Trois auteurs, et les autres
15 novembre 2017 - Cultures Livre du mois LivresNo Comment   //   1894 Views   //   N°: 94

Jean-Louis Cornille embrasse large dans Le murmure des îles indociles : il n’y est pas seulement question de Madagascar mais de tout l’espace indocéanien et même davantage quand il s’appuie sur des comparaisons puisées dans les îles des Caraïbes, du côté de Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant, Edouard Glissant, voire jusqu’au Guyanais Léon-Gontran Damas et au continent africain. Il n’a pas tort : la littérature malgache de langue française est moins insulaire que le pays semble parfois l’être et s’inscrit, pour le moins, dans ce que, rappelle l’essayiste, Le Clézio nomme « un archipel d’ex-îles ». L’occasion de signaler que la plupart des auteurs dont il est question vivent ou ont vécu à l’étranger. Parmi les Malgaches, seule Michèle Rakotoson vit actuellement dans son pays d’origine. Les autres – Raharimanana et Johary Ravaloson, que vous lisez dans des pages voisines – sont installés en France.

Le lecteur simplement curieux de dégager les grandes lignes des sensibilités exprimées à travers les œuvres analysées sera peut-être désarçonné par une grille d’interprétation imprégnée de la pensée de Gilles Deleuze. Grille pertinente, mais peu familière à beaucoup d’entre nous. En revanche, on se penche avec grand intérêt sur le fil qui relie Raharimanana à Damas et Rimbaud, à Césaire et Lautréamont. Ou à la manière dont Johary Ravaloson, dans Géotropiques, où le surf est très présent, « développe cette analogie entre la “ glisse ” sur les houles et l’écriture », avec la bénédiction de Deleuze. Ou encore au rapprochement entre Cheikh Hamidou Kane (L’aventure ambiguë) et Michèle Rakotoson (Le bain des reliques).

Il ne suffit pas à ces trois écrivains d’être malgaches pour développer des thématiques communes. En revanche, leur statut géographiquement mouvant autorise Jean-Louis Cornille à envisager en parallèle certains de leurs livres : Juillet au pays, de Michèle Rakotoson, L’arbre anthropophage, de Raharimanana, et Géotropiques, de Johary Ravaloson, développent le thème du retour au pays, mais « de manière très différente, nous permettant ainsi de diversifier les réponses à la question de l’identité soumise à l’épreuve de l’émigration – de la suave nostalgie au rejet douloureux du présent, en passant par l’affirmation d’un Tout-monde dénué de frontières. »

On n’épuisera pas en un article la richesse d’une étude dans laquelle la littérature est prise au sérieux, comme un sujet qui mérite d’être considéré à sa juste valeur. Dommage qu’une approximation vienne jeter un léger doute sur la rigueur de l’ensemble. Signalant, dans une note en bas de page (c’est dire que la faute est vénielle), les Mémoires d’outre-mer de Michaël Ferrier, Jean-Louis Cornille en fait la recherche des origines, sur les traces d’un père – alors qu’il s’agit, dans le roman, du grand-père.

Jean-Louis Cornille, Le murmure des îles indociles. Passage(s), 200 p., 15 €.

COMMENTAIRES
Identifiez-vous ou inscrivez-vous pour commenter.
[userpro template=login]