Akim Abdoul : Sans effets spéciaux
20 novembre 2025 // Success Story // 63 vues // Nc : 190

Il y a des vies qui valent un film. Celle d’Akim Abdoul, ancien gamin délinquant des rues devenu responsable de restaurant, a tout d’un scénario de rédemption — mais sans effets spéciaux. Son parcours est juste celui d’un homme qui a refusé de rester là où la vie l’avait jeté. De la rage au courage ?

Il nous vient de loin. De très loin. Ce sont les premiers mots que prononce son patron quand on évoque Akim Abdoul, aujourd’hui responsable de magasin du restaurant Bogota à Isoraka. De loin, non pas en kilomètres, mais en cicatrices. De la rue, de la colère, de la honte — et d’un passé qu’il traîne encore parfois dans ses silences. En effet, Mickael Randriamanantena, de son vrai nom, n’est pas né sous une bonne étoile.

Un père alcoolique, une mère contrainte d’exercer un métier dont elle-même n’est pas fière pour nourrir ses deux enfants, des repas qui se font rares et une enfance qui ressemble à une longue fuite. « Mon histoire est loin d’être rose, mais elle m’a forgé », dit-il doucement, la voix à peine audible. Quand sa mère est incarcérée pour une histoire de recel, il passe de maison en maison, trimballé chez des parents lassés. À 13 ans, il quitte l’école. La rue devient sa salle de classe, la débrouille son seul manuel.

Très vite, Mickael verse dans la délinquance. « J’étais membre d’un gang. On faisait du vol à l’arraché. J’étais plutôt bon en la matière », avoue-t-il sans fierté. Chaque matin, il s’habillait bien, chemise repassée, air appliqué. À ceux qui demandaient, il répondait qu’il travaillait dans un restaurant en ville. Le soir, il rentrait tard, les poches pleines et le cœur vide. Jusqu’au jour où l’un de ses amis tombe sous les balles de la police, un autre finit derrière les barreaux. « Je me suis dit que si je continuais, je finirais mort ou en prison », raconte-t-il. Alors, il disparaît.

Change de quartier, change de fréquentations. Change même de nom, quand il se convertit à l’islam : Akim Abdoul. Mais le passé, lui, reste collé à la peau. « J’étais dur, impulsif. Pour moi, le seul moyen de régler un conflit, c’était de frapper », confie-t-il.

Ses débuts chez Bogota n’ont pas été simples. « Il faisait peur à tout le monde », se souvient un collègue. Même son patron admet que le nouveau recruté qu’était Akim avait le regard de quelqu’un qui en avait trop vu. « Mais il y avait quelque chose — je ne savais pas quoi — qui m’a donné envie de lui laisser sa chance », reconnaît l’employeur. Et ce geste a tout changé. Entré comme simple commercial – celui qui prend les commandes et livre les pizzas – Akim gravit peu à peu les échelons. Aujourd’hui, il dirige l’un des restaurants les plus fréquentés de la chaîne. Entre deux services, il suit des formations, apprend la gestion, la restauration, la discipline. « J’ai compris qu’on pouvait construire autrement que par la force », dit-il. Son rêve est d’ouvrir un jour son propre restaurant, ou peut-être une franchise Bogota. Il imagine déjà sa chaîne de valeur. « Produire moi-même ce que je servirai, cultiver la terre avant de nourrir les autres », lance-t-il, en véritable entrepreneur. « Je ne veux plus jamais revivre ce que j’ai vécu, ni que mes enfants passent par là », affirme-t-il. Quant à sa mère, qu’il appelle chaque soir, il promet qu’elle connaîtra enfin la paix. L’ancien gamin des rues a trouvé sa voie, non plus dans la fuite, mais dans la persévérance. Et dans la cuisine, il a trouvé ce qu’il avait toujours cherché : une raison d’exister, et un endroit où, enfin, rester.

Solofo Ranaivo

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Il fut un temps — pas si lointain — où le cinéma malgache était timide, réduit à quelques projections confidentielles et à des moyens de fortune. Depuis un certain temps – ironie du sort ou simple justice poétique – ce sont nos films qui s’invitent sur les écrans du monde et des festivals sur les cinq continents. Felana Rajaonarivelo, Kuro Mi qui ont été récemment primés dans des festivals internationaux. Avec cette nouvelle génération de cinéaste, Madagascar rafle les prix et, surtout, les regards.
Il fut une époque où parler de « cinéma malgache » provoquait un sourire poli, celui qu’on réserve aux rêves un peu fous. D’autres se moquaient ouvertement de ces productions de niveau abécédaire. Désormais, ces points de vue moqueurs s’effacent pour laisser place à l’admiration. Les images sont plus nettes, les scénarios plus affûtés, les voix plus assurées. On sent cette montée en gamme, cette fierté tranquille d’un art qui prend enfin confiance en lui. Et c’est beau à voir — comme une pellicule qu’on aurait enfin sortie du grenier pour la projeter au grand jour.
Certes, des défis restent à relever, notamment en matière d’infrastructures, de financements, de formation… mais le vent tourne. Et ce vent-là sent la créativité, la sueur, et un peu de ce grain de folie propre à nos conteurs. La Grande-île ne veut plus être simple figurant dans l’histoire du septième art. Madagascar s’installe, doucement mais sûrement, dans le rôle principal. Au fond, ce renouveau n’est pas qu’un phénomène culturel. C’est une déclaration : ici aussi, on sait raconter. Et mieux encore, le faire rêver.

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