Tolagnaro : Les pêcheurs du Vieux Port
Suite à la construction du nouveau port à Tolagnaro (Fort-Dauphin), le Vieux Port a perdu de son importance, mais a gardé tout son charme. C’est un des lieux les plus caractéristiques de la ville et surtout le berceau d’une ancienne tradition de pêche. Trois cents pêcheurs s’y activent toujours.
Le Vieux Port de Tolagnaro
Remihà, 90 ans.
Pêche à la ligne en groupe
Remihà, 90 ans, est l’un des pêcheurs les plus âgés du coin. Il se souvient que lorsqu’il avait 10 ans, il partait déjà au large avec son père. Cela lui fait donc 80 ans de mer. Au Vieux Port de Fort-Dauphin, il a vu pas mal de choses. « Avant, il y avait des poissons même à quelques mètres de la plage, mais maintenant il faut s’éloigner pour en trouver. Il est difficile d’en connaître les raisons mais la pêche industrielle y est pour beaucoup ! Cette façon de pêcher détruit les atody (œufs) ainsi que les petits poissons, ce qui freine la reproduction. » Cependant, il est content que la tradition n’ait pas disparu et que pas mal de jeunes continuent l’activité. Sur le rivage, les femmes aussi pêchent mais à la moustiquaire, la pirogue étant réservée aux hommes.
Une des caractéristiques de cette pêche traditionnelle est l’utilisation du lakana (pirogue) sans balancier, différent du fameux lakana vezo à un ou deux balanciers. Sur les lakana Anosy, une fois qu’on a pris place, on ne peut pas trop bouger au risque de se renverser. Le lakana est creusé dans une pièce unique de tronc d’arbre, généralement du vintagno, un arbre peu lourd et qui tient bien au contact de la mer. Parfois, les pêcheurs les fabrique avec du kinine, un bois beaucoup plus dur et lourd, mais qui est utilisé sur une fine épaisseur.
Une fillette joue au Vieux Port
Le pêcheur et son filet
Un lakana coûte entre 400 000 et 500 000Ar et dure près de deux ans. Au-delà de cette période, les pêcheurs commencent les réparations des trous avec du matériel de bricole comme les morceaux de bidons d’huile jaunes.
Les horaires pour prendre la mer dépendent du temps. « Si le temps est clément on sort le soir vers 19 heures ou 21 heures, et parfois à une heure ou trois heures du matin. On revient de la pêche entre sept et neuf heures du matin. » Les méthodes de pêche diffèrent. Le jour, les pêcheurs utilisent la ligne tandis que la nuit ils optent pour le filet, moins visible dans l’obscurité. « Mais les poissons sont intelligents et en général, ils évitent les filets. La pêche à la ligne laisse la possibilité de reproduction au poisson. » Au Vieux Port, les poissons les plus pêchés sont la sardine, en malgache local sihely, mais aussi les valahara et les regnaregna (ces derniers, en raison de leurs gros yeux, sont surnommés bemaso). « Si on tombe sur un banc de sardines,
Famille de pêcheurs
la petite pirogue peut en remonter jusqu’à 400 kilos, et les lakana plus grands jusqu’à 600 kilos. »
Malgré son aspect fragile, le lakana peut aller jusqu’à six ou sept kilomètres en mer. Les pêcheurs reviennent le plus souvent avec des thons ou des requins. De retour à plage, les femmes attendent leurs hommes pour récupérer les poissons et aller au marché local. Actuellement, le prix des sardines (sihely et varahala) est de 2 000 ariary par toko (lot) de cinq ou trois pièces. Le regnaregna est vendu à 2000 ariary par pièce.
Texte et photos : #SalvatoreAvallone
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