espace de vie aux malades. Trois décennies plus tard, l’association est toujours là.
Elle accueille aujourd’hui une quarantaine de patients dans son centre, un lieu où la mémoire flanche mais où la dignité persiste. « Quand on parle de la maladie d’Alzheimer, il n’y a pas que le patient qui souffre, mais sa famille et son entourage aussi », insiste Rason-Andriamaro Muriel, vice-présidente chargée de la communication.
Identifiée il y a un siècle par le neurologue allemand Aloïs Alzheimer, cette affection neurodégénérative touche surtout les personnes âgées. Elle détruit progressivement les cellules du cerveau, entraînant perte de mémoire, désorientation et troubles du comportement. Aux stades avancés, les malades oublient même les gestes réflexes : manger, marcher, respirer correctement. « On ne peut pas laisser seules les personnes ayant la maladie d’Alzheimer, il faut en permanence qu’il y ait une assistance, parce que le pire peut survenir à tout moment », explique la vice-présidente. Les familles se retrouvent épuisées, partagées entre le soin à domicile et la nécessité de travailler pour vivre. L’impact économique et psychologique est immense.
C’est précisément pour alléger ce fardeau que l’association propose un accueil de jour. Les malades arrivent le matin, participent à des activités stimulantes, déjeunent sur place, et repartent en fin d’après-midi. « Un des facteurs qui aggravent la progression de la maladie, c’est de ne plus se sentir utile. Ici, nous leur demandons de partager ce qu’ils savent faire. Ça redonne du sens, ça ralentit l’oubli », confie Rason-Andriamaro Muriel. Les activités sont simples mais vitales : jardinage, travaux manuels, chants, exercices physiques adaptés.
L’objectif est de maintenir le lien social, retarder la dépendance totale et, surtout, libérer quelques heures aux proches aidants. Chaque mois, l’association organise aussi des groupes de parole pour les familles, ainsi que des formations pour les auxiliaires de vie.
L’accueil de jour coûte entre 12.000 et 17.500 ariary, repas et activités compris. Un prix raisonnable, mais qui ne prend pas en compte les frais de transport. « Les patients ne peuvent pas prendre les bus, la foule les angoisse et le regard des autres est souvent lourd. Les familles doivent donc payer un taxi ou trouver un véhicule, et la facture grimpe vite », explique lavice-présidente. L’association fonctionne grâce à un fragile équilibre : 10 % de cotisations de ses membres, 35 % de dons, 20 % d’activités propres comme le crowdfunding, et 5 % de location de matériel médical. Les ressources tirées de l’accueil de jour ne couvrent que 30 % de son budget. « Notre objectif est que le séjour devienne gratuit pour les familles. Mais pour ça, il nous faut encore trouver des financements stables », martèle la vice-présidente.
Parmi ses chantiers, Masoandro Mody prévoit la construction d’un centre de ressourcement à Ankadiefajoro, sur un terrain qui lui appartient déjà. L’idée est d’offrir non seulement un lieu de soins, mais aussi un espace où les aidants pourraient souffler, se former, échanger. L’association insiste également sur l’importance de la sensibilisation. Chaque 21 septembre, elle multiplie les événements publics pour briser le silence autour de la maladie. Cette année encore, communication par voie de presse, conférences et rencontres intergénérationnelles ont rythmé la Semaine mondiale de l’Alzheimer à Antananarivo.
Au-delà des familles et des associations, la maladie d’Alzheimer est un enjeu de société. À Madagascar, où plus de la moitié des patients viennent de foyers à faibles revenus, le soutien public est crucial. « Nous plaidons pour la mise en place d’un plan national sur l’Alzheimer et les troubles apparentés. Sans une politique structurée, les malades et leurs proches continueront de souffrir dans l’ombre », affirme Rason-Andriamaro Muriel. Un appel qui ne doit pas être tombé dans l’oubli.
Solofo Ranaivo