Henintsoa Rabarijaona « La musique classique, c’est mon quotidien »
11 avril 2024 // Musique // 9590 vues // Nc : 171

Au pupitre depuis une vingtaine d’années, on le reconnaît par les premières notes qu’il donne, car il n’est pas que musicien, il est aussi un leader. De petits groupes à orchestre, Henintsoa Rabarijaona aka Tsoa, dirige ses formations par la force de la discipline et de la passion. Formateur et concertiste, le violoniste ne se laisse pas limiter par le temps, les conditions, ou l’espace.

Il donne le premier coup d’archet. Henintsoa Rabarijaona est chef de pupitre, aussi appelé « premier violon » de l’Orchestre et Chœur Philarmoniques d’Antananarivo Analamanga (OCPAA). Une qualification qu’il doit à un parcours fait de défis, car, si le musicien a commencé à s’intéresser à la musique sans avoir eu d’instrument, il a appris à jouer en autodidacte. « J’ai commencé à m’y intéresser au sein de l’Église anglicane, où l’éducation introduit la musique classique, à travers les morceaux liturgiques. Puis, j’ai commencé à apprendre (à jouer du violon), vers la fin de l’année 2000. » En 2020, il obtient officiellement son diplôme au Centre National d’Enseignement de Musique et de Danse (CNEMD). Initié au monde des musiciens par Dr Olivier José Razafitsambaina, fondateur de l’OCPAA et de l’Orchestre de l’Orphelinat Saint Paul, le passionné de musique a commencé à faire le tour des concerts en tant que spectateur, à reproduire les chansons célèbres, et à exercer son oreille musicale. « J’ai appris en essayant de reproduire des chansons, mais aussi en allant à des concerts, en reproduisant les gestes techniques des musiciens, et en adoptant leur posture. Je me souviens qu’à ce moment-là, je traînais à Itaosy, en centre-ville, jusqu’à Andohalo, pour voir des concerts. » L’autodidacte et jeune Tsoa est vite repéré par ses aînés, pour devenir, en 2006, chef de pupitre.

Aux grands pouvoirs, de grandes responsabilités. Parce qu’un chef de pupitre est un leader, aucune note ne doit lui échapper. Tsoa connaît chaque instrument et musicien membre de l’orchestre. Bras droit du chef d’orchestre, il donne vie aux pièces pour rendre chaque expérience en salle unique. « Le premier violon gère tout le côté technique : le chef d’orchestre explique l’exécution, et c’est au chef de pupitre, ou premier violon, de proposer la technique qui correspond à cette vision. » Du recrutement à la répétition, il doit connaître chaque membre de l’orchestre, leurs forces et leurs faiblesses, les soucis de temps comme le caractère de chacun. C’est à lui de choisir la place des musiciens sur scène : le chef de pupitre doit surpasser la technique, comprendre, et s’adapter au contexte de son pays natal. « Le contexte au pays est différent de celui des pays étrangers, où les musiciens sont engagés pour travailler sur une pièce. Connaissant la situation des musiciens ici, je décide avec eux du temps que nous allons donner à la répétition. La seule condition est que chacun fasse de son mieux pour réussir le concert. » Le premier violon dirige d’une main de fer ses co-équipiers. Une discipline qu’il se doit de poser pour chaque cours, sans y laisser la délicatesse. Et si parfois, des incidents arrivent, les mains du premier violon ne peuvent pas glisser : « Un des moments qui m’ont marqué durant mon parcours a été un concert, où le chanteur et les musiciens se sont perdus : j’ai dû continuer, tout seul, le morceau jusqu’à la fin. » Dans tout cela, le chef pupitre garde de beaux souvenirs de ses concerts. L’homme, en éternel apprenti, connaît l’émerveillement d’un très grand orchestre lors de ses voyages hors du pays.

Formateur de profession, le passionné survit dans un contexte peu évident. « En général, il n’y a que deux moyens de se professionnaliser dans le milieu de la musique : en étant concertiste ou formateur. Mais à Madagascar, on est obligé d’être les deux. De même, il est crucial de participer à plusieurs concerts afin de valider les acquis. Heureusement, actuellement, l’Etat est en train de mettre en place une structure afin de normaliser les formations artistiques et culturelles. » Tsoa, formateur qui a dû laisser son rêve de créer une école à Madagascar, continue d’y croire : « La musique classique est la base de tous les autres genres. C’est pour cela qu’il est indispensable de l’enseigner avant tout. Certains décident ensuite de faire du jazz, du rock, ou d’autres styles de musique : je ne peux garantir qu’une chose, je n’arrêterai pas la musique classique, jamais. La musique classique, c’est mon quotidien. » Outre les concerts prévus par l’OCPAA, Henintsoa Rabarijaona participe régulièrement à des concerts, notamment au sein de l’Orchestre à Rayonnement Régional de La Réunion, en tant que second violon. Le musicien prévoit de pousser ses élèves et d’assurer la relève par la professionnalisation et le soutien de leur projet. D’ici-là, Henintsoa Rabarijaona garde la main.

Propos recueillis par  Rova Andriantsileferintsoa
Facebook : Henintsoa
Contact : +261 34 33 862 02

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Décembre arrive et, comme chaque année, Madagascar se réveille culturellement.
Soudainement, les salles de spectacle se remplissent, les artistes sortent du bois, les concerts s’enchaînent. C’est la saison des festivités de Noël mêlant sacré et profane, et des expositions de dernière minute. Bref, tout le monde s’active comme si l’année culturelle se jouait en un seul mois. Et franchement, il y a de quoi se poser des questions. On ne va pas se mentir : les artistes malgaches ne sont pas là uniquement pour nous divertir entre deux repas de fête. Ils bossent, ils créent, et à leur niveau, ils font tourner l’économie. Le secteur culturel et créatif représentait environ dix pour cent du PIB national et ferait vivre plus de deux millions de personnes. Pas mal pour un domaine qu’on considère encore trop souvent comme un simple passe-temps sympathique, non ?
Alors oui, ce bouillonnement de décembre fait plaisir. On apprécie ces moments où la création explose, où les talents se révèlent, où la culture devient enfin visible. Mais justement, pourquoi faut-il attendre décembre pour que cela se produise ? Pourquoi cette concentration frénétique sur quelques semaines, alors que les artistes travaillent toute l’année ? Des mouvements sont actuellement en gestation pour revendiquer leur statut d’acteurs économiques essentiels et pour que l’on accorde à nos créateurs une place réelle dans la machine économique du pays. La culture malgache vaut bien mieux qu’un feu d’artifice annuel. Elle mérite qu’on lui accorde l’attention qu’elle réclame douze mois sur douze.

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