Elia Rakotondrahaja : « Le nu n’est pas de la pornographie, le nu c’est la liberté »
1 mai 2025 // Photographie // 5547 vues // Nc : 184

Le photographe Elia Rakotondrahaja pratique le nu artistique. Un cliché à la fois, il déconstruit les a priori sur le nu et se l’approprie pour parler de liberté.

Pour son exposition Hypnagogie à La Teinturerie en février dernier, Elia Rakotondrahaja a présenté 56 nus masculins, parmi lesquels une seule femme nue : la photo intitulée Alina. Alina, nuit ou soirée, évoque ces tabous qui s’effacent avec le soleil, quand vient le soir. Pourtant, le public l’a interprétée autrement, car le photographe s’était permis de ne pas accompagner l’image d’un texte contextuel. « Les gens ont alors pensé qu’il s’agissait simplement d’une danseuse qui s’est mise à nu. Ils l’ont aussi interprétée à travers le prisme de l’hypnagogie, cet état entre veille et sommeil, dans le sens où le nu n’est qu’un rêve et qu’il faudra se rhabiller au réveil ». D’habitude, il accompagne souvent ses photos de textes. Il y tient, car il souhaite cadrer le regard d’un public peu familier avec le nu. « On m’a déjà dit que je faisais de la photo pornographique ».

Pour lui, la distinction est claire : « Le nu artistique, c’est exposer le corps d’une personne sans forcément éveiller le désir érotique, même si la nudité reste toujours un peu érotique. C’est une manière de révéler les courbes d’une femme, le torse d’un homme… Cela offre une approche particulière. J’ai choisi de travailler dans le nu parce que, justement, le nu incarne pour moi la liberté ».

©photo Elia Rakotondrahaja : Safidy

Capturer cette liberté commence dès le studio : Elia Rakotondrahaja consacre deux heures à échanger avec son modèle, le temps de mieux le connaître et de s’assurer qu’il incarne pleinement l’idée à transmettre devant l’objectif. Pendant les deux heures de prise de vue qui suivent, le modèle interprète à sa manière ce que c’est que liberté, tandis que le photographe choisit quelles parties du corps montrer. La création se construit ainsi en même temps que l’acte photographique. Il en résulte des images souvent en silhouette ou en noir et blanc, des tons qu’il affectionne pour leur capacité à atténuer les détails au profit de l’idée globale. « Il s’agit d’une liberté individuelle, plutôt que politique : la liberté de l’individu de faire ce qu’il veut, où et comme il le veut. Or, les règles sociales rendent cela impossible dans l’espace public. C’est plus facile d’exposer ces photos dans une galerie que dans la rue, et pourtant c’est la même chose : un nu présenté devant un public. » C’est le cas, par exemple, d’une photo représentant une femme nue, dont le corps est dissimulé par six mains, une image à double lecture : celles d’une société qui la soutient dans son désir de liberté, mais qui, en même temps, le freine.

Justement, le photographe cherche à transformer le regard que cette société porte sur le nu. « Mes amis, par exemple, me demandent souvent si photographier des corps nus n’éveille rien d’érotique en moi. Bien sûr que si. Mais le professionnalisme fait que l’appareil photo devient un mur entre moi et le modèle ». Ce mur symbolique lui permet de rester concentré sur l’intention artistique. Quant au public, leurs réactions l’ont souvent surpris : « Être confronté aux interprétations m’a à la fois choqué et rendu heureux, car j’avais l’opportunité d’expliquer à un Malgache que le nu n’est pas forcément du porno. Ça peut être autre chose. Après tout, tout le monde est nu sous ses vêtements ».

Mpihary Razafindrabezandrina

https://independent-photo.com/photographer/elia-rakotondrahaja/
Instagram : elia_harilala

©photo Elia Rakotondrahaja : Hypnagogie
©photo Elia Rakotondrahaja : Izy
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Il fut un temps — pas si lointain — où le cinéma malgache était timide, réduit à quelques projections confidentielles et à des moyens de fortune. Depuis un certain temps – ironie du sort ou simple justice poétique – ce sont nos films qui s’invitent sur les écrans du monde et des festivals sur les cinq continents. Felana Rajaonarivelo, Kuro Mi qui ont été récemment primés dans des festivals internationaux. Avec cette nouvelle génération de cinéaste, Madagascar rafle les prix et, surtout, les regards.
Il fut une époque où parler de « cinéma malgache » provoquait un sourire poli, celui qu’on réserve aux rêves un peu fous. D’autres se moquaient ouvertement de ces productions de niveau abécédaire. Désormais, ces points de vue moqueurs s’effacent pour laisser place à l’admiration. Les images sont plus nettes, les scénarios plus affûtés, les voix plus assurées. On sent cette montée en gamme, cette fierté tranquille d’un art qui prend enfin confiance en lui. Et c’est beau à voir — comme une pellicule qu’on aurait enfin sortie du grenier pour la projeter au grand jour.
Certes, des défis restent à relever, notamment en matière d’infrastructures, de financements, de formation… mais le vent tourne. Et ce vent-là sent la créativité, la sueur, et un peu de ce grain de folie propre à nos conteurs. La Grande-île ne veut plus être simple figurant dans l’histoire du septième art. Madagascar s’installe, doucement mais sûrement, dans le rôle principal. Au fond, ce renouveau n’est pas qu’un phénomène culturel. C’est une déclaration : ici aussi, on sait raconter. Et mieux encore, le faire rêver.

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