Tsiriniaina Hajatiana Irimboangy « Le lamba, témoin de l’histoire »
12 juillet 2022 // Mode & Design // 5583 vues // Nc : 150

Lauréat de la bourse Yavarousshen, le designeur chercheur et créateur d’images a passé plusieurs mois à Madagascar pour ses recherches sur le lamba « vêtement traditionnel symbolique et vêtement manufacturier industriel ». Thème qui a fait l’objet d’une exposition à la Recyclerie à Paris, en avril dernier.

Comment est né le projet ?
Tout est parti d’un projet que je devais réaliser pour mon diplôme à l’École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers des arts (Ensamaa) de Paris. Au départ, je ne pensais pas faire un projet sur Madagascar. Je voulais travailler sur le geste, ensuite sur le geste artisanal, ce qui m’a amené à l’artisanat malgache. Comme c’était encore trop vaste, j’ai décidé de travailler sur le textile. Je me suis rappelé mes souvenirs d’enfance où je voyais ma grand-mère et son lamba. Je n’aurais jamais pensé que derrière ce tissu que je considérais comme une simple couverture, il y avait des ramifications profondes. C’est un médium intéressant qui permet de parler du patrimoine malgache, et surtout de le préserver et de le transmettre.

Un territoire quasiment vierge…
Même si c’est un projet scolaire, il fallait qu’il ait une application réelle. Je me suis dit que ma cible

pourrait être les jeunes de la diaspora ou les gens sensibles à la culture. Il fallait également trouver un lieu qui pourrait être le commanditaire de ce projet ; j’ai pensé au Quai Branly ou d’autres institutions. Pour les travaux de recherches, j’ai contacté des artistes, des chercheurs, des artisans… Et là, je me suis rendu compte qu’il y avait très peu d’ouvrages sur le textile malgache. J’en ai trouvé deux ou trois écrits par des chercheurs anglophones ou canadiens, mais quasiment rien du côté des chercheurs malgaches.

Mais les recherches ont porté ses fruits ?
Dans un premier temps, j’ai fait un état des lieux du lamba, sur tout ce qu’on en avait dit. Ensuite, pour la partie production, j’ai collaboré avec Chloé Bourhis qui étudie le design de mode et le textile, pour tout ce qui touche à la pratique et à la matérialité. J’ai aussi travaillé sur une partie numérique avec la 3D, la photo et la vidéo. Mon objectif était de comprendre les motifs sur les lamba, par exemple, le lamba ankotifahana du début du XIXème siècle. Au début, je voulais travailler sur les formes, mais mes professeurs m’ont poussé à chercher les significations. J’ai donc commencé un travail d’anthropologue en contactant des artisans. J’ai répertorié des familles de motifs en fonction des formes répétitives comme les ronds ou les triangles. Je les ai redessinés de façon plus complexe, mais ce sont uniquement des interprétations pour pouvoir travailler. Je voudrais collaborer avec des historiens pour connaître la signification des symboles.

Pourquoi cet intérêt particulier pour le « lambahoany » ?
Quand on parle de lamba, les gens ont directement le lambahoany comme référence. Je ne voulais pas travailler dessus, mais je me suis rendu compte que c’est un outil de communication très codé : un support intéressant pour un graphiste ! Je me suis ressaisi du code du lambahoany en reprenant les motifs un peu trop kitsch à mon goût pour les réinterpréter, comme l’image centrale qui est devenue une photo de ma grand-mère !  J’ai également demandé à des gens en France de me prêter leur lamba que j’ai fait porter par des amis. J’ai fait un scan en 3D avec différentes postures pour avoir différents points de vue du lamba. Et en fond audio, les propriétaires racontent une anecdote autour de leur lamba.

Que vous apporte la bourse Yavarhoussen ?
Elle nous permettra de promouvoir l’histoire de l’art malgache. Notre problématique est de savoir comment on passe du vêtement traditionnel au vêtement manufacturé. Pendant notre séjour à Madagascar, nous allons rencontrer des artisans, aller dans les marchés et les friperies pour en savoir plus…


Propos recueillis par Aina Zo Raberanto

Ataovy fitia lamba sy akanjo, sady itafiana no kolokoloina
Lambahoany, 110 cm x 160 cm, Lambahoany, Installation exposition Lamba alohan'ny handehanana, Saint-Ouen, photographie par Sophie Andriamanoro.
Motifs amulettes
Découpe laser sur medium récupéré, Vue de l'exposition de diplôme "Lamba, tissu de reconnexion", ENSAAMA, Paris.
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Décembre arrive et, comme chaque année, Madagascar se réveille culturellement.
Soudainement, les salles de spectacle se remplissent, les artistes sortent du bois, les concerts s’enchaînent. C’est la saison des festivités de Noël mêlant sacré et profane, et des expositions de dernière minute. Bref, tout le monde s’active comme si l’année culturelle se jouait en un seul mois. Et franchement, il y a de quoi se poser des questions. On ne va pas se mentir : les artistes malgaches ne sont pas là uniquement pour nous divertir entre deux repas de fête. Ils bossent, ils créent, et à leur niveau, ils font tourner l’économie. Le secteur culturel et créatif représentait environ dix pour cent du PIB national et ferait vivre plus de deux millions de personnes. Pas mal pour un domaine qu’on considère encore trop souvent comme un simple passe-temps sympathique, non ?
Alors oui, ce bouillonnement de décembre fait plaisir. On apprécie ces moments où la création explose, où les talents se révèlent, où la culture devient enfin visible. Mais justement, pourquoi faut-il attendre décembre pour que cela se produise ? Pourquoi cette concentration frénétique sur quelques semaines, alors que les artistes travaillent toute l’année ? Des mouvements sont actuellement en gestation pour revendiquer leur statut d’acteurs économiques essentiels et pour que l’on accorde à nos créateurs une place réelle dans la machine économique du pays. La culture malgache vaut bien mieux qu’un feu d’artifice annuel. Elle mérite qu’on lui accorde l’attention qu’elle réclame douze mois sur douze.

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