Deux cœurs dans mon corps, un premier roman mitigé
26 juillet 2025 // Littérature // 4222 vues // Nc : 186

Deux cœurs dans mon corps de la poétesse Na Hassi vient de paraître aux éditions Project’île qui semble de plus en plus intéressées par la littérature Malgache en publiant en une année deux autrices originaires de la Grande Île, à savoir Na Hassi elle-même et Raozy Pellerin. Quant au roman de Na Hassi, la réussite de l’ouvrage est mitigée malgré ses qualités certaines

UN OUVRAGE AU SUJET SENSIBLE

En effet, Na Hassi y traite d’un sujet sensible devenu en l’espace d’une année ou deux le sujet le plus traité de la littérature malgache, le viol et l’inceste. Mais ce n’est pas que ça. Car on va au-delà, juste après quand l’enfant naît. Enfant, issu de la violence et du tabou. Enfant qui est le personnage principal, Marao.

Élevée par sa grand-mère, Marao va devenir jeune femme sous le poids d’un passé lourd et corrosif. À la mort de son aïeule, de son pilier, elle quitte la maison de son enfance et fait son deuil, plume à la main, tentant par la même occasion de solder ses comptes avec ses plaies, pour s’essayer à la guérison.

«Je m’adresse à mon ombre. J’ai enfin trouvé la force et le courage de parler de mon histoire, de mes tourments, de mes délires et de mes dérives. Le monologue n’a pas sa place dans un être situé en entre-deux. Un jour, le silence empor tera le corps et les pensées, et plus rien n’aura de sens.

Je ne veux pas attendre mes dernières heures pour parler. Entre mes crises d’asthme s’échappe le venin. Enfin. Ce poison m’a contaminée jusqu’à la moelle, jusqu’à ne plus pouvoir me tenir debout sans douleur. Il est temps de guérir, du moins de marcher vers la guérison, peu importe le temps qu’elle prendra.»

Et cette guérison vient peut-être mais seulement au bout d’un chemin où Marao se déclare «juste épuisée. Déjà fatiguée de tous ces espoirs à remplir, de toutes ces années à vivre et de ce présumé sens à donner à la vie». Et à la fin pourtant, l’espoir est bien là. Il est cette volonté, cette force, cette force de la volonté qui veut aller plus loin. Une poésie sans fin. Sans fond qui porte sur un chemin qui n’a de limite que soi-même.

«Assure-toi
De bien guérir
La toute première
Blessure
Pour que les suivantes
Ne deviennent
Une infection[…]»

UN ROMAN BIEN ÉCRIT MAIS INCERTAIN

En somme ce roman est agréablement écrit. Léger. Avec des touches de ponctuations bousculées. Des phrases tronquées. Qui épousent l’état d’urgence du personnage, sa déréliction, ses blessures. Des choix qui auraient pu être assumés jusqu’au bout, mais ce n’est pas le cas.

Par ailleurs, la structure peu commune pour un roman pose des questions quant à la cohérence. Y-a-t-il dans ce roman une histoire? Est-ce juste une confession? Et en cela est-ce un roman car même une confession doit aller quelque part pour se faire œuvre, sinon elle n’est qu’une plainte parmi les autres plaintes.

On aurait pu arguer d’une contemporanéité exigeante pour justifier cette incohérence car au final elle aurait pu être élevée en une véritable prise de position esthétique, toutefois, la narration, l’espace et le temps restent cohérents et logique.

Aucune audace stylistique et:ou structurelle réelle ne transparaît entièrement, l’écrivaine hésite. La confession ne reste qu’une confession. Et dans cette confession qu’est ce qui est confessé? Le viol, l’inceste, la mort? Tout cela en même temps? Le tout balance entre le délire et une histoire qui veut se raconter dans un ensemble confus. Des éléments comme le début du roman avec cette apparition du double du personnage principal, la scène sur la voie ferrée, vont ressortir comme des éléments enjoliveurs sans harmonie et qui n’apporte pas grand chose à l’ensemble.

En définitif, il s’agit d’un premier roman intéressant. Je vous invite à le lire, même si au fond on sent l’écrivaine tâtonner encore, on sent qu’elle ne mène pas son intention jusqu’au bout, sa plume vacille par moment. Ce qui est compréhensible pour un premier roman.

Les critiques d'Elie Ramanankavana

Poète / Curateur d'Art / Critique d'art et de littérature / Journaliste.

Laisser un commentaire
no comment
no comment - Exposition : L’économie a bonne mémoire

Lire

10 octobre 2025

Exposition : L’économie a bonne mémoire

De l’époque des royaumes à l’ère républicaine, Madagascar raconte son parcours économique à travers une exposition inédite. Organisée par FTHM Consult...

Edito
no comment - La fierté en prolongations

Lire le magazine

La fierté en prolongations

Il y a des moments où Madagascar oublie ses 23 régions et vibre à l'unisson. C’était le cas lors de la dernière édition du Championnat d'Afrique des Nations l'a bien montré. Les Barea, match après match et en devenant vice-champions d'Afrique, ont fait que bien des Malgaches se sont découverts fans du ballon-rond. Chaque coin de rue, chaque taxi-be, chaque salon étaient transformé en fans-zone. Chaque passe et chaque drible était commenté comme si l'avenir du pays en dépendait. Et peut-être que c'était le cas. C’est fou le foot ! Rendez-vous à la Coupe du monde ?Mais ces moments de joie et de fierté collectives ne sont pas qu’au stade. Ca serait réducteur de penser ainsi. Le rapatriement du crâne du roi Toera a réveillé un sentiment patriotique forts dans le cœur de millions de Malgaches. L’événement national a fait ressurgir un passé qu'on pensait enfoui dans les livres. Des Sakalava aux habitants des Hauts Plateaux, tous ont exprimé leur fierté. Nous avons des aïeux braves !Et puis, il y a ces jeunes qu'on oublie souvent, mais que No Comment essaie de mettre en avant. Ils brillent même souvent loin des projecteurs. Grâce à leurs exploits – en raflant médailles et coupes dans des tournois continentaux et mondiaux de robotique et intelligences artificielles – Madagascar est davantage connu du monde. On en parle moins, alors que leur succès est aussi intense qu'un but à la dernière minute.Force est de dire que ce qui nous rassemble, ce sont ces vibrations partagées. Ces événements mettent entre parenthèses notre quotidien et font vibrer notre cœur de Malgache. Un but, un crâne de roi, une invention IT... Peu importe, tant que ça prouve qu'ensemble, Madagascar peut faire bouger les choses.

No comment Tv

Making of shooting mode – OCTOBRE 2025 – NC 189

Retrouvez le making of shooting mode du 𝗻𝗼 𝗰𝗼𝗺𝗺𝗲𝗻𝘁® magazine, édition octobre 2025 - NC 189. 
Prise de vue : Golden Cheerz 
Collaborations : Tanossi  – Via Milano mg  – HAYA Madagascar  - Akomba Garment MG - Carambole 
Make up : Réalisé par Samchia
Modèles : Rantoniaina, Wendy, Christelle, Manoa, Rina, Mitia, Santien, Mampionona
Photos : Andriamparany Ranaivozanany

Focus

MOOR1NG

MOOR1NG au Palais des Sports Mahamasina

no comment - MOOR1NG

Voir