Egorgeur : A tout saigneur tout honneur
17 août 2023 // Métiers & Petits Métiers // 3883 vues // Nc : 163

Égorgeur, saigneur, ça pose son homme ! Ou plutôt ici, sa femme. A condition d’avoir le physique de l’emploi. Elle l’a. Et un coup de lame bien rodé, ses milliers de victimes en savent quelque chose. Une profession qui s’exerce au cœur des marchés ; quand elle s’y fraye un chemin, de sa démarche chaloupée, roulant les mécaniques, un silence s’installe, et les enfants, de dessous les jupes de leurs mères, observent avec fascination et effroi passer cette masse virevoltante : le sicaire, la tueuse à gages.

La volaille saisie par la main gauche, notre dame porte le couteau dans le bec, comme subrepticement, traverse la gorge et provoque une grosse saignée. Une fois vidée de son sang, la volaille est plongée dans l’eau bouillante par un comparse ; vite débarrassée de ses plumes, elle peut partir vers les cuisines et les boucheries de détail alentour. Pour les saigneurs qui n’ont pas la poigne de la forte dame, un modeste dispositif simplifie l’égorgement : un bidon jaune accroché à un mur, avec une partie évidée en bas, bloque la poule la tête en bas. La victime ne peut plus alors qu’offrir sa gorge au couteau, et son corps, sous camisole, se vider rapidement de son sang.

Alignés comme des trophées au pied du vainqueur, quatre canards ne portent plus la tête haute. La bande des quatre est vaincue. Fin de parcours. Le contrat est rempli: canard a vécu pour que seigneur vive. Les grands paniers ronds, faits de solides lattes de bambou (Bara[1]rata), peuvent s’empiler jusqu’au ciel, rien n’arrêtera la marche des hommes (et le débarquement par centaines, dans la capitale, de ces nasses à gallinacés arrimées sur le toit des Taxi Be). Ainsi soit-il.

Émaciés, débarrassés des contingences charnelles, les canards ne sont plus que des épures passées au fil du couteau. Inversement, la dame semble avoir aspiré le sang et les viscères de ses victimes en quantité inépuisable, en attestent sa corpulence et les bassines qu’elle remplit tout au long de son office. Bibendum de caricature, elle enfle au fur et à mesure que sa fine lame s’acharne. Elle est ronde comme les nasses à gallinacés qui s’empilent, ronde comme le bidon bleu qui exhibe les quatre victimes, ronde comme les bassines qu’elle bourre. La rondeur est signe de sa bonhomie, de sa candeur, de sa simplicité quasi biblique. Bonhomme et ronde. Quelle destinée ! Jusqu’où va-t-elle grossir ? Jusque quand va-t-elle tuer ? Comment ne pas être écœuré par tant de sang, de viscères, de miasmes suffocants. Indigné par tant d’opulence gagnée aux dépens du plus faible. Pour autant, c’est une scène de la vie ordinaire. C’est ainsi dans toutes les cuisines du monde. C’est ainsi que les hommes vivent. Depuis toujours. Cachez ce sein que je ne saurai voir.

Texte et photo : YvA

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Décembre arrive et, comme chaque année, Madagascar se réveille culturellement.
Soudainement, les salles de spectacle se remplissent, les artistes sortent du bois, les concerts s’enchaînent. C’est la saison des festivités de Noël mêlant sacré et profane, et des expositions de dernière minute. Bref, tout le monde s’active comme si l’année culturelle se jouait en un seul mois. Et franchement, il y a de quoi se poser des questions. On ne va pas se mentir : les artistes malgaches ne sont pas là uniquement pour nous divertir entre deux repas de fête. Ils bossent, ils créent, et à leur niveau, ils font tourner l’économie. Le secteur culturel et créatif représentait environ dix pour cent du PIB national et ferait vivre plus de deux millions de personnes. Pas mal pour un domaine qu’on considère encore trop souvent comme un simple passe-temps sympathique, non ?
Alors oui, ce bouillonnement de décembre fait plaisir. On apprécie ces moments où la création explose, où les talents se révèlent, où la culture devient enfin visible. Mais justement, pourquoi faut-il attendre décembre pour que cela se produise ? Pourquoi cette concentration frénétique sur quelques semaines, alors que les artistes travaillent toute l’année ? Des mouvements sont actuellement en gestation pour revendiquer leur statut d’acteurs économiques essentiels et pour que l’on accorde à nos créateurs une place réelle dans la machine économique du pays. La culture malgache vaut bien mieux qu’un feu d’artifice annuel. Elle mérite qu’on lui accorde l’attention qu’elle réclame douze mois sur douze.

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Photos : Andriamparany Ranaivozanany

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