Zaho Zay : Docufiction atypique
4 juin 2021 // Cinéma // 4447 vues // Nc : 137

Primé aux Festivals de Marseille (FID) et Vienne (Viennale) 2020 et coréalisé par Maéva Ranaïvojaona et Georg Tiller, « Zaho Zay » (1 h 18, 2020) est un docufiction atypique tirant sa force de son habileté à flouter la frontière entre réel et imaginaire.

Le film s’ouvre sur un plan large de la devanture d’une maison. Une femme coiffée d’un chapeau de raphia, les yeux rivés vers l’horizon, semble attendre quelqu’un.
On reconnait la mélodie de Iny hono izy ravorombazaha, une célèbre berceuse malgache. On écoute la voix off censée exprimer la pensée de la jeune femme.
La qualité du texte écrit par l’écrivain malgache Jean Luc Raharimanana est surprenante.
Sa plume est reconnaissable tant le ton de la voix off est poétique et violent.  Raharimanana a fait un clin d’œil littéraire à « Za » (2008), une de ses œuvres antérieures.
Tandis que dans ce roman, il a écrit : « Rien ne pousse ici, homme nu. Ni les espérances ni même le cynisme ou la dérision des pauvres. », pour « Zaho Zay », le texte devient : « Rien ne pousse ici, ni la dérision des pauvres, ni le rire gras du pouvoir. »
Le montage est en parfaite adéquation avec cette voix off omniprésente. Des plans longs, le sens de l’errance et de la contemplation caractérise « Zaho Zay ».

Au fur et à mesure que le film avance, on apprend que la narratrice travaille comme gardienne dans une prison de Fianarantsoa.  Elle convoque le souvenir de son père. « Zaho Zay » se rapproche du court métrage documentaire « L’absence » (8 mn, 2016) de la cinéaste malienne Hawa Aliou N’Diaye  dont le thème tourne également autour de la quête du père. Dans « L’absence », la figure paternelle s’est écartée de la narratrice en passant toute sa retraite dans une mosquée. Une absence qui a perturbé l’enfance de cette dernière et qui la hante à tel point qu’elle voit son père en chaque homme âgé qu’elle croise. La narratrice de « Zaho Zay », elle, a été abandonnée par son père durant son enfance juste après que ce dernier eut commis un fratricide. Elle rêve qu’un jour, son père arriverait dans la prison de Fianarantsoa, et que son nom fasse partie de la liste des détenus qui doivent répondre à la présence de l’agent pénitentiaire. Le titre du film vient d’ailleurs de leur réponse à cet appel : « Zaho Zay » ou « C’est moi ».

Dans son imagination, la narratrice attribue un profil original à son père, celui d’un étrange meurtrier, coiffé d’un chapeau de paille, errant dans les campagnes et décidant du sort de ses victimes en lançant des dés.  Le fait qu’il confie sa décision de tuer sur le compte du hasard le rapproche du personnage d’Anton Chigurh, un tueur à gages psychopathe jouant la vie des gens à pile ou face dans le film « No Country for Old Men » (2007) de Joel et Ethan Coen. Les fantasmes de la narratrice virent au cauchemar à la suite de l’arrivée d’un nouveau détenu qui prétend connaître son père.


Propos recueillis par Aina Randrianatoandro
Association des critiques cinématographiques de Madagascar

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Décembre arrive et, comme chaque année, Madagascar se réveille culturellement.
Soudainement, les salles de spectacle se remplissent, les artistes sortent du bois, les concerts s’enchaînent. C’est la saison des festivités de Noël mêlant sacré et profane, et des expositions de dernière minute. Bref, tout le monde s’active comme si l’année culturelle se jouait en un seul mois. Et franchement, il y a de quoi se poser des questions. On ne va pas se mentir : les artistes malgaches ne sont pas là uniquement pour nous divertir entre deux repas de fête. Ils bossent, ils créent, et à leur niveau, ils font tourner l’économie. Le secteur culturel et créatif représentait environ dix pour cent du PIB national et ferait vivre plus de deux millions de personnes. Pas mal pour un domaine qu’on considère encore trop souvent comme un simple passe-temps sympathique, non ?
Alors oui, ce bouillonnement de décembre fait plaisir. On apprécie ces moments où la création explose, où les talents se révèlent, où la culture devient enfin visible. Mais justement, pourquoi faut-il attendre décembre pour que cela se produise ? Pourquoi cette concentration frénétique sur quelques semaines, alors que les artistes travaillent toute l’année ? Des mouvements sont actuellement en gestation pour revendiquer leur statut d’acteurs économiques essentiels et pour que l’on accorde à nos créateurs une place réelle dans la machine économique du pays. La culture malgache vaut bien mieux qu’un feu d’artifice annuel. Elle mérite qu’on lui accorde l’attention qu’elle réclame douze mois sur douze.

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