Soja Ramiandrisoa Fulgence « Les albinos sont en danger de mort »
4 octobre 2022 // Assos // 3921 vues // Nc : 153

Depuis trois ans, les cas d’enlèvements et de meurtres d’enfants albinos ont augmenté à Madagascar, sur fond de superstition et d’obscurantisme. Pour Soja Ramiandrisoa Fulgence, le président d’Albinos Madagascar, il est urgent de mettre fin à ce scandale.

Les violences faites aux albinos ne concernent pas que l’Afrique continentale, toujours pointée dans ce dossier…
On sait que la prévalence de l’albinisme est plus importante chez les populations africaines.  Même si les attaques contre les albinos restent minoritaires à Madagascar, on assiste à la montée de ce phénomène. C’est pourquoi nous avons décidé, nous, les albinos, de créer notre association, avec le soutien d’Autisme Madagascar dont nous partageons le projet Mouvement pour la différence. L'albinisme est une maladie génétique qui se traduit par une hypopigmentation de la peau (peau claire), des poils, des cheveux et des yeux. S’attaquer à ceux qui en sont atteints est une atteinte aux droits de l’Homme. Nous sommes près de 300 membres dans tout Madagascar et nous voulons alerter les pouvoirs publics sur ce problème. Nous travaillons au recensement de cette population tout en développant des actions de sensibilisation en

collaboration avec l’UNICEF et le ministère de la Justice. Nous nous concentrerons sur quatre régions pilote qui comptent le plus d’albinos, comme l’Atsimo-Andrefana, l’Androy et l’Anosy.

Pour quelles raisons les albinos sont-ils plus particulièrement ciblés ?
Nous sommes victimes d’un vieux fond de croyances provenant apparemment d’Afrique continentale, comme de penser que nous avons des pouvoirs de guérison, la faculté de rendre les gens riches ou de faire gagner des voix aux politiciens. C’est ainsi que certains de nos organes sont utilisés à des fins de sorcellerie. Les enlèvements d’albinos ont d’abord commencé en Afrique de l’Est, notamment au Malawi et en Tanzanie. En Afrique, à la veille des élections, les cas de kidnapping augmentent sensiblement. Grâce au combat mené avec les Nations unies, ces cas ont considérablement diminué. Mais nous pensons que les criminels qui ne pouvaient plus commettre d’enlèvements sur le continent sont peut-être arrivés à Madagascar, par la région Atsimo-Andrefana où l’on compte de nombreux cas. C’est une hypothèse.

L’albinisme n’est pourtant qu’une maladie parfaitement connue ?
C’est une maladie génétique héréditaire rare, due à une absence de mélanine, un pigment qui se retrouve dans la peau, les cheveux, les poils, et au niveau de l’œil dans la rétine et l’iris. Nous sommes naturellement myopes et cela est incorrigible. Nous supportons aussi très mal le soleil en raison d’absence de protection contre les UV au niveau de la peau. En revanche, on a pu noter que la majorité des albinos ont une grande capacité intellectuelle et de mémorisation.

« Je subissais des brimades, on me croyait contagieux »

Comme cela se passe socialement pour un albinos ?
Nous sommes victimes de toute sortes de discriminations, notamment professionnelles. Pour ma part, à l’école primaire, les enfants me fuyaient. Je subissais tout un tas de brimades, car on me croyait contagieux. Durant les cours, je devais me lever parce que je ne voyais pas ce qui était écrit sur le tableau, et cela dérangeait la classe. À la fin, je ne voulais plus aller à l’école. Nous demandons au ministère de l’Éducation nationale d’informer tous les enfants sur cette maladie qui n’est évidemment pas contagieuse ni placée sous le signe d’une malédiction. Surtout, nous ne voulons pas être des assistés pour la société car nous sommes des personnes compétentes dans tous les domaines.

Pourtant les albinos peinent à trouver un travail ?
Selon une étude de l’association, 70 % des albinos sont diplômés, mais les entreprises privées sont réticentes à les recruter. Parmi nos membres, nous avons un médecin. Nous avons fait ce test : quand il met sa photo sur un CV, il ne reçoit aucun retour ; quand il ne met pas sa photo, il est appelé pour des entretiens mais dès que les gens le voient, il est rejeté.

Que faire dans l’immédiat ?
Les autorités doivent prendre leurs responsabilités. Il faut qu’elles enquêtent sur ces enlèvements d’albinos et appliquent les peines encourues pour leurs auteurs. Au Malawi, tout un travail d’éducation a été fait et aujourd’hui il existe des députés et des chefs d’entreprise albinos. Il faut valoriser les personnes en fonction de leurs compétences et non du physique.


Propos recueillis par Aina Zo Raberanto

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Il fut un temps — pas si lointain — où le cinéma malgache était timide, réduit à quelques projections confidentielles et à des moyens de fortune. Depuis un certain temps – ironie du sort ou simple justice poétique – ce sont nos films qui s’invitent sur les écrans du monde et des festivals sur les cinq continents. Felana Rajaonarivelo, Kuro Mi qui ont été récemment primés dans des festivals internationaux. Avec cette nouvelle génération de cinéaste, Madagascar rafle les prix et, surtout, les regards.
Il fut une époque où parler de « cinéma malgache » provoquait un sourire poli, celui qu’on réserve aux rêves un peu fous. D’autres se moquaient ouvertement de ces productions de niveau abécédaire. Désormais, ces points de vue moqueurs s’effacent pour laisser place à l’admiration. Les images sont plus nettes, les scénarios plus affûtés, les voix plus assurées. On sent cette montée en gamme, cette fierté tranquille d’un art qui prend enfin confiance en lui. Et c’est beau à voir — comme une pellicule qu’on aurait enfin sortie du grenier pour la projeter au grand jour.
Certes, des défis restent à relever, notamment en matière d’infrastructures, de financements, de formation… mais le vent tourne. Et ce vent-là sent la créativité, la sueur, et un peu de ce grain de folie propre à nos conteurs. La Grande-île ne veut plus être simple figurant dans l’histoire du septième art. Madagascar s’installe, doucement mais sûrement, dans le rôle principal. Au fond, ce renouveau n’est pas qu’un phénomène culturel. C’est une déclaration : ici aussi, on sait raconter. Et mieux encore, le faire rêver.

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