Shama Boudhabhay : Archi-artiste topophile
3 juin 2025 // Mode & Design // 4911 vues // Nc : 185

Après son installation « Mille-feuilles d’émotions » à la Biennale d’art de Nahampoana en février dernier, l’architecte Shama Boudhabhay remettra sa casquette d’artiste du 14 au 28 juin 2025 pour l’exposition collective « Carte blanche » à la Maison Sociale des Arts (Antananarivo). Alors, architecte ou artiste ? Elle dirait même « plus ».

« La Biennale d’art de Nahampoana, c’était tout autre chose. Ce qui change fondamentalement, c’est la liberté », lâche l’architecte, habituée aux exigences des projets immobiliers classiques.

©photos Shama Boudhabhay

Avec la HMONP (Habilitation à la maîtrise d’œuvre en son nom propre) en poche, un agrément spécifique au système français, c’est pourtant à Madagascar qu’elle fonde son agence d’architecture Sham.archi Studio. Une ligne de force rassemble tous ses projets (commerces, particuliers, associations) : « poétiser l’espace », selon la bio Instagram de l’agence. Si Shama Boudhabhay arrive à concilier fonctionnalité et rêverie dans les espaces qu’elle crée, c’est qu’elle développe aussi des collections de design inspirées des formes vernaculaires malgaches, des bijoux, le tout avec un fort ancrage local.

Elle a eu la même approche topophile à la Biennale : l’architecte influence l’artiste et vice versa. L’installation « Mille-feuilles d’émotions » reflétait littéralement le lieu dans ses éclats de miroir, suspendus au gré du vent depuis un dôme de bambou déjà présent dans la réserve naturelle qu’elle a visitée en 2021. « C’est une œuvre qui vibre avec l’espace, qui poétise l’instant. Plus qu’au service de l’art, je dirais que cette installation est au service du lieu. Elle entre en dialogue avec lui, elle le met en lumière, sans jamais l’écraser. »

Réminiscences de l’architecture dans l’art : le souci de la fonctionnalité. Elle a réfléchi à la façon dont les visiteurs allaient circuler autour de l’œuvre, pour intégrer une dimension participative. Le public pouvait écrire un mot, une pensée, une émotion sur un morceau de miroir coloré, et à l’accrocher. Un autre écho entre les deux disciplines : la contrainte du temps, et cela lui a bien servi ! Elle a pris son temps pour travailler entre Tamatave et Nahampoana (à l’extrême sud de l’île), mais la météo a fait que certaines parties de la structure n’ont pas pu arriver à temps. Au final, l’urgence a créé des solutions sur le vif : la spontanéité artistique. « La Biennale a plutôt renforcé ma vision de l’architecture et de l’acte de créer de manière générale : il faut avant tout mettre du plaisir dans la création, que ce soit pour l’architecte, pour le client ou pour le visiteur. »

Micro-architecture, « Mille-feuilles d’émotions » possède une structure primaire en métal noir, une secondaire – les chaînes – et une structure de remplissage : des fragments colorés. Les couleurs primaires (rouge, jaune, bleu) font référence aux palettes de Le Corbusier et aux tableaux abstraits de Mondrian. « C’est exactement comme je le ferais pour une architecture, à une autre échelle. Madagascar regorge de lieux d’une grande beauté naturelle et patrimoniale. Les faire dialoguer avec l’art, l’architecture, la musique ou le design permet de générer une nouvelle dynamique, où tourisme, création et territoire se rencontrent. Ce croisement ouvre la voie à une économie locale, sensible et collaborative, portée par les artisans, artistes et architectes, créant une valeur à la fois culturelle, symbolique et éducative. » Elle continuera à décloisonner les disciplines le 14 juin à la Maison Sociale des Arts, puis lors d’une autre exposition prévue en septembre.

Mpihary Razafindrabezandrina

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Il fut un temps — pas si lointain — où le cinéma malgache était timide, réduit à quelques projections confidentielles et à des moyens de fortune. Depuis un certain temps – ironie du sort ou simple justice poétique – ce sont nos films qui s’invitent sur les écrans du monde et des festivals sur les cinq continents. Felana Rajaonarivelo, Kuro Mi qui ont été récemment primés dans des festivals internationaux. Avec cette nouvelle génération de cinéaste, Madagascar rafle les prix et, surtout, les regards.
Il fut une époque où parler de « cinéma malgache » provoquait un sourire poli, celui qu’on réserve aux rêves un peu fous. D’autres se moquaient ouvertement de ces productions de niveau abécédaire. Désormais, ces points de vue moqueurs s’effacent pour laisser place à l’admiration. Les images sont plus nettes, les scénarios plus affûtés, les voix plus assurées. On sent cette montée en gamme, cette fierté tranquille d’un art qui prend enfin confiance en lui. Et c’est beau à voir — comme une pellicule qu’on aurait enfin sortie du grenier pour la projeter au grand jour.
Certes, des défis restent à relever, notamment en matière d’infrastructures, de financements, de formation… mais le vent tourne. Et ce vent-là sent la créativité, la sueur, et un peu de ce grain de folie propre à nos conteurs. La Grande-île ne veut plus être simple figurant dans l’histoire du septième art. Madagascar s’installe, doucement mais sûrement, dans le rôle principal. Au fond, ce renouveau n’est pas qu’un phénomène culturel. C’est une déclaration : ici aussi, on sait raconter. Et mieux encore, le faire rêver.

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