Tsingy Mahaloka : Au pied de l'ombre
4 novembre 2025 // Escales // 582 vues // Nc : 190

Depuis son ouverture en 2024, le site touristique des Tsingy Mahaloka est rapidement devenu un des lieux les plus prisé de la région Diana. Situé à une vingtaine de kilomètre d’Ambilobe, non loin du parc de l’Ankarana et la Montagne d’Ambre, l’endroit est dorénavant incontournable pour ceux qui cherchent à s’évader et à retrouver l’ère jurassique.

©photo : ORT DIANA

Il faut quitter la nationale 6, bifurquer vers une piste sablonneuse, longer les champs de canne et les manguiers pour arriver enfin sur le site des Tsingy Mahaloka. « Un décor qui semble taillé dans les rêves », comme s’émerveillent ceux qui y sont allés, même pour la énième fois. Situé à quelques kilomètres du village d’Isesy, dans la commune d’Antsaravibe, district d’Ambilobe, le paysage se dresse comme une cathédrale minérale : des tours de calcaire en équilibre, fines à leur base, massives à leur sommet, sculptées par des siècles de vent et de pluie. « Le nom du site, Tsingy Mahaloka, dit déjà tout », explique un Herdiny, guide touristique. En effet, « tsingy », du verbe « mitsingitsingy » — signifie marcher sur la pointe des pieds —, en raison de la rugosité du relief. Quant à « mahaloka », en malgache décrit « celui qui fait de l’ombre ». Une ombre apaisante, celle que cherchent les visiteurs au pied des grottes, lorsque le soleil du nord commence à mordre.

Ce site géologique – qui s’étend sur plus de sept kilomètres carrés - forme une extension occidentale du massif calcaire de l’Ankarana. Une forteresse naturelle sculptée par les millénaires, héritée du Jurassique moyen. On peut y apprécier un labyrinthe de pics acérés, des grottes profondes et de concrétions calcaires que le temps a façonnées comme un orfèvre. « Ces grottes, longues parfois de près de 800 mètres, servaient autrefois de refuge aux populations pourchassées », explique le guide. En effet, les Tsingy Mahaloka ne se contentent pas d’impressionner par leurs formes acérées, mais portent aussi une mémoire humaine, un murmure d’histoire. « On y a retrouvé des fusils, des marmites, des traces de vie. Certaines cavités sont devenues des cimetières royaux, d’autres, des lieux de bénédiction et d’offrandes », raconte cet homme qui a grandi à proximité et connaît très bien les parages. Les habitants du village voisin disent que parfois encore, on entend des voix – celles des ancêtres – venant de ces cavités.

Le lac, lové au cœur du site, renforce cette atmosphère de mystère. « Mais il est interdit de s’y baigner, par respect pour les esprits du lieu », signale le guide local. En revanche, au sommet des tsingy, au moment du coucher du soleil, la lumière se répand comme de l’or liquide, révélant une vue panoramique sur la forêt, les villages alentour, et jusqu’à l’archipel de Nosy Mitsio. Les Tsingy Mahaloka ne sont pas que des pierres et des ombres. Ce lieu minéral abrite pourtant une vie foisonnante. Oiseaux aux couleurs éclatantes, lémuriens curieux, chauves-souris « Andre », plantes endémiques… La faune et la flore y ont trouvé un équilibre fragile, mais réel. Certains touristes – amateurs de la nature et scientifiques également – y viennent surtout pour ces richesses.

En matière touristique, la communauté locale du VOI KOFAMA (Koperativa Fikambanana Ankarabe Mitsinjo Arivo), gestionnaire du lieu depuis 2005 propose plusieurs circuits thématiques au sein du site. Le circuit Mandresibe conduit à une grotte monumentale, presque un kilomètre de long, où pendent de longues stalactites et se dressent des stalagmites de pierre blanche. Des poissons aveugles y nagent, vestiges vivants d’un monde souterrain intact. En sortant, le sentier grimpe vers Mitsinjoarivo, un belvédère d’où la vue à 360° embrasse tout le nord de Madagascar : la plaine, les champs, la forêt et, au loin, le bleu du canal du Mozambique. Un cadre idéal pour admirer le coucher de soleil et conclure une journée riche en découvertes. Le circuit Baobab, accessible après une randonnée pédestre de deux heures, mène au pied d’un géant solitaire – un Adansonia madagascariensis – qui semble veiller sur les tsingy. Quant au circuit « Azalah ! », réservé aux plus téméraires, il combine escalade, tyrolienne et exploration de grottes à rivières souterraines. Un cocktail d’adrénaline et de beauté brute.

Ce qui rend le Tsingy Mahaloka si singulier, c’est son ancrage communautaire. Loin des circuits touristiques standardisés, le site est géré, entretenu et animé par les habitants d’Ampotsehy.

Leur association, la KOFAMA a fait du lieu un modèle d’écotourisme participatif. L’objectif est que les visiteurs découvrent non seulement la beauté du paysage, mais aussi la beauté des gens qui y vivent. Ainsi, en marge des circuits, les voyageurs peuvent participer à des activités agricoles, apprendre à cuisiner les spécialités du terroir, partager des repas au coin du feu, écouter des contes anciens. « Ici, on ne vend pas un décor. On partage une vie », lancent les membres de l’association, en marketeurs.

Le Tsingy Mahaloka, c’est aussi une promesse. Celle d’un développement durable qui ne sacrifie ni la nature ni la dignité des habitants. Grâce à la fréquentation touristique, la communauté a pu réhabiliter des circuits, construire un espace d’accueil, et financer la scolarisation d’enfants du village. L’écotourisme, ici, ne se contente pas d’apporter des devises : il stabilise des vies. Les revenus des visites permettent de réduire la pression sur les forêts et d’encourager la conservation. Le roi des Antakarana, Issa Tsimiaro II, présent lors de l’inauguration du site, a d’ailleurs rappelé la dimension sacrée du lieu. « Les Tsingy Mahaloka appartiennent à notre mémoire collective. Les préserver, c’est préserver une part de nous-mêmes », avait-il lancé en appel.

Le site, aujourd’hui classé parmi les aires écotouristiques protégées de la région Diana, attire un nombre croissant de visiteurs. Sa proximité avec le parc de l’Ankarana et la Montagne d’Ambre en fait une escale parfaite sur la route du nord. Et même s’il reste modeste, avec ses campements sous tente et ses repas partagés, Mahaloka séduit par ce mélange rare de simplicité et de grandeur.

Solofo Ranaivo

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Il fut un temps — pas si lointain — où le cinéma malgache était timide, réduit à quelques projections confidentielles et à des moyens de fortune. Depuis un certain temps – ironie du sort ou simple justice poétique – ce sont nos films qui s’invitent sur les écrans du monde et des festivals sur les cinq continents. Felana Rajaonarivelo, Kuro Mi qui ont été récemment primés dans des festivals internationaux. Avec cette nouvelle génération de cinéaste, Madagascar rafle les prix et, surtout, les regards.
Il fut une époque où parler de « cinéma malgache » provoquait un sourire poli, celui qu’on réserve aux rêves un peu fous. D’autres se moquaient ouvertement de ces productions de niveau abécédaire. Désormais, ces points de vue moqueurs s’effacent pour laisser place à l’admiration. Les images sont plus nettes, les scénarios plus affûtés, les voix plus assurées. On sent cette montée en gamme, cette fierté tranquille d’un art qui prend enfin confiance en lui. Et c’est beau à voir — comme une pellicule qu’on aurait enfin sortie du grenier pour la projeter au grand jour.
Certes, des défis restent à relever, notamment en matière d’infrastructures, de financements, de formation… mais le vent tourne. Et ce vent-là sent la créativité, la sueur, et un peu de ce grain de folie propre à nos conteurs. La Grande-île ne veut plus être simple figurant dans l’histoire du septième art. Madagascar s’installe, doucement mais sûrement, dans le rôle principal. Au fond, ce renouveau n’est pas qu’un phénomène culturel. C’est une déclaration : ici aussi, on sait raconter. Et mieux encore, le faire rêver.

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