Décrit par son fondateur Christian Ratovoarisoa comme un « musée 2.0 », le Musée du Nord à Ambohitrolomahitsy casse les codes. Ici, pas de cimaises blanches ni d’audioguides, mais des routes de campagne cabossées à parcourir en deudeuche décapotée. Plus qu’un musée au sens classique, c’est une expérience immersive, encore en chantier — au sens propre comme au figuré.
Le projet entend exposer « la vie quotidienne des Malgaches » en la vivant directement. Pour y accéder, il faut réserver sa journée et quitter Antananarivo pour Ambohitrolomahitsy. La route elle-même fait partie du dispositif muséal. Et la voiture ? Un musée ambulant : vieux téléphone à cadran sur la banquette arrière, objets artisanaux en vrac, quelques rapports de stage égarés. Le tout entassé dans une 2CV6 couverte de tags laissés par les visiteurs précédents. Sur la route, impossible de passer inaperçu — une expérience en soi, pour qui assume les regards. « La voiture est une métaphore de la vie malgache. Malgré son apparence, elle est en règle et fait sourire. Combien de sourires as-tu récoltés jusqu’ici ? » lance-t-il, en tapotant sa Citroën 2Cv. Une philosophie de la débrouille, version piste en latérite.
Sur place, le musée s’étend sur plusieurs sites aux noms évocateurs : le « Little Black Lake », asséché en hiver ; la « Route 33 », tranquille, où l’on peut poser devant une carcasse de voiture ; un champ de bataille de Ralambo dominant une rizière, avec un rocher surnommé Simba en clin d’œil au Roi Lion ; un village abandonné et un autre, habité mais silencieux, où se trouve le cœur du musée : une vieille maison, dont une salle est baptisée « la maison à l’envers ». Ici, pas de vitrines bien éclairées : plutôt des polaroïds en noir et blanc, des citations imprimées sur Word et un assemblage d’objets hétéroclites qui interrogent la démarche curatoriale… s’il y en a une. Ratovoarisoa privilégie une approche symbolique et pédagogique plus qu’historique. On y parle tradition orale, bonnes manières à la malgache et… agriculture.
Dernier site inscrit sur la liste manuscrite remise à l’arrivée : le « début d’autoroute de Madagascar », visible depuis la varangue du musée. L’un des cogérants confie que l’ouverture de cette infrastructure pourrait booster le projet. Pourquoi pas. En l’état, le Musée du Nord relève d’un tourisme rural à haut potentiel… encore largement inexploré. Il faut avoir le dos solide pour passer d’un site à l’autre, mais les paysages alentour compensent les cahots. Pour la suite, l’équipe mise sur la randonnée et la valorisation des parcours à pied.
Mpihary Razafindrabezandrina
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