Tite Nazarro : Intimement politique
9 août 2023 // Arts de la scène // 4749 vues // Nc : 163

Du haut de ses 20 ans, Tite Nazarro, de son nom hors-scène Razanadrakoto Tsiory Narovana, fait déjà partie de ceux qui écrivent l’histoire du slam à Madagascar : 54 mille abonnés sur sa page Facebook, une performance solo à son actif, et des expressions fétiches reprises par les autres slameurs et sa fanbase. Son secret ? Une démarche d’écriture unique en son genre qui concilie la vie publique avec les préoccupations les plus intimes. Au moment de sortir son premier album collaboratif de spoken word, elle revient sur son processus créatif.

Si Tite Nazarro peut se féliciter d’avoir trouvé sa signature seulement quatre ans après avoir intégré Madagaslam, c’est le résultat d’un parcours qui la tiraille dans deux sens opposés. En effet, elle a commencé par des textes intimistes, des secrets d’adolescents où elle continue à puiser son inspiration, même après avoir côtoyé des slameurs qui militent plutôt dans la vie publique, dans ce collectif. « La passion pour l’écriture a débuté au collège, à l’époque, c’était commun d’avoir un journal intime. Je m’orientais donc vers des thèmes autour de l’amour. Plus tard, en 2021, j’ai appris à écrire en malgache et c’est là que j’ai commencé à écrire sur la société malgache, c’était sur le Covid 19. La plupart des slameurs parlent soient de société soit d’amour uniquement, mais moi, j’assemble ces deux sujets, car ce sont deux mondes qui se complètent. » En voulant à tout prix rester fidèle à cette approche, elle a fini par utiliser les expressions génériques « tsy maninona » (ce n’est rien) et « eny » (oui) dans tous ses textes. Aujourd’hui, Tite Nazarro constate, non sans fierté, que ses expressions sont reprises par d’autres slameurs et vulgarisées auprès de son public. « ‘Tsy maninona’ et ‘eny’ sont des expressions malgaches qui existent déjà, mais à chaque fois que je performe un texte, ces mots reviennent constamment peu importe le sujet. ‘Tsy maninona’ pour confronter les deux aspects qui s’opposent dans le texte, et ‘eny’ pour affirmer un propos. » Dans un texte qui s’ouvre avec des vers sur l’inflation par exemple, sa plume bifurque vers l’impact de la hausse du coût de la vie au sein d’un foyer, les disputes au sein d’un couple, le divorce, les enfants qui s’échappent à travers des relations amoureuses toxiques, créant des nouveaux couples qui engendrent de nouvelles problématiques sociétales. Dans ses textes, le domaine politique se mêle de l’intime, l’intime bouscule le cercle public, et le cycle se referme sur lui-même.

Malgré ce côté engagé, Tite Nazarro insiste qu’elle n’est pas une activiste rigide. « Avant d’être un écrivain, je suis un être humain. » Et elle n’hésite pas à mettre en avant ses particularités, le pseudonyme « Tite », tiré de « petite » en est le meilleur exemple ; Tite Nazarro, c’est aussi 1 mètre 50 d’énergie à l’état pur, sans artifice quand il s’agit de déclamer ses textes. « Ce qui est bien avec le slam c’est qu’elle ne requiert pas beaucoup de préparations, pas besoin d’instrumentalistes ni d’accentuer l’apparence, il n’y a que moi, ma voix et mes gestes, a cappella. On s’exprime d’une façon différente du rap, de la poésie traditionnelle et de la musique. » Vu son dévouement aux règles qui fondent l’identité du slam, on se demande qu’est-ce que son album de spoken word va donner, sachant qu’elle y collabore avec des rappeurs. Pour l’instant, Tite Nazarro ne laisse rien échapper de ce projet en gestation, mais l’ambition de la jeune femme promet du lourd. « Dans le domaine du slam, je veux être quelqu’un qui marque mon existence. »

Propos recueillis par Mpihary Razafindrabezandrina
Tite Nazarro : +261 38 23 376 31

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Il fut un temps — pas si lointain — où le cinéma malgache était timide, réduit à quelques projections confidentielles et à des moyens de fortune. Depuis un certain temps – ironie du sort ou simple justice poétique – ce sont nos films qui s’invitent sur les écrans du monde et des festivals sur les cinq continents. Felana Rajaonarivelo, Kuro Mi qui ont été récemment primés dans des festivals internationaux. Avec cette nouvelle génération de cinéaste, Madagascar rafle les prix et, surtout, les regards.
Il fut une époque où parler de « cinéma malgache » provoquait un sourire poli, celui qu’on réserve aux rêves un peu fous. D’autres se moquaient ouvertement de ces productions de niveau abécédaire. Désormais, ces points de vue moqueurs s’effacent pour laisser place à l’admiration. Les images sont plus nettes, les scénarios plus affûtés, les voix plus assurées. On sent cette montée en gamme, cette fierté tranquille d’un art qui prend enfin confiance en lui. Et c’est beau à voir — comme une pellicule qu’on aurait enfin sortie du grenier pour la projeter au grand jour.
Certes, des défis restent à relever, notamment en matière d’infrastructures, de financements, de formation… mais le vent tourne. Et ce vent-là sent la créativité, la sueur, et un peu de ce grain de folie propre à nos conteurs. La Grande-île ne veut plus être simple figurant dans l’histoire du septième art. Madagascar s’installe, doucement mais sûrement, dans le rôle principal. Au fond, ce renouveau n’est pas qu’un phénomène culturel. C’est une déclaration : ici aussi, on sait raconter. Et mieux encore, le faire rêver.

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