Johary Constellation « A Madagascar, le design est réduit aux arts décoratifs »
1 juillet 2024 // Mode & Design // 5765 vues // Nc : 174

A Madagascar, le design reste encore trop souvent réduit aux arts décoratifs. Ce constat a conduit le designer multidisciplinaire Domi Sanji à créer Johary Constellation en 2018. Ce collectif de recherche action rassemble la réflexion et la création. Le collectif organise le premier et seul festival de design Tana Design Week, et travaille actuellement pour l’ouverture de Ary Raha, une école de design à Madagascar.

Dans le cadre d’un master en design et innovation à l’ISCAM, Domi Sanji a participé pour la première fois à une recherche en design avec d’autres écoles internationales. Il s’est alors rendu compte que la conception du design à Madagascar reste très influencée par la France, une conception qui est différente dans d’autres pays. « A Madagascar, on associe le design aux arts décoratifs, comme en France. Mais dans d’autres pays, comme en Italie, le design est dans le département architecture. » Suite à ce constat, il décide de mener des recherches dans le contexte malgache, en gardant en tête qu’on crée pour des humains, et à partir des usages de la société, d’où la présence d’une dimension anthropologique. Plus tard, d’autres profils viennent compléter le collectif.

« Notre équipe est constituée de gens issus de plusieurs disciplines, on est ouvert à des anthropologues, des géographes, des étudiants en technologie, en programmation informatique, des artistes qui font de la musique, parce que c’est cette multidisciplinarité qui fait la richesse du design et qui fait aussi la richesse de Johary Constellation. Dans le collectif, nous sommes huit membres permanents, mais on invite des jeunes qui s’intéressent au design dans nos travaux, qui participe à chaque projet. Au fur et à mesure de notre approfondissement, on s’est dit que le design ne devait plus être centré sur l’Homme, le design était toujours anthropocentré, et maintenant on pense que le design devrait être biocentré. C’est la biodiversité qui devrait être au centre de la création. »

D’ailleurs, ce design biocentré fera la spécificité de Ary Raha, l’école de design que le collectif est en train de créer, et qui appliquera cette conjugaison entre réflexion et création, si chère au designer. « La pédagogie est composée de sept éléments, parmi lesquels le développement de la culture sur l’Histoire de l’art, du design, des techniques. Puis il y a un autre volet très technique sur comment représenter ses idées, des cours de dessin, 3D, peinture. Au niveau licence, ce sera un tronc commun pour tout le monde, c’est au niveau master que chacun va choisir son orientation selon son projet de mémoire, et un doctorat qui sera de la recherche pure. Il y aura aussi un DTS pour les artisans, avec le ministère de l’enseignement technique ».

L’école vise donc à revitaliser le patrimoine culturel pour en faire un levier de développement, pour accompagner les artisans vers l’excellence, connecter la dimension pratique et la dimension théorique, pour réveiller et révéler le génie malgache. Pour l’instant, le collectif est en train de sensibiliser les professeurs à Madagascar sure l’importance du design. En même temps, Johary Constellation continue à sortir le design malgache des arts décoratifs, avec l’Institut Civic City, des jeunes ont créé des lambahoany qui interpellent la mainmise des savoirs médicinaux autochtones par les grandes industries pharmaceutiques. Parfaite manifestation du design multidisciplinaire que le collectif défend. « Le design est systémique, on intervient au niveau du système et on le questionne, montrer ses failles et développer des alternatives. Le design c’est créer un système qui peut être graphique, spatial, un système d’objets, mais un système qui conjugue la science et l’intellect, et le manuel. »

Exposition : Ecole du non-savoir au CNAM Paris en février 2024

Propos recueillis par Mpihary Razafindrabezandrina
Facebook et Instagram : Johary Constellation

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Décembre arrive et, comme chaque année, Madagascar se réveille culturellement.
Soudainement, les salles de spectacle se remplissent, les artistes sortent du bois, les concerts s’enchaînent. C’est la saison des festivités de Noël mêlant sacré et profane, et des expositions de dernière minute. Bref, tout le monde s’active comme si l’année culturelle se jouait en un seul mois. Et franchement, il y a de quoi se poser des questions. On ne va pas se mentir : les artistes malgaches ne sont pas là uniquement pour nous divertir entre deux repas de fête. Ils bossent, ils créent, et à leur niveau, ils font tourner l’économie. Le secteur culturel et créatif représentait environ dix pour cent du PIB national et ferait vivre plus de deux millions de personnes. Pas mal pour un domaine qu’on considère encore trop souvent comme un simple passe-temps sympathique, non ?
Alors oui, ce bouillonnement de décembre fait plaisir. On apprécie ces moments où la création explose, où les talents se révèlent, où la culture devient enfin visible. Mais justement, pourquoi faut-il attendre décembre pour que cela se produise ? Pourquoi cette concentration frénétique sur quelques semaines, alors que les artistes travaillent toute l’année ? Des mouvements sont actuellement en gestation pour revendiquer leur statut d’acteurs économiques essentiels et pour que l’on accorde à nos créateurs une place réelle dans la machine économique du pays. La culture malgache vaut bien mieux qu’un feu d’artifice annuel. Elle mérite qu’on lui accorde l’attention qu’elle réclame douze mois sur douze.

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Prise de vue : no comment® studio 
Collaborations : Tanossi – Via Milano mg – HAYA Madagascar - Akomba Garment MG 
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Modèles : Lana, Judicaël, Catuchia, Faravavy, Tojo, Mitia, Santien, Mampionona 
Photos : Andriamparany Ranaivozanany

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