Peintre reconnu pour ses aquarelles du quotidien malgache, Nary Arthur explore aujourd’hui un nouveau territoire, le bois. Ses œuvres, offertes à des chefs d’État et accrochées dans plusieurs palais officiels, font rayonner l’art malgache bien au-delà des frontières.
Il y a des artistes qui courent après la lumière. Et puis il y a ceux qui, sans rien demander, finissent accrochés aux murs des palais. Nary Arthur, lui, a choisi le bois. Et ce n’est pas une métaphore. Depuis deux ans, ce peintre malgache à la main affutée s’est mis à travailler directement sur des rondins. Des morceaux d’arbres tombés après le passage des cyclones à Antananarivo. Là où d’autres y auraient vu du bois de chauffe, lui a vu des tableaux en puissance. « Se chauffer avec ? La chaleur s’éteint avec le feu. Mais voir un dessin sur un tronc d’arbre, ça réchauffe pour des années », souffle-t-il dans un demi-sourire. Chez lui, la poésie commence dans l’atelier.
Il faut dire que Nary Arthur a toujours été là, à mi-chemin entre l’ombre du quotidien malgache et la lumière des grandes galeries. Aquarelliste confirmé, il a croqué pendant des années les petits métiers, les vendeuses de fruits sur les trottoirs, les pousse-pousse grinçants et les rizières inondées de vert. Un œil presque photographique, un pinceau habité. Ses expositions, individuelles ou collectives, se comptent par centaines à Antananarivo, en province et même à l’étranger. Mais ces derniers temps, ce sont ses œuvres en bois qui font parler de lui — et jusqu’au Vatican.
Oui, le Vatican. Car cet artiste discret est devenu, au fil des ans, un généreux ambassadeur culturel. Il est probablement celui qui, parmi les plasticiens malgaches, a offert le plus de tableaux à des chefs d’État étrangers. Une forme d’art diplomatique qui ne dit pas son nom. En 2019, lors de la visite du Pape François à Madagascar, il lui remet un tableau. En avril 2025, c’est le couple présidentiel français qui repart avec une œuvre sous le bras, après un sommet à Antananarivo. Et plus récemment, pas plus tard qu’au mois de mai dernier, la présidente de la Slovénie reçoit, elle aussi, un de ses bois peints. « Elle m’a promis de l’accrocher dans son bureau », glisse-t-il, amusé.
Mais comment ce peintre parvient-il à approcher autant de figures d’État ? Le secret, c’est Akamasoa. L’espace culturel fondé par le Père Pedro Opeka, figure incontournable de la lutte contre la pauvreté, sert aussi de lieu d’exposition permanent à Nary Arthur. Tous les chefs d’État en visite à Madagascar passent par ce lieu devenu mythique. Et, souvent, ils tombent sur les œuvres du peintre. Parfois, ils repartent avec.
Il y a une forme de logique dans ce destin. Car le travail de Nary Arthur ne triche pas. Il parle du réel, du sol. Et aujourd’hui, il parle du bois.
Ces troncs, il les choisit, les scie, les polit lui-même, gardant parfois l’écorce intacte. « Ça fait cadre naturel. Pas besoin d’en rajouter. Et puis ça donne de la force au dessin », dit-il, tout en frottant une surface déjà presque lisse. Le bois, selon lui, a une âme. Il absorbe, il résiste, il dialogue. Mais il faut le dompter. Techniquement, le passage du papier au bois aurait pu poser problème. Nary Arthur s’en accommode sans drame. « C’est la même technique que l’aquarelle sur papier. Il faut juste maîtriser l’absorption. Le bois boit beaucoup. Mais j’ai trouvé un moyen de fixer les pigments sans dénaturer les couleurs. Mes œuvres doivent rester intactes pendant des années. » Il ne dit pas comment. C’est son secret. Les maîtres ne dévoilent pas tout.
Dans l’histoire de la peinture, le bois comme support n’est pas une hérésie. Des artistes comme Albrecht Dürer ou les primitifs flamands l’utilisaient déjà au XVe siècle, bien avant l’avènement des toiles. Plus près de nous, le sculpteur-peintre français Jean Dubuffet n’a jamais hésité à peindre sur tout ce qui lui tombait sous la main, y compris des planches. Le bois oblige à penser autrement. À composer avec la matière, avec ses accidents, ses veines, ses failles. Et c’est exactement ce que fait Nary Arthur. Le choix du bois, chez lui, n’est pas qu’un geste esthétique. Il est aussi politique. Écologique, même. « Le papier coûte cher et pollue. Le bois que j’utilise est récupéré. C’est du matériau en moins dans les détritus qui encombrent les quartiers », précise-t-il. C’est un discours simple, sans emphase. Mais qui dit beaucoup du regard que cet artiste pose sur le monde.
Solofo Ranaivo