Ianne Karisy : Voix sous les tropiques
3 novembre 2025 // Musique // 4833 vues // Nc : 190

On l’a vu récemment sur scène dans la capitale. La soprano Ianne Karisy incarne la passion de l’opéra, un art rare sous les tropiques. Formée à Madagascar, portée par la rigueur et l’émotion, elle rêve d’un jour chanter un rôle du début à la fin — et de rendre cet art universel accessible à tous.

©photo : Fenosoa Fanomezana

Au mois de septembre, à l’Institut Français de Madagascar, elle interprète Puccini, Massenet, Gershwin, Monteverdi et bien d’autres encore. Le public du Concert Classique du Midi – Madagascar Mozarteum – lui a accordé une standing ovation à la fin de sa prestation. Formée au Centre d’éducation musicale Laka auprès de Holy Razafindrazaka, ancienne du Conservatoire de Paris, elle découvre l’opéra après un parcours de choriste à la FJKM Amboninampamarinana. « La formation est essentielle, dit-elle. Il faut comprendre la technique, le souffle, la langue et l’histoire de chaque œuvre », soutient la soprano. Elle a depuis incarné Frasquita dans Carmen et Diane dans Les Aventures du Roi Pausole, mais son rêve est de jouer un opéra complet. « J’aimerais interpréter un rôle du début à la fin, comme Manon dans Manon de Massenet ou Mimì dans La Bohème de Puccini », confie-t-elle. Faute de structures adaptées, elle ne peut encore aborder ces œuvres dans leur intégralité.

Pourtant, rien n’est plus familier que les émotions qu’elle chante. « Dans la musique classique, chaque suite de notes correspond à une émotion. Même sans comprendre la langue, on peut ressentir la mélodie, le visage, la mise en scène. L’émotion est universelle : c’est cela qui me touche », déclare la cantatrice. Amour impossible, jalousie, mort, renoncement : autant de thèmes qui, pour Ianne Karisy, parlent à tous les publics.

Malheureusement, produire un opéra à Madagascar relève du défi. « Ici, il n’y a pas de conservatoire, pas de maison d’opéra, ni de salle adaptée à l’acoustique », déplore la cantatrice. Les chanteurs répètent après le travail et financent tout eux-mêmes : location de salle, musiciens, costumes, chorégraphes, transports de ces professionnels. « Un billet à 100 000 ariary – qui compenserait le tout – est hors de budget pour la plupart des Malgaches », regrette-t-elle. À signaler que ces difficultés rejoignent une tendance mondiale. L’Unesco note que la plupart des politiques culturelles africaines privilégient les musiques populaires et les arts traditionnels. Et même en Europe, où cet art est né, seuls 3 à 5 % des adultes assistent à un opéra ; plus de 70 % du public a plus de 55 ans et 90 % sont diplômés de l’université. L’élitisme n’est donc pas esthétique, mais structurel, né des inégalités d’accès. Pour Ianne Karisy, l’avenir passe par la pédagogie et la vulgarisation. « Il faut proposer des concerts gratuits, diffuser sur les réseaux sociaux ou à la radio », clame-t-elle. Sa voix, aujourd’hui accompagnée par celle de son mari, pianiste et coach vocal, défend encore « la valeur humaine et émotionnelle, la valeur artistique, éducative et culturelle » de l’opéra. Un art qu’elle rêve de rendre au public.

Mpihary Razafindrabezandrina

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Décembre arrive et, comme chaque année, Madagascar se réveille culturellement.
Soudainement, les salles de spectacle se remplissent, les artistes sortent du bois, les concerts s’enchaînent. C’est la saison des festivités de Noël mêlant sacré et profane, et des expositions de dernière minute. Bref, tout le monde s’active comme si l’année culturelle se jouait en un seul mois. Et franchement, il y a de quoi se poser des questions. On ne va pas se mentir : les artistes malgaches ne sont pas là uniquement pour nous divertir entre deux repas de fête. Ils bossent, ils créent, et à leur niveau, ils font tourner l’économie. Le secteur culturel et créatif représentait environ dix pour cent du PIB national et ferait vivre plus de deux millions de personnes. Pas mal pour un domaine qu’on considère encore trop souvent comme un simple passe-temps sympathique, non ?
Alors oui, ce bouillonnement de décembre fait plaisir. On apprécie ces moments où la création explose, où les talents se révèlent, où la culture devient enfin visible. Mais justement, pourquoi faut-il attendre décembre pour que cela se produise ? Pourquoi cette concentration frénétique sur quelques semaines, alors que les artistes travaillent toute l’année ? Des mouvements sont actuellement en gestation pour revendiquer leur statut d’acteurs économiques essentiels et pour que l’on accorde à nos créateurs une place réelle dans la machine économique du pays. La culture malgache vaut bien mieux qu’un feu d’artifice annuel. Elle mérite qu’on lui accorde l’attention qu’elle réclame douze mois sur douze.

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