« Nadety », ce morceau auquel Rolland Ratovoson n’a pas accordé beaucoup d’attention, l’a fait connaître partout à Madagascar. Aujourd’hui, le chanteur, connu sous son nom Lola, fête ses 25 ans de scène. Cent titres dont plusieurs tubes, toute une histoire derrière chacun d’eux : le chanteur revient sur son parcours.
Vingt-cinq ans de scènes… et plus ?
Né le 6 juillet 1970, j’ai commencé à faire de la musique à huit ans. Mon grand-père était artiste et mon père un grand amateur. Ce dernier m’a appris à jouer de la guitare pour m’amuser, mais je l’ai dépassé et il a continué à m’encourager : il m’emmenait dans des orchestres à Manakara, il m’a entièrement formé dans la musique. J’ai commencé à écrire à 20 ans. C’est ce qui fait un artiste, l’écriture. J’en étais donc devenu un. J’avais déjà pour modèle les grands noms comme Johary, Olombelo Ricky, Njakatiana, Rebika, Poopy, Bodo, Rambao, MR Razafy… J’aimais tous les genres, j’essayais de tous les écouter, d’autant que je suis devenu, vers 1995, en arrivant à Antananarivo, animateur d’événements. Et en 1997, je travaillais déjà avec les grands orchestres de la ville pour animer les mariages et les soirées. Avant d’arriver à Antananarivo, j’étais chanteur et musicien, et une fois ici, j’ai décidé d’apporter de la personnalisation : je suis devenu chanteur.
De Rebika à Lola…
En 1998, j’ai intégré le groupe Rebika. Les membres du groupe se retiraient peu à peu, je suis le dernier à l’avoir intégré. J’y étais en tant que Lead vocal pendant trois ans. Avant d’y être, j’ai déjà commencé ma carrière en tant que Lola, mais je n’avais pas encore l’expérience et la connaissance sur les stratégies de promotion. Je pensais que savoir chanter était suffisant. Avec Rebika, j’ai sorti certains de mes premiers morceaux qui ont été intégrés dans l’album : « Tiako loatra ianao », « Charmeny », ou encore « Tompo-tsafidy ». Plus tard, vu que je les ai écrites, les chansons me sont revenues. Les échanges dans le groupe m’ont permis de grandir en expériences. On se complétait parce que j’ai aidé le groupe à remonter après le départ de Ranix, Rampal et Tonton Pa. Puis, je suis parti. Peut-être que j’avais fini ma mission. Trois ans après mon départ, les membres sont revenus et c’est ce qui fait de Rebika ce qu’il est aujourd’hui, un groupe indestructible, de vraies légendes de la musique. De mon côté, j’ai continué mon chemin en travaillant sur ce que je voulais réellement faire : du batrelaky, du tsapiky, du slow… J’ai décidé de faire ce qui me plaisait dans ma carrière en solo.
Des chansons qui restent gravées…
Depuis mes débuts, je n’ai cessé d’évoluer côté écriture. J’ai commencé à écrire en 1993 les titres « Dada » et « Tompo-tsafidy » à Fianarantsoa, alors qu’ils ne sont sortis que dans le deuxième album. J’ai fait une vraie course à la création. Il y en a pour toutes les régions de Madagascar, mais on me connaît pour mes chansons slow, que j’apprécie particulièrement parce que j’y ai mis une bonne partie de moi-même. Il ne m’a pas été difficile de réaliser ce que le public recherche grâce à mon précédent métier d’animateur d’événements dans lequel j’ai tout fait : du funk, du blues, du rock, du jazz… Mes albums ont cet aspect-là : on y trouve un peu de tout. J’aime aussi le batrelaky, un genre musical malgache qui vient de nos ancêtres de Manakara et dont je suis très fier. Mais autant pour moi que pour les grands artistes — les légendes —, le secret pour marquer l’esprit du public est ce détachement de l’aspect commercial à la création : la vraie source d’inspiration est ce qu’il y a à l’intérieur de soi, le vécu, avec une bonne touche de mélodie !
Être un chanteur professionnel à Madagascar, quels ont été les défis ?
Comme c’est mon seul métier, je devais aussi voir le côté commercial. Aux environs de 2008, le pays a été inondé par une vague de musique tropicale, de genres assez chaleureux. J’étais tenté d’aller dans ce sens-là, car c’était ce que le public recherchait. Le combat a été et reste difficile. J’ai vu plusieurs générations arriver, de celles de Jean Aimé, Mima, à Tence Mena et Black Nadia. Il fallait s’adapter aux nouvelles tendances et rappeler au public que j’étais toujours là. C’est ça, être dans le show-business ! Nager dedans, c’était essayer de suivre la tendance du moment tout en imposant son style. Il y a aussi eu de grands moments d’ombre, surtout durant les crises politiques. Le show-business ne s’en est d’ailleurs pas encore remis : certains villages, habitués par les concerts gratuits d’événements politiques, ne recherchent plus que cela. Tout est devenu politisé. Dans ma carrière, j’ai également essayé — en 2014 — d’aller au niveau international. Malheureusement, il était trop tard : les maisons de disque recherchaient de jeunes artistes, c’est-à-dire que l’âge y a beaucoup joué. En tout cas, je n’aspire plus vraiment à cela, j’en ai déjà tellement fait. Maintenant, je me concentre uniquement sur ce que j’aime.
Un espoir dans la génération actuelle ?
Je suis assez strict concernant le texte, la mélodie et la manière de chanter. Ces trois critères, seuls les artistes les maitrisent, c’est-à-dire qu’un artiste doit avoir un peu de notions en musique. Le petit souci en ce moment, c’est cette perception de l’artiste USB — celui qui utilise de la musique faite en amont dans les spectacles. Il est vrai que ces jeunes ont leur faiblesse, mais il faut les soutenir parce que ce sont des artistes, ils créent et écrivent des textes inspirés de leur vécu, mais ils n’ont pas eu cette notion de la musique. Il y a énormément de nouveaux talents qui savent très bien chanter en ce moment, mais il ne faut pas se perdre dans la tendance. Ces trois points sont ceux qui ont fait de Lola ce qu’il est aujourd’hui, c’est ce qui fait que Lola soit resté gravé dans la mémoire des gens !
Propos recueillis par Rova Andriantsileferintsoa
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