Tsiroanomandidy, ville bicentenaire (1822-2022)
7 août 2024 // Histoire // 3448 vues // Nc : 175

par Hajanirina Rakotomalala – Etudiant en Histoire

Enfin ! C’était en 2022 mais la célébration officielle n’a eu lieu que cette année en raison de la pandémie Covid-19. Si la ville de Tsiroanomandidy, capitale de la région Bongolava, s’enorgueillit de son marché à bœufs hebdomadaire très réputé, de sa population cosmopolite fruit d’une migration interne constante, de son climat tropical d’altitude, que dire depuis sa création en 1822 jusqu’à nos jours ? En effet intégré dans le royaume sakalava du Menabe, un des puissants royaumes à Madagascar depuis le XVIIème siècle dominant toute la partie occidentale de l’Île, Tsiroanomandidy était une terre vide d’hommes. C’est à partir de 1822 qu’elle commence à recevoir de migrations internes. La ville de Tsiroanomandidy était terre d’accueil des sujets du roi Radama I (1810-1828) puis aménagé et assaini dans les années 1930 pour devenir un creuset de migrants jusqu’à nos jours. Son visage actuel date des années 1970. Ce texte essaie de retracer les origines et les moments forts de la formation de la ville de Tsiroanomandidy depuis 1822.

Tsiroanomandidy- 1949, Source : Bibliothèque Nationale de Madagascar

Tsiroanomandidy, une création royale, (1822-1896)
Arrivé au trône en 1810, Radama I (1810-1828) est reconnu par l’Angleterre roi souverain de Madagascar en 1817. Comme son père Andrianampoinimerina (1787-1810), il projette de « faire de la mer la limite de son royaume ». Las de ses expéditions infructueuses dans le Menabe, Radama I rend visite au roi Ramitraho (1807-1834) pour demander la main de sa fille Rasalimo pour préserver la paix et sa vie. Ramitraho, refusant de se présenter devant Radama mais fait dire : « Izaho tsy haneky, fa raha ilainao ho vadinao Rasalimo, dia omeko (personnellement, je ne mets soumets pas, mais si vous voulez Rasalimo pour épouse, je vous la donne ». C’est au cours de son discours au lieu-dit Bondrony qu’il déclare « Tsy roa no mandidy » ou « il n’y en a pas deux qui commandent  parce que nul autre que moi n’est maître de ce royaume », donnant au nom de la ville : Tsiroanomandidy.

Une rue – 1954, Source : Bibliothèque Nationale de Madagascar

Tsiroanomandidy, une ville garnison
Radama I confie Tsiroanomandidy au komandy Rakotovao 12 honneurs et y établit un poste militaire et un marché. Parvenant à rétablir la sécurité, le gouverneur Rakotovao met en terme les razzias sakalava à l’encontre des Merina postés dans le Moyen-ouest. Le village devient alors le parc à bœuf de l’aristocratie merina. Les ombin’andriana, ou les bœufs appartenant aux princes puis plus tard au premier ministre y sont gardés et des propriétaires d’Antananarivo y envoient pâturer leurs bœufs. Des familles de soldats, des fonctionnaires et des commerçants s’installent autour de la garnison merina plantée au centre de Tsiroanomandidy, sur l’actuel quartier Ankadinakanga.

Avec 40 cases et 300 habitants dont 125 soldats hova, cette période est marquée par la prédominance des maisons en torchis qui sont des maisons en terre mêlée de paille dont les murs sont badigeonnés de feta, mélange de boue argileuse épaisse qui sert d’enduit. En 1895, le lieutenant de cavalerie De Cointet, lors de son passage à Tsiroanomandidy, détaille que « les cases sont composées d’une charpente légère, en tronc d’arbres non équarris, sur laquelle s’appuient de minces cloisons en joncs ou en roseaux. Elles sont couvertes d’une couche de torchis et le toit est en chaume ».

Maisons madio ivelany Betsileo à Tsiroanomandidy – 2023, Source : Hajanirina Rakotomalala

Tsiroanomandidy, une ville coloniale classique, (1896-1960)
Dès 1895, le lieutenant de cavalerie de Cointet, en mission de reconnaissance à Ankavandra, a sollicité la présence française à Tsiroanomandidy pour ses potentialités agro-pastorales. Pacifié par les militaires français en 1897 Tsiroanomandidy prend de plus en plus d’importance. Autour des années 1930, et en fonction des besoins en Métropole, la ville est créée pour ses potentialités en élevage bovin. L’administration a favorisé plus la promotion de l’élevage des bœufs à engraisser qu’une culture y assez développée. L’administration coloniale dote alors Tsiroanomandidy d’un plan d’urbanisme directeur, conçu par le chef de la province Hygonnet, pour faciliter le contrôle et la mise en valeur de la région en 1937.

Ce plan est tracé en forme rectangulaire où les routes et ruelles s’entrecroisent et offre à la ville une forme de paysage urbain en damier avec des infrastructures fonctionnelles telles qu’hôpital, école, maternité etc. assurant son développement. De lors, la ville est hiérarchisée et divisée en quartiers avec des fonctions différentes marquées par des maisons uniformes de cachet anglo-merina alignées symétriquement sur les bords des avenues. L’administration pare Tsiroanomandidy de plantes fruitières telles des manguiers, des tamariniers mais aussi des filaos qui marquent encore le paysage urbain de Tsiroanomandidy. De plus, l’ouverture de l’axe routier reliant Tsiroanomandidy d’Antananarivo en 1931 supprime son désenclavement, amorce une migration suffisante pour que la ville devienne un district administratif en 1941 puis commune rurale en 1950 et commune urbaine en 1962. La ville devient une ville de migrants de toutes parts pour y faire fortune. Tsiroanomandidy, alors ville coloniale classique, change de visage.

Tsiroanomandidy, une cité des migrants, (1822 à nos jours)
Pour servir de centre d’embouche des bœufs, Tsiroanomandidy s’est développé au gré des vagues de migration intérieure à partir de 1822 jusqu’à maintenant. Le roi Radama I confie la région de Tsiroanomandidy au komandy ou gouverneur Rakotovao XII honneurs et ses hommes qui y créent une cité. Alors sécurisée, la zone attire de plus en plus de migrants, Betsileo, Antandroy et d’autres groupes de population forment l’actuelle population de la ville. Dès lors, la cité devenant une agglomération, les migrants construisent leurs maisons, reproduisent leurs pratiques du bâti. C’est ainsi que nait une ville mosaïque avec une architecture cosmopolite. S’élèvent à Tsiroanomandidy des maisons trano sokera héritées du style anglo-merina du XIXème siècle, des torchis au toit de chaumes trano tany, des madio ivelany betsileo ainsi que des grandes maisons à étages des notables commerçants mêlées aux maisons des colons.

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Décembre arrive et, comme chaque année, Madagascar se réveille culturellement.
Soudainement, les salles de spectacle se remplissent, les artistes sortent du bois, les concerts s’enchaînent. C’est la saison des festivités de Noël mêlant sacré et profane, et des expositions de dernière minute. Bref, tout le monde s’active comme si l’année culturelle se jouait en un seul mois. Et franchement, il y a de quoi se poser des questions. On ne va pas se mentir : les artistes malgaches ne sont pas là uniquement pour nous divertir entre deux repas de fête. Ils bossent, ils créent, et à leur niveau, ils font tourner l’économie. Le secteur culturel et créatif représentait environ dix pour cent du PIB national et ferait vivre plus de deux millions de personnes. Pas mal pour un domaine qu’on considère encore trop souvent comme un simple passe-temps sympathique, non ?
Alors oui, ce bouillonnement de décembre fait plaisir. On apprécie ces moments où la création explose, où les talents se révèlent, où la culture devient enfin visible. Mais justement, pourquoi faut-il attendre décembre pour que cela se produise ? Pourquoi cette concentration frénétique sur quelques semaines, alors que les artistes travaillent toute l’année ? Des mouvements sont actuellement en gestation pour revendiquer leur statut d’acteurs économiques essentiels et pour que l’on accorde à nos créateurs une place réelle dans la machine économique du pays. La culture malgache vaut bien mieux qu’un feu d’artifice annuel. Elle mérite qu’on lui accorde l’attention qu’elle réclame douze mois sur douze.

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Photos : Andriamparany Ranaivozanany

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