Âme Sœur (suite & fin)
21 mars 2025 // Mistery // 4069 vues // Nc : 182

Son but était d’en finir avec la vie de mes parents, tant sa colère était grande et son cœur consumé par la tristesse. J’étais contraint de trouver un moyen de l’apaiser, que je le veuille ou non. Même si je l’aime profondément, ce qu’elle s’apprêtait à faire dépassait toutes les limites. J’ai donc pris la décision de la rapprocher d’un féticheur (Ombiasy) originaire de son village. En parallèle, j’ai averti ses parents de la situation.

Dès notre rencontre, son père, fou de rage, voulait en découdre, prêt à laisser parler ses poings. Mais dès que je lui ai révélé que je voyais leur fille en permanence, il s’est aussitôt figé, comme foudroyé par mes paroles. Son agressivité a cédé la place à une écoute attentive. Alors, sans rien omettre, je leur ai tout raconté, depuis la première fois où elle s’était manifestée à moi jusqu’à ce jour fatidique. Après un silence pesant, son père a finalement soufflé, d’une voix tremblante :
— Non, ce n’est pas juste… Moi aussi, je dois voir ma fille.
Ainsi, nous avons entrepris le voyage vers Antananarivo, accompagnés du féticheur. À mon retour, mes parents ont été frappés de stupeur en me voyant franchir le seuil de notre maison avec ces deux hommes d’âge mûr à mes côtés.
Vint alors le temps des explications. Il leur fallait comprendre qu’un rituel était nécessaire pour permettre à Hasiniala de trouver enfin le repos.

— Mais pour que tout se déroule comme il se doit, vous, les parents des deux côtés, devez lui demander pardon, car sa colère n’a pas encore trouvé d’apaisement.
À la nuit tombée, nous avons entamé les préparatifs. Un poids indescriptible pesait sur mon cœur, car je savais qu’après cette nuit, je la perdrais une seconde fois.
Le féticheur a alors invoqué son esprit. Soudain, un vent violent s’est engouffré dans toute la maison, soulevant la poussière, faisant grincer le bois et claquer les fenêtres. Puis, elle est apparue. Hasiniala, portant notre enfant, son regard chargé de tristesse et de rancune. Elle savait déjà ce que nous nous apprêtions à faire. Seuls le féticheur et moi pouvions la voir ; les autres n’avaient que le silence et le fracas du vent pour témoins.
Dès que la maison s’est mise à trembler sous la force des bourrasques, son père s’est laissé tomber à genoux, les sanglots déchirant sa voix. Il n’était plus cet homme fier et inflexible ; il n’avait plus rien à voir avec celui qui, quelques heures plus tôt, me rouait de coups. Mes parents, à leur tour, ont fléchi sous le poids du remords.
— Accepte notre pardon, ma fille, implora le féticheur. Il est temps pour toi de partir, de trouver enfin la paix.
Hasiniala tourna alors ses yeux vers moi. Une infinie tendresse s’y reflétait. Puis, après un silence chargé d’émotions, elle prononça ces derniers mots :
— Adieu, mon bien-aimé.
D’un pas lent et mesuré, elle se détourna et s’éloigna.
Mais après quelques mètres, elle s’arrêta, jeta un dernier regard vers son père, puis vers mes parents. Son expression changea, et dans un souffle presque imperceptible, elle murmura :
— Je vous pardonne.
Puis elle s’effaça. Ma seule et tendre ne se retourna plus. Elle disparut à jamais.
J’étais en larmes, submergé par une peine indicible, mais je me suis efforcé de tenir bon. J’ai poursuivi ma route. Quelques mois plus tard, je suis parti à l’étranger pour poursuivre mes études. J’y suis encore et, à vrai dire, je n’éprouve aucune envie de retourner sur ma terre natale.
Je n’ai ni femme ni enfants, car pour moi, elle et notre enfant resteront à jamais ma famille. Je n’ai besoin de personne d’autre.
Voilà mon histoire. Elle s’achève ainsi, tout comme ma vie.

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Il fut un temps — pas si lointain — où le cinéma malgache était timide, réduit à quelques projections confidentielles et à des moyens de fortune. Depuis un certain temps – ironie du sort ou simple justice poétique – ce sont nos films qui s’invitent sur les écrans du monde et des festivals sur les cinq continents. Felana Rajaonarivelo, Kuro Mi qui ont été récemment primés dans des festivals internationaux. Avec cette nouvelle génération de cinéaste, Madagascar rafle les prix et, surtout, les regards.
Il fut une époque où parler de « cinéma malgache » provoquait un sourire poli, celui qu’on réserve aux rêves un peu fous. D’autres se moquaient ouvertement de ces productions de niveau abécédaire. Désormais, ces points de vue moqueurs s’effacent pour laisser place à l’admiration. Les images sont plus nettes, les scénarios plus affûtés, les voix plus assurées. On sent cette montée en gamme, cette fierté tranquille d’un art qui prend enfin confiance en lui. Et c’est beau à voir — comme une pellicule qu’on aurait enfin sortie du grenier pour la projeter au grand jour.
Certes, des défis restent à relever, notamment en matière d’infrastructures, de financements, de formation… mais le vent tourne. Et ce vent-là sent la créativité, la sueur, et un peu de ce grain de folie propre à nos conteurs. La Grande-île ne veut plus être simple figurant dans l’histoire du septième art. Madagascar s’installe, doucement mais sûrement, dans le rôle principal. Au fond, ce renouveau n’est pas qu’un phénomène culturel. C’est une déclaration : ici aussi, on sait raconter. Et mieux encore, le faire rêver.

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